Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Par une demande enregistrée sous le numéro 1710145, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler la décision du 20 novembre 1985 par laquelle le directeur du centre hospitalier des Quatre Villes l'a placée en disponibilité, ensemble la décision du 31 août 2017 rejetant son recours gracieux et, par voie de conséquence, d'annuler " l'intégralité des actes et décisions connexes et ou subséquentes à ces décisions ".
II. Par une demande enregistrée sous le numéro 1900744, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, de condamner le centre hospitalier des Quatre Villes à lui verser, à titre de rappel de salaires, la somme de 29 010,22 euros ou, subsidiairement, celle de 15 853,09 euros, ainsi que la somme de 5 000,40 euros au titre de son préjudice de carrière et la même somme au titre de la perte de ses droits à pension de retraite, assorties des intérêts au taux légal courant à compter du 12 novembre 2018, date de la réception de sa réclamation préalable, et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier des Quatre Villes de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension de retraite pour la période du 1er décembre 1985 au 31 octobre 1987, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jours de retard.
Par un jugement n° 1710145-1900744 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 avril et 29 novembre 2021 et le 2 juin 2023, Mme B... A..., représentée par Me A..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement ;
2°) d'annuler la décision du 31 août 2017 par laquelle le centre hospitalier des Quatre Villes a rejeté son recours gracieux ;
3°) d'annuler la décision du 20 novembre 1985 par laquelle le centre hospitalier des Quatre-Villes l'a placée en disponibilité ;
4°) de condamner le centre hospitalier des Quatre Villes à lui verser, à titre principal, la somme de 29 010,22 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 15 853,09 euros à titre de rappel de salaires, ou, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts, et, en tout état de cause, la somme de 5 000,40 euros au titre du préjudice lié à sa perte d'échelon ;
5°) d'enjoindre au centre hospitalier des Quatre Villes de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension de retraite en lui attribuant l'ensemble des cotisations dues à la Caisse nationale des retraites (CNRACL), soit huit trimestres correspondant à la période du 1er décembre 1985 au 31 octobre 1987, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) de dire que les sommes mises à la charge du centre hospitalier des Quatre Villes porteront intérêts de retard à compter du 12 novembre 2018, date de réception par l'administration de son recours préalable ;
7°) de débouter le centre hospitalier des Quatre Villes de ses demandes ;
8°) de condamner le centre hospitalier des Quatre Villes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne ses conclusions aux fins d'annulation :
S'agissant de la décision du 20 novembre 1985 :
- la décision du 20 novembre 1985 décidant de sa mise en disponibilité est inexistante, en raison de son caractère illégal et frauduleux ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- le caractère illégal et frauduleux de la décision lui rend inopposable le principe de sécurité juridique qui impose un délai raisonnable de recours, un acte obtenu par fraude pouvant être retiré à tout moment ;
S'agissant de la décision du 31 août 2017 :
- la décision du 31 août 2017 est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en tant qu'elle ne peut se fonder sur l'autorité relative de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2016, lequel n'était pas définitif, et alors que le juge de l'exécution n'était pas compétent pour statuer sur la légalité de la décision du 20 novembre 1985 ;
- cette décision est également illégale en tant qu'elle a bien contesté dans un délai raisonnable la décision du 20 novembre 1985, dès lors que cette dernière ne lui a jamais été notifiée, que son action contentieuse devant le tribunal administratif de Paris a suspendu le délai de forclusion pour agir et qu'aucun délai raisonnable ne peut être opposé à une décision obtenue par fraude ou entachée d'un détournement de pouvoir ;
En ce qui concerne ses conclusions indemnitaires :
- le délai raisonnable de recours n'est pas opposable en matière indemnitaire ;
- les manœuvres frauduleuses qui entachent la décision du 20 novembre 1985 constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- la prescription quadriennale n'est pas opposable en l'absence de notification de la décision du 20 novembre 1985 ;
- l'annulation de la décision du 20 novembre 1985 lui ouvre droit à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux pour la période du 20 novembre 1985 au 23 octobre 1987 ;
- son préjudice résultant de la perte de salaires s'élève à la somme de 29 010,22 euros, ou à titre subsidiaire, à la somme de 15 853,09 euros, en prenant en compte la valeur de l'indice fixée en 1985 ;
- elle a également subi un préjudice financier d'un montant de 5 000,40 euros correspondant à un manque à gagner au titre de sa pension de retraite en raison de l'impossibilité d'un départ en retraite pour carrière longue ;
- elle a subi un retard dans son avancement d'échelon dont il résulte un préjudice économique d'un montant de 5 000,40 euros ;
- elle a également le droit à l'attribution des cotisations de retraite non versées à la Caisse nationale de retraites (CNRACL) durant huit trimestres ;
- l'ensemble de ces sommes doivent porter intérêts à compter du 12 novembre 2018.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 juin 2021 et le 19 septembre 2022, le centre hospitalier des Quatre Villes, représenté par Me Adeline-Delvolvé, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle est tardive ;
- elle est également irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en ce qu'elle ne comporte pas de moyens d'appel ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en tant qu'elles portent sur l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de l'illégalité de décisions à objet purement pécuniaire et qu'elles n'ont pas été présentées dans un délai raisonnable ;
- ces conclusions correspondent à des créances qui sont prescrites ;
- les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies, d'une part, en l'absence de lien entre les préjudices invoqués et l'illégalité entachant la décision de révocation, et, d'autre part, en l'absence de toute faute ou illégalité entachant la décision du 20 novembre 1985 ;
- en tout état de cause, le montant de l'indemnisation sollicitée est excessif au regard du comportement fautif de Mme A... ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonfils,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me A..., pour Mme A... et de Me Bouleau, substituant Me Adeline-Delvolvé, pour le centre hospitalier des Quatre Villes.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 20 novembre 1985, le directeur du centre hospitalier intercommunal Jean Rostand, lequel a été absorbé en 2006 par le centre hospitalier des Quatre Villes, a placé Mme B... A..., agent administratif au sein de cet établissement, en disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans pour une période de deux ans à compter de cette même date. Par la suite, par une décision du 23 octobre 1987, Mme A... a été réintégrée dans ses fonctions à compter du 1er novembre 1987, date à laquelle a été acceptée sa démission en vue de sa mutation au centre hospitalier spécialisé Charcot. Par ailleurs, par une décision du 13 novembre 1985, annulée par un jugement du tribunal administratif de Paris n° 64008 du 26 juin 1987, devenu définitif, le directeur de cet établissement a révoqué Mme A... sans suspension de ses droits à pension à compter du 20 novembre 1985. Par un jugement du tribunal administratif de Paris n° 1509522/2/2 du 4 janvier 2016, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 16PA00897 du 28 juin 2018, les conclusions de Mme A... tendant à demander, au titre de l'exécution du jugement précité du 26 juin 1987, la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension de retraite, ont été rejetées au motif que la décision du 20 novembre 1985 par laquelle le directeur du centre hospitalier des Quatre Villes l'avait placée en disponibilité était devenue définitive et faisait obstacle à ce qu'elle soit placée dans une autre position administrative pour la même période. Par une décision du 31 août 2017, le directeur du centre hospitalier des Quatre Villes a rejeté le recours gracieux formé par Mme A... le 5 août 2017 tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 1985 portant placement en disponibilité. Par un courrier du 9 novembre 2018, Mme A... a formé une demande de réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette décision. Mme A... relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, ses conclusions aux fins d'annulation des décisions du 20 novembre 1985 et du 31 août 2017, et, d'autre part, ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré, il incombe à l'ensemble des autorités administratives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin.
3. Pour contester à la fois l'existence et la légalité de la décision la plaçant en disponibilité, Mme A... soutient que cette décision a été obtenue par fraude, en raison de pressions de son employeur pour obtenir d'elle une demande en ce sens. Si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits, il ne constitue pas un acte inexistant. Dès lors, la requérante ne peut invoquer l'inexistence de la décision du 20 novembre 1985 pour se prévaloir d'une inopposabilité des délais de recours à l'encontre de cette décision. Au surplus, si à l'appui de ses allégations, la requérante se prévaut de différences d'ordre formel entre les deux décisions prises le 20 novembre 1985, respectivement de révocation et de mise en disponibilité, ces éléments, à supposer même qu'ils soient de nature à émettre un doute sur la date de rédaction de la décision en litige, ne permettent en revanche aucunement de considérer que l'intéressée aurait déposé une demande de mise en disponibilité en raison de menaces de son employeur, ainsi qu'elle se contente de l'affirmer sans apporter le moindre élément pour corroborer cette accusation.
4. En second lieu, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
5. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de ce que la décision du 20 novembre 1985 aurait été obtenue par fraude pour soutenir qu'aucun délai raisonnable de recours ne pourrait lui être opposé pour contester cette décision. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a seulement saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'exécution du jugement du même tribunal du 26 juin 1987 annulant la décision de révocation. Cette action n'a pu suspendre le délai de contestation de la décision portant placement en disponibilité d'office. S'il est vrai que le centre hospitalier des Quatre Villes n'établit pas avoir notifié à son agent la décision la plaçant en disponibilité, en revanche la requérante a été informée de l'existence de cette décision par le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2016, dont elle a relevé appel le 3 mars 2016. Ainsi, Mme A... a eu connaissance de la décision qu'elle conteste dans le cadre de la présente requête, au plus tard à cette dernière date, à partir de laquelle elle disposait d'un délai raisonnable d'un an pour saisir le juge. Mme A... n'a contesté cette décision que le 5 août 2017, par un recours gracieux, puis le 31 octobre 2017, date d'enregistrement de son recours juridictionnel, sans justifier de circonstances particulières. Dans ces conditions, le recours de Mme A... contre la décision du 20 novembre 1985 a été exercé au-delà du délai raisonnable d'un an suivant la prise de connaissance par l'intéressée de l'existence de cette décision. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision doivent être rejetées comme tardives, ensemble, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2017 prise sur recours gracieux.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Pour se prévaloir d'un préjudice financier lié à son placement en disponibilité, consistant en une perte de salaire, d'un préjudice de carrière résultant d'un retard dans son avancement d'échelon et d'un défaut de cotisations dont résulte une perte de pension de retraite, outre une demande de dommages et intérêts, Mme A... se fonde exclusivement sur la faute de l'administration consistant en des manœuvres frauduleuses qui entacheraient la décision du 20 novembre 1985 la plaçant en disponibilité d'office. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la décision du 20 novembre 1985 étant définitive, aucune faute résultant de l'illégalité de cette décision ne peut être invoquée et, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir ni sur l'exception de prescription quadriennale opposées en défense, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier des Quatre Villes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier des Quatre Villes sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera au centre hospitalier des Quatre Villes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier des Quatre Villes.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
Mme Pham, première conseillère,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
M.-G. BONFILS
Le président,
S. BROTONS
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE01160