Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) PGA Plomberie a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision du 4 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a infligé la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 17 850 euros, et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 124 euros, ou à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours.
Par un jugement n° 1811120 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2021, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) PGA Plomberie, représentée par Me Bentolila, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 4 septembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation en fait ;
- elle est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, aucun lien n'étant établi entre elle et le salarié contrôlé sur le chantier en situation irrégulière, ainsi que le juge pénal l'a reconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me de Forment, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SASU PGA Plomberie.
Il fait valoir que :
- les moyens de légalité externe sont nouveaux en cause d'appel et par suite irrecevables ;
- l'autre moyen soulevé n'est pas fondé.
Par ordonnance du 23 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonfils,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mesureur, substituant Me Bentolila, pour la SASU PGA Plomberie.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle mené le 22 janvier 2018 sur un chantier situé 16, rue du Mail à Saint-Ouen-L'Aumône, les services de police du Val-d'Oise ont constaté la présence d'un ouvrier, M. A... B..., dépourvu de titre d'identité et d'autorisation de travail. Par une décision du 4 septembre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) PGA Plomberie la mise en œuvre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 17 850 euros correspondant à l'emploi irrégulier d'un ressortissant étranger, et de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 124 euros. La SASU PGA Plomberie relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 4 septembre 2018.
2. En premier lieu, devant le tribunal administratif, la SASU PGA Plomberie n'a soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée. Si devant la cour, la requérante soutient que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier, ce dernier moyen étant d'ailleurs dépourvu de toute précision, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance, ainsi que l'OFII le fait valoir en défense, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code dispose : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / (...) ".
4. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.
5. En outre, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique, fût-il indirect, de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant. Dès lors, pour l'application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
6. D'autre part, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.
7. Pour contester l'existence de toute relation de travail entre elle et M. A... B..., la SASU PGA Plomberie se prévaut d'un jugement du tribunal correctionnel de Pontoise du 3 juillet 2019 ayant relaxé son gérant des poursuites engagées à son encontre à raison de l'embauche de ce salarié en situation irrégulière et non déclaré. Toutefois, ni les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ni celles de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent la mise à la charge de l'employeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire à la condition que les faits qui les fondent constituent une infraction pénale. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A... B..., qui est marocain et électricien de profession, a, lors de son audition par les services de police le 22 janvier 2018, indiqué travailler sur le chantier où il a été contrôlé, depuis début janvier 2018. S'il a indiqué ne connaître ni le nom du patron, ni celui de l'entreprise, et avoir reçu ses ordres " d'un portugais qui n'est plus sur le chantier ", il a également confirmé avoir été contrôlé alors qu'il procédait au nettoyage du chantier avec un collègue employé sur ce même chantier et exerçant la profession de plombier. Auditionné à son tour le 12 février suivant, le gérant de la SASU PGA Plomberie, qui a indiqué que la société embauchait cinq salariés au nombre desquels ne figurait pas le nom de M. A... B..., a reconnu que sa société était en charge du lot plomberie sur le chantier, objet du contrôle, où travaillaient deux de ses salariés, dont M. C.... Au demeurant, le gérant de la SASU PGA Plomberie, s'il a dénié connaître et avoir embauché M. B..., n'a pas contesté dans sa déclaration que ce dernier se trouvait en situation de travail auprès de M. C..., après avoir en outre indiqué que, parfois, ses salariés venaient travailler accompagnés d'amis à eux. Ainsi, il est établi que M. A... B... était en situation de travail pour le compte de la SASU PGA Plomberie lorsqu'il a été constaté qu'il travaillait en étant dépourvu de titre d'identité et d'autorisation de travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que la SASU PGA Plomberie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 4 septembre 2018.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SASU PGA Plomberie une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SASU PGA Plomberie est rejetée.
Article 2 : La SASU PGA Plomberie versera à l'OFII la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) PGA Plomberie et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Pham, première conseillère,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
M-G. BONFILSLe président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 21VE00943 2