Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 12 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, et d'autre part, la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 60 000 euros, ainsi que la décision du 23 janvier 2019 de rejet de son recours gracieux contre le décision du 12 novembre 2018.
Par un jugement n° 1902273 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2021, Mme A... B..., représentée par Me Pineiro Cid, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 12 novembre 2018 et du 23 janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la matérialité des faits qui fondent la décision du directeur de l'OFII n'est pas établie dès lors que ces faits reposent sur le procès-verbal dressé par l'agent de contrôle, lequel est irrégulier, d'une part, en ce qu'il ne prouve pas le motif raisonnable ayant justifié le contrôle par l'inspection du travail en méconnaissance de l'article 12 de la convention n° 81 de l'OIT, et d'autre part, en ce que l'inspection du travail ne disposait d'aucune autorisation légale pour pénétrer et contrôler les locaux en méconnaissance du droit de propriété.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B....
Il fait valoir que :
- le vice de procédure tiré de l'irrégularité du procès-verbal à l'origine des contributions appliquées par l'OFII est inopérant ;
- le moyen tiré de ce que les opérations de contrôle n'auraient pas été régulièrement menées est également inopérant ;
- en tout état de cause, le moyen soulevé n'est pas fondé, la matérialité des faits étant établie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention OIT n° 81 du 11 juillet 1947 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonfils,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Botzenhart, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle mené le 31 janvier 2018 sur un chantier de réhabilitation d'un appartement en rez-de-chaussée sis 23, rue de Pontoise à Saint-Germain-en-Laye, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France, assistés des services de police, ont constaté la présence de quatre ouvriers dépourvus d'autorisation de travail. Par une décision du 12 novembre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a notifié à Mme A... B..., propriétaire de l'appartement où le chantier a été contrôlé, la mise en œuvre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 60 000 euros. Mme B... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 novembre 2018.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 12 de la convention n° 81 de l'OIT : " 1. Les inspecteurs du travail munis de pièces justificatives de leurs fonctions seront autorisés : / (...) b) à pénétrer de jour dans tous les locaux qu'ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer être assujettis au contrôle de l'inspection ; ".
3. Mme B... soutient que le procès-verbal établi par l'agent de contrôle le 4 juillet 2018 est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas le motif raisonnable qui a déclenché le contrôle par l'inspection du travail. Toutefois, il ressort des termes mêmes de ce procès-verbal relatant les conditions du contrôle effectué le 31 janvier 2018 par l'inspecteur du travail, que ce dernier a frappé à la porte de l'appartement après avoir " effectivement constaté la présence dans cet appartement situé au rez-de-chaussée " et " demandé l'assistance des services de police ". Il ressort de manière suffisamment claire de ces mentions que c'est en constatant depuis l'extérieur une présence en lien avec ses missions de contrôle de chantier, que l'inspecteur du travail a décidé de procéder à une visite. Dans ces conditions, et nonobstant l'absence de toute mention de ce constat préalable dans le procès-verbal de police, alors qu'aucun officier de police n'était présent au moment de ces constatations préliminaires, il est établi que l'inspecteur avait un motif raisonnable de supposer que le local était assujetti à son contrôle.
4. En second lieu, il est reproché à l'inspecteur du travail d'avoir pénétré dans l'appartement en violation du droit de propriété et de la protection qui s'attache au domicile. Toutefois, il ressort tant du procès-verbal dressé par les services de la DIRECCTE, que du procès-verbal établi par les services de police, d'une part, que la question de savoir si le lieu était habité a bien été posée et a reçue une réponse négative, d'autre part, que l'ouvrier qui a ouvert, après avoir refusé l'accès au lieu, l'a finalement permis, alors, en tout état de cause, que seul est requis l'accord de l'occupant et non celui du maître d'ouvrage. Au surplus, il a été constaté que l'appartement était en complète rénovation. Si deux des cinq ouvriers embauchés pour ce chantier ont, lors de leur audition par les services de police, répondu " Reza " à la question " qui dort sur le chantier ", l'ouvrier ainsi désigné, dont l'examen de la demande d'asile était toujours en cours à la date de ces déclarations, a quant à lui indiqué être hébergé en hôtel à Achères. A supposer même établi le fait que cet employé aurait pu dormir sur le chantier, cette circonstance est insuffisante à conférer à ce lieu la qualification de domicile alors qu'au jour du contrôle, celui-ci était en cours de réhabilitation complète et ne pouvait être regardé comme constituant officiellement le domicile de ce demandeur d'asile ou de toute autre personne, devant être protégé à ce titre contre des visites non autorisées. Dans ces conditions, la DIRECCTE n'a pas procédé aux constats retracés dans le procès-verbal du 4 juillet 2018 dans des conditions irrégulières et, par suite, les faits ainsi relatés peuvent, à cet égard, être regardés comme établis. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit dès lors être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du directeur général de l'OFII des 12 novembre 2018 et 23 janvier 2019.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à l'OFII la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Pham, première conseillère,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
M-G. BONFILSLe président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 21VE00871 2