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30/11/2023 | FRANCE | N°23NC00133

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 30 novembre 2023, 23NC00133


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.



Par un jugement n° 2206958 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, Mme C..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Par un jugement n° 2206958 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, Mme C..., représenté par

Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 décembre 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 juin 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sabatakakis, avocat de

Mme C..., de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de dans l'appréciation des conséquences d'une particulière gravité que pourrait entraîner une interruption des soins ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale par voie de conséquence.

Une mise en demeure a été adressée le 15 mai 2023 à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse C..., ressortissante géorgienne née le 11 avril 1980, serait, selon ses déclarations, entrée en France le 30 décembre 2019 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 octobre 2020, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 janvier 2021. Mme C... a bénéficié d'un titre de séjour au regard de son état de santé valable du 17 décembre 2020 au 16 décembre 2021. Par une demande du

19 octobre 2021, Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 2 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Par un jugement du 13 décembre 2022 dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2022 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. D'une part, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C... en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'avis du 4 février 2022 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... est affectée d'un syndrome anxio-dépressif et souffre de plusieurs anévrysmes, dont un carotido-ophtalmique gauche, traité par embolisation le 29 octobre 2020 ainsi que deux anévrysmes para-ophtalmiques droits de 2 millimètres et un anévrysme infra-millimétrique caverneux gauche. Selon un certificat médical du 17 juin 2022, l'anévrysme ayant été traité par embolisation doit faire l'objet d'un contrôle annuel pendant cinq années. Par ailleurs, la requérante se prévaut d'un autre certificat médical, du 21 novembre 2022 qui révèle un état de santé antérieur à la décision contestée, qui précise qu'une prochaine angiographie est prévue en décembre 2022 et " qu'en l'absence de contrôles réguliers, il existe des risques de complications vitales (rupture d'anévrysme) ". Par suite, ces éléments médicaux sont de nature à remettre en cause l'avis de l'OFII sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'absence de soins et de suivi des anévrysmes dont est affectée Mme C.... La préfète du

Bas-Rhin a donc entaché sa décision de refus de séjour d'une inexacte application des dispositions précitées en s'appuyant sur le motif tiré de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de suivi de pathologie de l'intéressée.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 juin 2022 portant refus de titre de séjour ainsi que par voie de conséquence celles portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination

Sur l'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. Le présent arrêt n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que la préfète du Bas-Rhin prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de

Mme C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, au vu du motif d'annulation retenu par le présent arrêt et de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen. A cet effet, pour permettre à Mme C... de déposer une demande de titre de séjour, il incombe à la préfète du Bas-Rhin, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer immédiatement à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sabatakakis de la somme de1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2206958 du 13 décembre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 2 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée sont annulés.

Article 2 : Dans les conditions fixées au présent arrêt, il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sabatakakis une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... née B..., à Me Sabatakakis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC00133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00133
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;23nc00133 ?
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