Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2300730 du 12 juin 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Ben Hassine, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 juin 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 6 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son époux n'a pas engagé de procédure de divorce ou d'annulation du mariage ;
- le préfet a méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-3 du code du travail ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 9 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2023 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le préfet du Var, a été enregistré le 27 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 12 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet du Var a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". L'article L. 423-3 du même code dispose que le renouvellement de cette carte " est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ". Aux termes de l'article L. 423-5 de ce code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., née le 29 août 1992, a épousé un ressortissant français au Maroc le 7 octobre 2019. Elle est entrée en France le 16 août 2021, munie d'un visa de long séjour mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 27 juillet 2022, délivré en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français et lui conférant, en application de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les droits attachés à une carte de séjour temporaire attribuée en cette qualité. Pour refuser de faire droit à sa demande de renouvellement reçue le 29 juin 2022, le préfet du Var a estimé, en se fondant sur les déclarations de son époux, que l'intéressée ne justifiait plus d'une communauté de vie avec celui-ci. Toutefois, les déclarations faites par la requérante auprès des services de police, comme celles de son époux, confirment toutes qu'à la date de la décision attaquée, les deux époux vivaient toujours ensemble dans le même logement et aucune procédure en séparation ou en divorce n'avait même été initiée, l'assignation en divorce notifiée par l'époux de la requérante à celle-ci ne datant que du 26 avril 2023. Dès lors, sans qu'il soit besoin de rechercher si les allégations de Mme A... sur les violences physiques ou morales dont elle soutient avoir été victime sont établies, et quand bien même son époux soutient qu'elle n'aurait contracté mariage qu'en vue d'obtenir le droit de séjourner en France, le préfet ne pouvait légalement se fonder, à la date à laquelle il a pris l'arrêté attaqué, sur rupture de la communauté de vie entre les époux.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet, non pas de délivrer à Mme A... un titre de séjour temporaire, comme elle le demande, mais seulement de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision en fonction des circonstances de droit et de fait qui prévalent désormais, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 juin 2023 et l'arrêté du préfet du Var du 6 février 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au Procureur près le tribunal judiciaire de Toulon.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
N° 23MA01771 2
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