Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2203615 du 21 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a réservé l'examen des conclusions de la requête de M. B... à fin d'annulation de la décision du 31 août 2022 portant refus de titre de séjour, ainsi que de celles aux fins d'injonction et d'astreinte en tant qu'elles s'y rattachent, jusqu'à ce qu'il y soit statué par une formation collégiale du tribunal, et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Par une ordonnance n° 2203615 du 27 septembre 2022 prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la première chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2022 du préfet de l'Eure en tant qu'il contient une décision de refus de titre de séjour ainsi que les conclusions à fin d'injonction qui s'y rattachent.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 et 24 janvier 2023 sous le numéro 23DA00016, M. B..., représenté par Me Lepeuc, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) de réformer le jugement du 21 septembre 2022 en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 31 août 2022 portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 31 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un récépissé dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande :
- sa requête devant le tribunal a été déposée tardivement en raison de motifs insurmontables résultant de sa détention et des informations contradictoires qui lui ont été données.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- la décision contestée a été prise en violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet de l'Eure a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est entachée d'erreur de droit ;
- le préfet de l'Eure a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, tenu de lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire et qu'il justifie de circonstances de nature à justifier qu'un tel délai lui soit octroyé ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B... par une décision du 15 décembre 2022.
II. Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2023 sous le numéro 23DA00148, M. B..., représenté par Me Lepeuc, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 27 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 31 août 2022 en ce qu'il porte refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un récépissé dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête devant le tribunal a été déposée tardivement en raison de motifs insurmontables résultant de sa détention et des informations contradictoires qui lui ont été données ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet de l'Eure a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B... par une décision du 15 décembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. B..., ressortissant congolais né le 12 avril 1977 à Pointe Noire (République du Congo), est entré en France en 2015 selon ses déclarations et s'est vu délivrer une carte de résident au titre du regroupement familial valable du 3 décembre 2015 au 2 décembre 2025. A la suite du retrait de sa carte de résident et alors qu'il était incarcéré au centre de détention du Val-de-Reuil, l'intéressé a sollicité, par un courrier du 28 juillet 2022, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
2. Toutefois, par un arrêté du 31 août 2022, le préfet de l'Eure a refusé de faire droit à cette demande, a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit à l'intéressé de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
3. Par un jugement du 21 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a réservé l'examen des conclusions de la requête de M. B... à fin d'annulation de la décision du 31 août 2022 portant refus de titre de séjour, ainsi que de celles aux fins d'injonction et d'astreinte en tant qu'elles s'y rattachent, jusqu'à ce qu'il y soit statué par une formation collégiale du tribunal, et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande en raison de leur tardiveté.
4. Par ailleurs, par une ordonnance du 27 septembre 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal a rejeté sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, également en raison de leur tardiveté, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2022 portant refus de séjour.
5. Dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 23DA00016, M. B... demande l'annulation du jugement du 21 septembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen et, dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 23DA00148, M. B... demande l'annulation de l'ordonne du 27 septembre 2022 du président de la 1ère chambre de ce tribunal.
6. Les requêtes n° 23DA00016 et n° 23DA00148 présentées par M. B... présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la tardiveté de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Rouen :
7. Aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ".
8. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II. Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code ".
9. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 de ce code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
10. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête a été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai.
11. Il incombe à l'administration, pour les décisions susceptibles de recours dans un délai bref, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. A défaut d'une telle mention, le délai de recours n'est pas opposable à l'intéressé.
12. En l'espèce, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 31 août 2022 a été notifié à M. B... le 5 septembre 2022 à 10 heures 40. Il ressort également des pièces produites devant le tribunal par l'administration que les voies de recours annexées à cet arrêté portaient la mention selon laquelle " si vous êtes détenu, vous pouvez adresser votre recours par le biais du chef d'établissement qui aura la charge de le faire parvenir au tribunal compétent ".
13. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il a rempli une " demande d'accès au greffe " dès le 5 septembre 2022 afin de déposer une " déclaration de contestation " sur les conseils de son avocat et qu'il n'a pas été répondu à cette demande, aucun élément n'a été apporté à l'instance au soutien de cette allégation.
14. En troisième lieu, il n'est pas davantage démontré que le requérant a été destinataire d'informations contradictoires sur les modalités d'exercice du recours contentieux prévu à l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En quatrième lieu, ainsi qu'en fait état M. B... lui-même, son conseil a été informé de l'existence de l'arrêté du 31 août 2022 dès le jour de sa notification, soit le 5 septembre 2022. Dès lors, ce conseil, alors même que la copie de cet arrêté ne lui est parvenue que le 7 septembre 2022, a disposé de la possibilité de saisir le chef de détention ou la juridiction administrative d'une requête dans le délai de quarante-huit heures prescrit par l'article R. 776-2 du code de justice administrative.
16. Dans ces conditions, c'est à bon droit que, par le jugement du 21 septembre 2022 et l'ordonnance du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme tardives l'ensemble des conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Eure du 31 août 2022.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement et l'ordonnance attaqués, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2022. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. B... n°s 23DA00016 et 23DA00148 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marie Lepeuc.
Copie en sera transmise au préfet l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°s23DA00016, 23DA00148