Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) B... Michel et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de rétablir les déficits reportables du groupe fiscalement intégré dont elle est la société mère au titre de ces mêmes exercices qui ont été réduits à raison du rehaussement de ses bases imposables.
Par un jugement n° 1905750 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2022, la SA B... Michel et Compagnie, représentée par Me Gardin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes et de rétablir les déficits reportables du groupe fiscalement intégré dont elle est la société mère au titre des exercices en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que l'administration, qui s'est placée implicitement sur le terrain de l'abus de droit, l'a privée des garanties inhérentes à la procédure de répression des abus de droits prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration n'apporte pas la preuve que la société de droit belge SPRL Nord Européenne Immobilière (NEI) a bénéficié d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts ;
- en se prononçant sur l'opportunité d'un financement par un prêt et sur les distributions des dividendes, l'administration s'est immiscée dans la gestion courante de l'entreprise ;
- le transfert de la créance de compte courant que M. B... détenait dans ses écritures à la société NEI n'a pas fait peser sur elle une nouvelle dette ;
- le taux de 4,80 % qu'elle a utilisé pour déterminer le montant des intérêts d'un prêt que lui a consenti la société NEI est justifié ;
- il n'est pas justifié de l'existence d'un acte anormal de gestion, l'administration ne contestant pas que l'investissement des fonds empruntés a été réalisé dans l'intérêt de l'entreprise ;
- à supposer caractérisé l'acte anormal de gestion, les conséquences de celui-ci sont nécessairement limitées à l'appauvrissement net de la société, correspondant à la différence entre les charges financières payées et les produits financiers perçus au titre des placements, de sorte que le montant des redressements doit être limité, compte tenu du taux moyen de ces placements, pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, aux sommes respectives de 34 090 euros, 76 098 euros et 69 606 euros ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui a été appliquée n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SA B... Michel et Compagnie ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Gardin, représentant la SA B... Michel et Compagnie
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société anonyme (SA) B... Michel et Compagnie, dont 99,99 % du capital est détenu par la société de droit belge SPLR Nordeuropéenne immobilière (NEI), exerce une activité de holding et a pour objet social la prise de participations dans des sociétés et le négoce de véhicules neufs et d'occasion. A l'issue d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les exercices clos de 2012 à 2014, l'administration a notamment remis en cause, d'une part, sur le fondement de l'article 238 A du code général des impôts et des dispositions du 1 de l'article 39 du même code, la déductibilité de charges financières versées par la SA B... Michel et Compagnie à la société NEI établie en Belgique et, d'autre part, la fraction des intérêts relatifs à des prêts qui lui ont été consentis par la société NEI qui excédait la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable consentis aux entreprises, telle qu'elle est prévue par le 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
2. En conséquence des rectifications issues de ce contrôle, la SA B... Michel et Compagnie a été assujettie à des cotisations supplémentaires et primitives d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et en 2014, assorties de majorations de manquement délibéré, dont elle a vainement réclamé le dégrèvement. La SA B... Michel et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de ces impositions, en droits et pénalités, et, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, de rétablir le déficit reportable initialement déclaré par le groupe fiscalement intégré dont elle est la société mère au titre des exercices clos de 2012 à 2014. Elle relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ".
4. Ces dispositions ne sont pas applicables, alors même qu'une de ces conditions serait remplie, lorsque le redressement est justifié par l'existence d'un acte anormal de gestion.
5. La SA B... Michel et Compagnie soutient que la procédure de rectification suivie par l'administration a été irrégulièrement conduite dans la mesure où elle s'est implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit, sans lui offrir les garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, en retenant le caractère fictif des opérations de prêts qu'elle a contractés avec la société NEI.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que, pour justifier du refus d'admettre en déduction les charges correspondant aux intérêts versés à la société NEI en exécution de ces prêts, l'administration a fait valoir, tant dans sa proposition de rectification et sa réponse aux observations du contribuable, qu'ultérieurement devant le juge de l'impôt, non pas que les contrats de prêt liant les parties avaient été conclus de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que les prêts litigieux n'avaient pas été conclus dans l'intérêt de l'exploitation de la SA B... Michel et Compagnie et que cette société avait en conséquence procédé à un acte anormal de gestion.
7. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration, en s'abstenant de poursuivre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'a indûment privée des garanties prévues par cette disposition et entaché d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à son encontre.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la réintégration de charges financières induites par des contrats de prêt :
8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
9. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
S'agissant de l'application de l'article 238 A du code général des impôts à la société NEI :
10. Aux termes de cette disposition : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. (...) ".
11. Pour l'application de ces dispositions, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais aussi sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi. Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
12. Aux termes du 1 de l'article 145 du code général des impôts : " Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation. (...). Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans. En cas de non-respect du délai de conservation, la société participante est tenue de verser au Trésor une somme égale au montant de l'impôt dont elle a été exonérée indûment, majoré de l'intérêt de retard. Ce versement est exigible dans les trois mois suivant la cession. (...) ".
13. Aux termes du 1 de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. La quote-part de frais et charges prévue au premier alinéa du présent I est fixée à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. (...) ".
14. Il résulte des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts, citées au point 10, que l'appréciation du caractère privilégié du régime fiscal applicable doit se faire au regard de l'impôt sur les bénéfices ou les revenus dont la personne aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, lesquelles incluent le régime des sociétés mères défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts.
15. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SA B... Michel et Compagnie a fait l'objet, l'administration a constaté que cette société avait déduit, au titre des exercices clos entre 2012 et 2014, des charges financières comptabilisées comme des intérêts versés à la société NEI, dont le siège est en Belgique, en vertu de contrats de prêt, moyennant un taux d'intérêt de 4,8 %, conclus concomitamment et pour un montant égal à la distribution de dividendes à la société NEI ou à une cession de créances à cette société.
16. L'administration a remis en cause la déduction de ces charges, à hauteur de 96 824,42 euros, de 150 938,06 euros et de 167 054,01 euros au titre respectivement de chacun des exercices vérifiés, sur le fondement de l'article 238 A du code général des impôts, après avoir relevé que la bénéficiaire de ces intérêts était soumise à un régime fiscal privilégié et que la société n'apportait aucun élément probant de nature à démontrer l'intérêt pour elle dans ces opérations présentant un caractère anormal.
17. D'une part, il résulte de l'instruction que les résultats de la société NEI, pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, se sont élevés, avant impôt, à respectivement 110 631 euros, 74 368 euros et 444 310 euros. Pour ces chiffres, l'administration établit, par les renseignements obtenus dans le cadre de l'assistance administrative auprès des autorités belges et par la consultation du site internet de la centrale des bilans de la banque nationale de Belgique, que la société NEI a supporté en Belgique un impôt sur les sociétés, pour chacun de ces exercices, de respectivement 6 440,74 euros, 0 euro et 30 460 euros, soit un taux d'imposition de 5,82 %, 0 % et 6,85 %. Pour estimer que la société NEI était soumise à un régime fiscal privilégié, l'administration a comparé cette charge fiscale à celle qui aurait résulté d'une taxation en France à l'impôt sur les sociétés au taux normal de 33 1/3 %, générant un impôt sur les sociétés de respectivement 36 877 euros, 24 786 euros et 148 088 euros.
18. D'autre part, face à l'ensemble de ces éléments, la société requérante s'est bornée à indiquer sans apporter d'élément au soutien de cette allégation que les intérêts étaient alors soumis en Belgique à un taux d'imposition sur les sociétés de 33 % augmenté d'une contribution additionnelle de 3 %. Si elle a aussi relevé que la société NEI n'aurait pas été imposée en France sur les dividendes qu'elle lui a versés compte tenu de l'application du régime des sociétés mères et filiales défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts, elle admet elle-même que ces dividendes étaient également exclus des bases imposables en Belgique telles qu'elles ont été retenues par l'administration.
19. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des éléments circonstanciés qu'elle a invoqués et qui n'ont pas été utilement combattus, l'administration doit être regardée comme établissant que l'imposition à laquelle la société NEI a été soumise au titre des exercices en litige est inférieure de plus de moitié à celle à laquelle aurait été soumise une société française à raison des mêmes prestations, et qu'elle a été ainsi soumise à un régime fiscal privilégié au sens des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts.
S'agissant de la déductibilité des intérêts dus à la société NEI :
20. Il résulte de la proposition de rectification du 14 décembre 2015 que l'administration a remis en cause la déduction par la SA B... Michel et Compagnie de charges financières afférentes à des intérêts au taux de 4,8 % dus à la société de droit belge NEI en exécution de contrats de prêt, après avoir constaté que ces contrats de prêt, signés par M. B... en sa qualité de représentant de chacune des deux sociétés, d'une part, ne comportaient pas d'objet et ne précisaient aucun délai ni mode de remboursement, d'autre part, avaient été conclus concomitamment à des distributions de dividendes ou à des cessions de créances par la société requérante à la société NEI et étaient d'un montant égal à celles-ci, les sommes restant à la disposition de la société B... Michel et Compagnie et le transfert de créances générant des charges financières supportées par la société requérante.
21. L'administration a déduit de ces constatations que ces opérations de prêt, qui n'avaient pas d'impact sur la trésorerie de la SA B... Michel et Compagnie ni sur son actionnariat, M. B... détenant directement ou indirectement la totalité de leur capital, étaient dépourvues d'intérêt pour l'exploitation de la société et présentaient un caractère anormal.
22. Si la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas contracté de nouveau prêt à la suite de la cession au profit de la société NEI d'une créance détenue par M. B... et provenant des frais professionnels qu'il a exposés mais que l'intéressé a seulement demandé le paiement d'intérêts sur son compte courant d'associé, elle n'a apporté aucun élément en ce sens alors que la proposition de rectification comporte en annexe les contrats conclus entre la société requérante et la société NEI, et qui prévoient que les intérêts sont dus à la société NEI et non à M. B....
23. La société requérante, qui n'a produit aucun élément sur ce point, n'établit pas non plus, par ses seules allégations, que les prêts en cause lui ont permis d'effectuer des placements financiers et, partant, ne démontre pas que ces opérations ont présenté un caractère normal. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le montant des redressements aurait dû être limité à la différence entre les charges correspondant à un taux d'intérêt de 4,8 % et celles qui auraient résulté du taux moyen des placements financiers allégués.
24. Il résulte de ce qui précède que l'administration a pu, à bon droit, et sans qu'il puisse lui être reproché de s'être immiscée dans les décisions de gestion prises par la SA B... Michel et Compagnie, remettre en cause la déductibilité des charges financières litigieuses.
25. En tout état de cause, en admettant même que les dispositions de l'article 238 A du code général des impôts ne soient pas applicables en l'espèce, il résulte de ce qui précède que l'administration a rapporté la preuve, par l'ensemble des éléments dont elle a fait état, que les charges en cause étaient dépourvues de contrepartie pour la requérante et qu'elles n'étaient, par suite, pas déductibles du résultat de la SA B... Michel et Compagnie dans les conditions de droit commun du 1 de l'article 39 du même code visé dans la proposition de rectification.
En ce qui concerne les réintégrations effectuées en application du I de l'article 212 du code général des impôts :
26. Aux termes de l'article 212 du code général des impôts : " I. - Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ".
27. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (...) ".
28. En vertu du 12 de l'article 39 du code général des impôts, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.
29. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 39 et du I de l'article 212 du code général des impôts que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d'une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ou, s'il est plus élevé, au taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.
30. Pour justifier de ce que le taux d'intérêt consenti par la société NEI en exécution de contrats de prêt conclus les 3 novembre 2010, 29 juillet 2011, 20 octobre 2011, 14 janvier 2013, 1er février 2013 et 20 juin 2013 était comparable au taux d'intérêt qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la SA B... Michel et Compagnie, dont le capital est détenu par la société NEI à hauteur de 99,99 %, fait valoir que ce taux est proche des taux variables de 2,73 % et 2,59 %, incluant une commission de 1 %, rémunérant des emprunts de 1 500 000 euros et de 850 000 euros ayant résulté d'offres de prêt que l'une de ses filiales, la SARL Bastide, avait sollicitées en 2013 et 2014 auprès du CIC Nord-Ouest aux fins d'acquérir des biens immobiliers à Gordes.
31. Toutefois, la SA B... Michel et Compagnie, qui exerce une activité de prise de participations dans des sociétés et de négoce de véhicules ainsi qu'il a été dit, ne peut pas être regardée comme présentant des caractéristiques analogues à celles de la SARL Bastide, qui est l'une de ses filiales. De plus, ainsi que le relève l'administration, le taux résultant des contrats de prêts conclus avec la société NEI est identique quelle que soit la somme empruntée, alors que M. B..., signataire des contrats de prêts en qualité de représentant de la société emprunteuse et de la société prêteuse, n'ignorait pas la situation économique de ces sociétés. Dans ces conditions, la SA B... Michel et Compagnie n'établit pas qu'elle aurait pu obtenir un taux de 4,8 % de la part d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, au sens de l'article 212 du code général des impôts.
32. Dans ces conditions, c'est à bon droit, sur le fondement de cette disposition, que l'administration n'a admis la déduction des intérêts d'emprunt que dans la limite d'un taux d'intérêt de 3,39 % en 2012 et de 2,79 % en 2013 et 2014, dont il résulte de l'instruction, notamment des indications figurant dans la proposition de rectification, qu'il constitue, contrairement à ce que soutient la société requérante, le taux calculé, pour chaque année, selon les modalités prévues au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
33. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
En ce qui concerne les charges financières :
34. D'une part, pour justifier l'application de la majoration prévue par cette disposition aux redressements ayant résulté du rejet de la déduction des charges financières, l'administration a relevé, d'une part, qu'il existait une communauté d'intérêts entre la SA B... Michel et Compagnie et la société NEI, toutes deux ayant pour dirigeant M. B... et ce dernier étant l'unique actionnaire de la société NEI, d'autre part, que l'ensemble des contrats de prêt, qui n'indiquaient aucun objet, ni délai, ni mode de remboursement, avaient été signés par M. B..., en sa qualité de représentant à la fois de la société emprunteuse et de la société prêteuse.
35. D'autre part, l'administration a relevé également que les sommes prêtées par la société NEI correspondaient à la distribution de dividendes et au transfert de créances cédées par la SA B... Michel et Compagnie et a fait état de la concomitance entre ces distributions et cessions de créances, d'une part, et la conclusion de prêts du même montant, d'autre part, sans mouvement réel des sommes en cause et sans qu'une contrepartie ne bénéficie à l'activité propre de la société requérante.
36. L'administration a déduit de ces éléments que le seul objet de ces prêts était de générer des charges financières supportées par la société requérante et, ainsi, de minorer sa base imposable. Ces circonstances, qui sont de nature à établir l'existence d'une volonté délibérée d'éluder l'impôt, suffisent à justifier le bien-fondé de la majoration dont les rehaussements en litige ont été assortis.
En ce qui concerne la remise en cause du taux d'intérêt :
37. Pour justifier l'application de cette même majoration aux rectifications ayant résulté de la remise en cause du taux d'intérêt de 4,8 %, l'administration a relevé que la société emprunteuse et la société prêteuse avaient le même gérant, que le taux consenti, anormalement élevé et non justifié, était identique pour tous les prêts, que ceux-ci étaient dépourvus d'objet et qu'ils ne précisaient pas les conditions de remboursement des capitaux empruntés.
38. Si la société requérante soutient que la nature des prêts et la qualité du débiteur justifiait l'application de ce taux, cette affirmation, ainsi qu'il a été dit plus haut, n'a pas été corroborée par les pièces versées au débat.
39. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'une volonté délibérée de la SA B... Michel et Compagnie d'éviter le paiement de l'impôt dû, justifiant l'application aux droits en litige de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts.
40. Il résulte de ce qui précède que SA B... Michel et Compagnie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA B... Michel et Compagnie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA B... Michel et Compagnie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation
La greffière,
Elisabeth Héléniak
2
N°22DA01012