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30/11/2023 | FRANCE | N°22DA00943

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 30 novembre 2023, 22DA00943


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Mon Véto a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que de taxe sur les véhicules et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.



Par un jugement n° 2001600 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a réduit le montant des pénalités

appliquées par substitution de la majoration de 40 % à celle de 80 % et a rejeté le surplus de cette demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Mon Véto a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que de taxe sur les véhicules et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 2001600 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a réduit le montant des pénalités appliquées par substitution de la majoration de 40 % à celle de 80 % et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2022 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 25 novembre 2022, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Vet Europe, venant aux droits de la SELAS Mon Véto, représentée par la SELARL Horrie et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités restant à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure suivie est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas donné suite à sa demande de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, formulée par un courrier du 5 avril 2017 ;

- le contrôle sur pièces diligenté par l'administration s'apparente à un prolongement de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, sans que n'ait été mis en œuvre un débat oral et contradictoire, en méconnaissance du principe fixé par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié et repris à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;

- en procédant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 sans qu'elle n'en ait été informée par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification mentionnant la période soumise à vérification, le service a méconnu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- le changement de position de l'administration, d'une part, entre la proposition de rectification du 4 juin 2015 qui ne prévoit aucun rappel au titre des sommes facturées par la société à responsabilité limitée (SARL) Consultim, puis la notification de rappels à ce titre par la proposition de rectification du 7 avril 2016 et, d'autre part, le changement de fondement des majorations appliquées entre la proposition de rectification du 7 avril 2016 et celle du 18 octobre 2016, contrevient au principe de sécurité juridique ;

- les prestations réalisées par la société Consultim pour son compte sont réelles et ont été engagées dans son intérêt ;

- les intérêts de retard appliqués ne sont pas justifiés ;

- la majoration pour manquement délibéré, que les premiers juges ont substituée à la majoration pour manœuvres frauduleuses qui avait été appliquée, n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL Vet Europe ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La SELAS Mon Véto, qui exerce des activités vétérinaires et aux droits de laquelle vient la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Vet Europe, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. L'administration a également procédé à un contrôle sur pièces faisant suite à une vérification de comptabilité de la SARL Consultim, à l'issue duquel elle a remis en cause, au titre des périodes couvrant les années 2013 et 2014, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé trois factures émises par la SARL Consultim pour un montant de 194 000 euros hors taxe, au motif que ces factures ne correspondaient à aucune prestation réelle.

2. En conséquence, le service a, par une proposition de rectification du 18 octobre 2016, notamment notifié à la SELAS Mon Véto un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 15 680 euros au titre de la période couvrant l'année 2013 et d'un montant de 22 800 euros au titre de la période couvrant l'année 2014. Il a, par ailleurs, assorti ces rappels d'une majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

3. La SELAS Mon Véto a contesté ces impositions et pénalités devant le tribunal administratif de Rouen qui, par un jugement du 1er mars 2022, a réduit le montant des pénalités appliquées en substituant la majoration de 40 % pour manquement délibéré à celle de 80 % pour manœuvres frauduleuses et a rejeté le surplus de la demande. La SELARL Vet Europe relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

4. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...). Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration ".

5. Aux termes de l'article L. 59 A de ce livre, dans sa rédaction applicable : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que l'administration a, par une décision du 30 janvier 2020, prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés qui avaient été assignés à la SELAS Mon Véto au titre des exercices clos en 2013 et 2014 à la suite du contrôle sur pièces dont elle avait fait l'objet. Dès lors, le litige subsistant entre la société et l'administration est relatif à son droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée. Or un tel litige n'est pas au nombre de ceux énumérés au I de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Ainsi, en l'absence de désaccord persistant entrant dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la SELAS Mon Véto ne pouvait pas bénéficier de la garantie tenant à la saisine de cette commission.

7. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité au motif que l'administration n'a pas donné suite à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires formulée par un courrier du 5 avril 2017.

8. Il résulte de ce qui précède, en tout état de cause, que la SELARL Vet Europe ne saurait utilement soutenir qu'en règle générale, l'administration a pour pratique, lorsqu'elle décide de suivre un avis de la commission favorable au contribuable quant à la déductibilité d'une charge et qu'elle prononce un dégrèvement en matière d'impôt sur les sociétés, de prononcer également un dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférents à la prestation correspondant à cette charge.

En ce qui concerne l'absence d'avis de vérification de comptabilité :

9. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place (...) la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Aux termes de l'article R. 13-1 du même livre : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature (...) ; b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels ".

10. Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant aux écritures comptables ou pièces justificatives dont elle prend alors connaissance. En revanche, ne constitue pas une vérification de comptabilité le contrôle sur pièces par le service, dans ses propres locaux, des déclarations ou de l'absence de déclarations à la taxe sur la valeur ajoutée d'un contribuable, à l'aide d'éléments en possession de l'administration, qui peuvent avoir été recueillis lors de la vérification de comptabilité d'un autre contribuable.

12. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 18 octobre 2016, que le vérificateur s'est appuyé, pour établir le rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible mis à la charge de la SELAS Mon Véto, sur les éléments recueillis, dans le cadre d'un contrôle sur pièces exercé dans les locaux de l'administration, lors de la vérification de la comptabilité de la SARL Consultim conduite du 29 septembre 2015 au 15 décembre 2015 et portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et non, contrairement à ce que soutient la société requérante, sur les éléments issus de la vérification de comptabilité dont avait par ailleurs fait l'objet la SELAS Mon Véto entre le 2 mars 2015 et le 27 mai 2015 et portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

13. Au demeurant, il résulte de la proposition de rectification du 4 juin 2015 qui a notifié à la SELAS Mon Véto les redressements ayant procédé de la vérification de comptabilité dont cette société avait fait l'objet, que l'administration ne s'est pas prononcée, à l'issue de cette vérification, sur la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la facture litigieuse émise par la SARL Consultim le 31 novembre 2013. Par ailleurs, les deux autres factures en litige dans la présente instance ont été émises les 30 mars et 31 décembre 2014, soit postérieurement à la période vérifiée à l'occasion de cette vérification.

14. Si, au titre du contrôle sur pièces litigieux, l'administration a nécessairement pu examiner des écritures comptables relatives aux opérations réalisées par la SELAS Mon Véto dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SARL Consultim, puisque cette comptabilité retraçait ces opérations, cet examen ne saurait être regardé comme ayant eu pour objet de contrôler la sincérité des déclarations fiscales souscrites par la SELAS Mon Véto en les comparant sur place à ses écritures comptables et n'a ainsi pas eu le caractère d'une vérification de comptabilité.

15. Dans ces conditions, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ne procèdent pas d'une vérification de comptabilité qui aurait été irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, faute d'avoir été précédée de l'envoi d'un avis de vérification.

En ce qui concerne l'absence de débat oral et contradictoire :

16. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux résultant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, d'un contrôle sur pièces, la SELARL Vet Europe ne peut pas utilement se prévaloir de la garantie du débat oral et contradictoire attachée à la procédure de vérification de comptabilité.

En ce qui concerne l'atteinte au principe de sécurité juridique :

17. En vertu de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, lorsque la vérification de la comptabilité d'une entreprise, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période.

18. Si, en adoptant ces dispositions, le législateur a interdit à l'administration de procéder à une nouvelle vérification des écritures comptables d'un contribuable au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période, il n'a nullement entendu enlever au service chargé de l'assiette de l'impôt le droit de réparer à tout moment, dans le délai de répétition défini par le code général des impôts, les insuffisances, omissions ou erreurs dont la découverte résulte de la vérification elle-même, de l'étude des rapports établis à la suite de celle-ci ou de renseignements provenant de toute autre source.

19. La SELARL Vet Europe soutient que la notification des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, par une proposition de rectification du 18 octobre 2016 ayant annulé et remplacé une précédente proposition de rectification du 7 avril 2016, a méconnu le principe de sécurité juridique dès lors que l'étendue de ses obligations fiscales avait été fixée par la proposition de rectification du 4 juin 2015 qui lui avait été précédemment notifiée à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

20. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, l'administration conserve la possibilité, même après la clôture de la vérification de la comptabilité d'une entreprise, de notifier à celle-ci de nouveaux rehaussements, même portant sur les mêmes années ou périodes et sur les mêmes impôts, pour autant que ceux-ci ne procèdent pas d'une nouvelle vérification des écritures comptables de l'entreprise. Or, ainsi qu'il a été dit, les impositions litigieuses ne procèdent pas d'une vérification de comptabilité, laquelle implique que l'administration contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par l'entreprise en les comparant à ses écritures comptables ou aux pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude, mais d'un contrôle sur pièces effectué à partir d'éléments dont le service n'a eu connaissance qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SARL Consultim.

21. La seule circonstance qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité dont la SELAS Mon Véto avait fait l'objet au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, l'administration s'était abstenue, au vu des éléments dont elle disposait alors, de remettre en cause la réalité de la prestation facturée par la SARL Consultim le 31 novembre 2013, ne peut suffire, à elle seule, à révéler une méconnaissance, par l'administration, du principe de sécurité juridique. Par suite, le moyen ainsi invoqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

22. D'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Aux termes, enfin, de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".

23. D'autre part, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt n° C-459/17 et C-460/17 du 27 juin 2018, l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, repris en substance à l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, doit être interprété en ce sens que, pour refuser à l'assujetti destinataire d'une facture le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture, il suffit que l'administration établisse que les opérations auxquelles cette facture correspond n'ont pas été réalisées effectivement.

24. L'administration a remis en cause le droit de la SELAS Mon Véto à déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur trois factures établies par la SARL Consultim, pour des montants de 95 680 euros le 30 novembre 2013, 76 800 euros le 19 avril 2014 et 60 000 euros le 31 décembre 2014, au motif qu'elles ne correspondaient à aucune prestation réellement fournie par la SARL Consultim.

25. A cet égard, le vérificateur a relevé que, si un contrat de prestation avait été conclu entre la SELAS Mon Véto et la SARL Consultim confiant à cette dernière une recherche de terrains, immeubles et locaux commerciaux susceptibles d'y accueillir des cliniques vétérinaires, moyennant une somme forfaitaire de 20 000 euros par clinique vétérinaire ouverte, aucun élément ne permettait de justifier que les prestations alléguées avaient permis l'ouverture d'établissements vétérinaires pour le compte de la SELAS Mon Véto. L'administration a relevé également que la SARL Consultim ne disposait d'aucun moyen matériel ou humain en dehors de son gérant et unique associé, M. B..., lequel est également associé et président de la SELAS Mon Véto, et qu'elle n'avait fourni aucun élément, en dépit de demandes réitérées, permettant de justifier de la réalité du travail qu'elle aurait effectué, en termes de temps passé à la recherche de terrains ou locaux et de frais engagés à cet effet.

26. Si la société requérante a produit une attestation établie par ses associés le 7 janvier 2016, indiquant que la SARL Consultim avait réalisé des prestations conformément à ses engagements contractuels, ce document, qui ne comporte aucune précision sur les prestations alléguées et a été rédigé après la vérification de la comptabilité de la SARL Consultim, n'est pas de nature à contredire les éléments apportés par l'administration. En outre, si la SELAS Mon Véto soutient que les prestations réalisées par la SARL Consultim lui ont permis d'exploiter sept cliniques vétérinaires et se prévaut, à cet effet, d'échanges de courriers électroniques entre la SARL Consultim et des agents immobiliers, l'ensemble de ces courriers sont signés par M. B... en sa qualité de président de la SELAS Mon Véto. Enfin, les extraits de rapports de commissaires aux comptes produits, s'ils permettent d'établir l'existence d'une facturation, ne permettent pas d'établir la réalité des prestations sur lesquelles portent ces facturations.

27. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les opérations auxquelles correspondent les factures en litige n'ont pas été effectivement réalisées. Il s'ensuit que la SELARL Vet Europe n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants.

Sur les intérêts de retard :

28. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ".

29. Il résulte de ce qui précède que la SELARL Vet Europe n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard par voie de conséquence de la décharge des redressements, en droits, auxquels elle a été assujettie.

Sur les pénalités :

30. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ; c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

31. Si l'administration a appliqué la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le tribunal administratif de Rouen, par le jugement attaqué, lui a substitué, à la demande du service, la majoration de 40 % prévue par le a. du même article en cas de manquement délibéré.

32. L'administration a relevé que la SELAS Mon Véto avait sollicité la déduction de la taxe ayant grevé les factures émises par la SARL Consultim alors que celles-ci ne correspondaient à aucune prestation effective, ce que la SELAS Mon Véto ne pouvait pas ignorer dès lors que M. B... était le représentant légal de chacune de ces sociétés, et que ce faisant la SELAS Mon Véto a sciemment cherché à minorer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée à verser au Trésor.

33. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la volonté de la SELAS Mon Véto d'éluder l'imposition dont elle était redevable, justifiant ainsi l'application de la majoration pour manquement délibéré en litige, sans que l'appelante puisse utilement soutenir, en tout état de cause, que le service a méconnu le principe de sécurité juridique en modifiant, dans la proposition de rectification du 18 octobre 2016 ayant annulé et remplacé la proposition de rectification du 7 avril 2016, le fondement de la majoration initialement appliquée par cette précédente proposition de rectification.

34. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Vet Europe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Vet Europe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Vet Europe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°22DA00943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00943
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL HORRIE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;22da00943 ?
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