Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction des impositions supplémentaires mises à leur charge pour une somme de 447 732 euros au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2013 et de 32 050 euros pour l'année 2014 ainsi que les pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1902524 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires et un mémoire récapitulatif enregistrés respectivement le 14 juin 2021, le 9 mars, le 1er juillet, le 30 décembre 2022 et le 24 avril 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Bonnaire, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions supplémentaires et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les véhicules de collection ne constituent pas des distributions au sens du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts puisqu'ils sont demeurés la propriété de la société ;
- les sommes inscrites au crédit du compte courant de la société civile immobilière (SCI) Royal Davout ne peuvent pas être imposées sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts dans la mesure où la société civile Djandhels n'est pas associée de la société civile immobilière ;
- l'imposition aux contributions sociales d'un revenu affecté d'un coefficient multiplicateur en application de l'article 158-7-2° du code général des impôts pour la détermination de la base imposable en matière de revenus est irrégulière ;
- le service ne démontre ni la répétition, ni le caractère délibéré du manquement délibéré pour motiver les pénalités.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 octobre 2021, 13 mai 2022 et 27 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il ne subsiste aucun rehaussement au titre des prélèvements effectués par le biais du compte courant de la SCI Royal Davout, le dégrèvement ayant été prononcé par décision du 18 janvier 2018 ;
- à défaut de réclamation préalable devant l'administration, les requérants ne sont pas recevables à demander la décharge des rappels relatifs à la majoration de 1,25 prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, appliquée sur les sommes distribuées sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts pour le calcul des contributions sociales ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est gérant et associé à 99,99% de la société civile (SC) Djandhels, société holding mixte, le restant des parts (0,01 %) étant détenu par son épouse. Cette société, qui est passible de l'impôt sur les sociétés, a pour activité principale la gestion des participations de ses filiales spécialisées dans le secteur de la grande distribution. A la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société pour la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014, l'administration fiscale a notamment identifié des distributions au profit de M. A... au titre des années 2012 à 2014, correspondant à la prise en charge par la société de véhicules de collection à son bénéfice. Par une proposition de rectification du 16 décembre 2015, établie selon la procédure contradictoire, le service a notamment notifié à M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des années 2012 à 2014. Contestées pour partie, les rectifications en cause ont été confirmées et les rappels ont été mis en recouvrement les 31 décembre 2016 pour l'année 2013 pour un montant total de 644 528 euros et le 31 janvier 2017 pour l'année 2014 pour un montant total de 204 298 euros. La réclamation préalable du 18 juillet 2017 a donné lieu à une décision d'admission partielle le 18 janvier 2018 tandis que les réclamations suivantes des 12 mars et 20 décembre 2018 n'ont donné lieu à aucune réponse de l'administration dans un délai de six mois. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires contestées.
Sur la recevabilité des conclusions à fin de décharge autres que celles concernant les dépenses relatives aux véhicules de collection :
2. En premier lieu, il ressort de la décision du 18 janvier 2018, par laquelle l'administration a admis partiellement la réclamation datée du 18 juillet 2017, que les rectifications relatives aux prélèvements effectués par le biais du compte courant de la SCI Royal Davout et liés aux avances sans intérêts consenties à cette société ont été abandonnées par le service. Il s'ensuit que les conclusions à fin de décharge présentées sur ce point par M. et Mme A... sont sans objet et sont donc irrecevables.
3. En second lieu, considérant qu'aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur ne peut ni contester devant le tribunal administratif des impôts autres que ceux qu'il a contestés dans sa réclamation préalable, ni solliciter une décharge ou une réduction d'impôt d'un montant supérieur à celui qui a été sollicité par cette réclamation.
4. Il résulte de l'instruction, que, par courrier du 18 juillet 2017, M. A... a adressé une réclamation préalable à l'administration fiscale dans laquelle il a contesté les rectifications relatives à des " prélèvements effectués par le biais du compte-courant de la société civile immobilière (SCI) Royal Davout ", sommes regardées comme des revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts résultant du règlement par la SC Djandhels pour l'achat de véhicules de collection pour le compte de M. A... ainsi que les pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre des trois années en litige. Il ressort des réclamations contentieuses des 12 mars et 20 décembre 2018 que le contribuable a réitéré sa contestation relative aux sommes regardées comme des revenus distribués et contesté les pénalités en application du 1. de l'article 1728 du code général des impôts et les pénalités pour manquement délibéré relatives aux insuffisances de ses déclarations de revenus. Par suite, alors qu'au demeurant ces conclusions sont nouvelles en appel, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions tendant à la décharge de la majoration de 1,25 prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, appliquée sur les sommes distribuées sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts pour le calcul des contributions sociales, sont irrecevables à défaut de réclamation préalable devant l'administration.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ".
6. L'article 211-1 du plan comptable général dispose : " Un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l'entité, c'est-à-dire un élément générant une ressource que l'entité contrôle du fait d'évènements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs. "
7. En l'espèce, la SC Djandhels a procédé à des règlements bancaires se rapportant à des acquisitions de véhicules de collection au nom de son dirigeant, M. A.... Il résulte de l'instruction que les sommes relatives à ces véhicules sont demeurées inscrites en compte de transit 238 intitulé " avances sur immobilisations corporelles " en dépit de l'intervention de la facturation avant la clôture des exercices 2013 et 2014. La persistance irrégulière de cette inscription comptable illustre l'impossibilité de leur inscription en tant qu'immobilisations puisqu'en l'absence de contrôle de la société sur ces véhicules, ceux-ci ne faisaient pas partie de son actif au sens du plan comptable général. La circonstance que les véhicules auraient été cédés au cours des exercices clos en 2015 et 2016 au bénéfice de la société est à cet égard sans incidence. De plus, tous les documents relatifs aux véhicules, à savoir les factures d'achat, les cartes grises et les rapports d'expertise ont été établis au nom de M. A.... S'il n'est pas contesté que les cartes grises ne constituent pas des titres de propriété, la circonstance qu'elles aient été, à l'instar des autres documents liés à ces véhicules, systématiquement établies au nom de M. A... constitue un élément de preuve relatif à l'usage privé de ces véhicules. Dans ces conditions, il est démontré que M. A... avait la disposition des véhicules de collection achetés par la SC Djandhels. Il s'ensuit que les sommes correspondantes doivent être regardées comme étant mises à la disposition de M. A... au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et, par conséquent constitutives de revenus distribués imposables entre les mains de M. et Mme A....
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la majoration de 10% pour dépôt tardif :
8. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) "
9. Il n'est pas contesté que M. A... a déposé sa déclaration des revenus pour l'année 2013 le 1er septembre 2015, soit postérieurement au délai légal qui expirait le 10 juin 2014 mais dans les trente jours suivant la réception de la mise en demeure qu'il a réceptionné le 29 août 2015. Il s'ensuit que l'administration était fondée à lui appliquer une majoration de 10 % pour ces revenus.
En ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré de 40% :
10. L'article 1729 du code général des impôts dispose que " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; "
S'agissant des revenus de capitaux mobiliers correspondants aux règlements de véhicules de collection :
11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, les sommes relatives aux acquisitions des véhicules de collection mis à disposition de M. A... ont été comptabilisées à tort sur un compte d'avances sur immobilisations alors que ces avantages auraient dû être comptabilisés au débit de son compte courant d'associé. Eu égard à ses fonctions, M. A... ne pouvait ignorer la destination des décaissements bancaires. Dans ces conditions, le caractère délibéré et anormal de cette gestion financière au bénéfice exclusif du gérant et associé principal atteste la volonté de l'intéressé d'échapper à l'imposition sur le revenu de ces distributions non déclarées. Par suite, l'administration a pu légalement appliquer à M. A... la majoration de 40% instaurée par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré.
S'agissant de l'insuffisance de déclaration des revenus de M. A... :
12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, la déclaration des revenus s'élevant à 258 706 euros pour l'année 2013 a été déposée après la date légal de dépôt à la suite d'une mise en demeure adressée par le service de vérification tandis que pour l'année 2014, la minoration des revenus, correspondant à des salaires versés par la SC Djandhels, à laquelle a procédé M. A... dans ses déclarations s'élève à 284 000 euros, soit près de 40% de ses revenus. En tant qu'associé majoritaire et dirigeant de la société, comme le fait valoir l'administration, M. A... ne pouvait ignorer le montant effectif des rémunérations qu'il avait perçues et leur caractère imposable alors même qu'il n'est pas contesté que les cotisations sociales au titre de son régime de travailleur salarié ont été liquidées. Dans ces conditions, eu égard au montant des sommes éludées et au caractère répété du manquement, l'administration a pu légalement appliquer la majoration de 40% instaurée par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des pénalités correspondant à ce chef de rectification.
S'agissant des revenus de capitaux mobiliers relatifs aux charges non justifiées et non exposées dans l'intérêt de l'entreprise :
13. L'administration fait valoir sans être contestée que M. A... en sa qualité de dirigeant et d'associé principal ne pouvait ignorer qu'en l'absence de justificatifs ou dans la mesure où celles-ci correspondaient à des dépenses personnelles prises en charge par la société, elles ne pouvaient être déduites des résultats de la société. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des pénalités correspondant à ce chef de rectification.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions aux fins de décharge et, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC01705