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29/11/2023 | FRANCE | N°22LY03248

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 novembre 2023, 22LY03248


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 22 avril 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203731 du 10 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions contestées et a enjoint au préfet de l'Isère de prendre une

nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 22 avril 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203731 du 10 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions contestées et a enjoint au préfet de l'Isère de prendre une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2022, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203731 du 10 octobre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les conclusions de M. A... B....

Le préfet de l'Isère soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la convention du 18 juillet 2001 de coordination et de coopération entre le comité des habous d'Algérie et la société des habous et lieux saints de l'islam de Paris était dénuée de portée juridique alors qu'elle régit le détachement d'imams de l'Algérie en France ;

- les autres moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Aldeguer, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à ce que soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a estimé que le refus de séjour est entaché d'erreur de droit sur la portée de la convention du 18 juillet 2001 de coordination et de coopération entre le comité des habous d'Algérie et la société des habous et lieux saints de l'islam de Paris ;

- c'est en outre à tort que le préfet a examiné la demande de séjour le fondement du a) et non du b° de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation ;

- le refus de séjour méconnait l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation du refus de séjour et elle est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 14 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2023 à 16h30.

Par courrier du 14 septembre 2023, les parties ont été invitées à produire la convention du 18 juillet 2001 de coordination et de coopération entre le comité des habous d'Algérie et la société des habous et lieux saints de l'islam de Paris.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 19 novembre 1974, est entré régulièrement en France le 23 novembre 2013, en qualité d'imam détaché auprès de l'association qui gère la mosquée de Paris. Sa rémunération étant assurée par les autorités algériennes, il a bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " jusqu'en 2018, terme de la durée maximale d'un tel détachement. Il a alors sollicité, dans le cadre d'un changement de statut, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " pour exercer l'activité d'imam auprès de l'association musulmane de La-Tour-du-Pin. Par une première décision du 8 avril 2019, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'une autorisation de travail et, par des décisions du 31 décembre 2020, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement. Par un jugement n° 1906628-2100678 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. B..., a annulé l'ensemble de ces décisions et a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de M. B.... Les décisions en litige dans la présente instance ont été prises dans le cadre de ce réexamen. Par ces décisions du 22 avril 2022, le préfet de l'Isère a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Grenoble, par le jugement attaqué du 10 octobre 2022, a annulé ces dernières décisions préfectorales et a enjoint au préfet de l'Isère de prendre une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour présentée par M. B.... Le préfet de l'Isère en interjette appel. A titre incident, M. B... demande qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Sur la légalité des décisions du 22 avril 2022 :

2. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " pour exercer une activité d'imam auprès de l'association musulmane de La-Tour-du-Pin, le préfet de l'Isère a en particulier relevé qu'une convention de coordination et de coopération conclue le 18 juillet 2001 entre le comité des habous d'Algérie et la société des habous et lieux saints de l'Islam à Paris, cette dernière ayant un statut associatif et gérant en particulier la mosquée de Paris, prévoit que les imams algériens ayant la qualité de fonctionnaires en Algérie et qui sont détachés auprès de la société des habous et lieux saints de l'Islam à Paris, ne peuvent être détachés que pour une durée maximale de cinq ans et ne sont pas autorisés à demeurer auprès de la société des habous et lieux saints de l'Islam à Paris à l'issue de ce détachement. Toutefois, cette convention ne produit d'effets de droit qu'entre ses parties. Par ailleurs, si les autorités algériennes peuvent prévoir qu'un imam ayant la qualité de fonctionnaire algérien n'est, statutairement, autorisé à demeurer à l'étranger dans le cadre d'un détachement que pour une durée limitée, ces règles ne font pas obstacle à ce qu'un imam renonçant à demeurer fonctionnaire algérien puisse le cas échéant demander à être embauché par une association française. Enfin, la convention de coordination et de coopération entre une association et un organisme cultuel algérien, qui n'est pas une convention internationale et à laquelle la France n'est en tout état de cause pas partie, ne peut dès lors régir juridiquement les conditions de délivrance par les autorités françaises d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", qui sont définies par les seules stipulations de l'accord franco-algérien susvisé. C'est donc par erreur de droit que le préfet de l'Isère s'est fondé sur les stipulations précitées de la convention du 18 juillet 2001 pour décider qu'elle lui interdisait de délivrer le titre de séjour sollicité.

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé ses décisions et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

5. M. B... avait demandé au tribunal d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Il lui est en conséquence loisible de contester le jugement en tant que le tribunal s'est borné à enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour.

6. En premier lieu, c'est à juste titre que le tribunal a décidé que l'annulation fondée sur le moyen précité d'erreur de droit impliquait uniquement le réexamen de la demande de titre de séjour et n'impliquait pas nécessairement que ce titre soit délivré.

7. En deuxième lieu, M. B... invoque les moyens tirés de ce que le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa demande de séjour sur le fondement du a) et non du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, de ce qu'il a méconnu l'étendue de sa compétence en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation et de ce que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation du refus de séjour. Aucun de ces moyens n'est de nature, s'il est retenu, à impliquer nécessairement que le préfet délivre à M. B... le titre de séjour sollicité.

8. En troisième lieu, dès lors que M. B... n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et que le préfet n'a pas examiné l'application de cette stipulation, le moyen tiré de sa méconnaissance est inopérant.

9. En quatrième lieu, M. B... soutient que la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de sa situation personnelle et dès lors qu'au terme de son détachement il a bénéficié d'une offre d'emploi par l'association qui gère la mosquée de La-Tour-du-Pin. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B..., né en 1974 et qui est demeuré en Algérie jusqu'en 2013, y avait le statut d'imam fonctionnaire de l'Etat algérien. C'est en cette qualité qu'il est entré en France en 2013, dans le cadre d'un détachement de durée limitée et qui ne lui donnait normalement pas vocation à demeurer en France. S'il expose qu'au terme de ce détachement il entend renoncer à son statut de fonctionnaire algérien et demeurer en France en qualité de salarié, il ne justifie pas d'un contrat de travail visé au sens du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. Enfin, alors qu'il a vécu près de quarante ans en Algérie, où demeure sa famille, et qu'il n'est venu en France que dans un cadre normalement bref et limité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait ancré dans la durée sa situation personnelle en France. Le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait entaché sa décision portant refus de séjour d'erreur manifeste d'appréciation doit, en conséquence, être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Sur les frais de l'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03248
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;22ly03248 ?
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