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29/11/2023 | FRANCE | N°22LY02303

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 novembre 2023, 22LY02303


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2201858 du 27 juin 2022, le trib

unal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201858 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Royon, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 19 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- ce refus est insuffisamment motivé ;

- en estimant qu'il menaçait l'ordre public, la préfète de la Loire a entaché ce refus d'une erreur d'appréciation ;

- la préfète a également méconnu l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ce refus sur sa situation personnelle ;

- ce refus méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le refus de lui délivrer un titre de séjour étant illégal, l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le pays de destination :

- la fixation du pays de destination de son éloignement n'est pas motivée ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- cette mesure n'est pas motivée au regard des quatre critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne met pas en balance la nécessité de lui interdire le retour sur le territoire avec ses intérêts en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français étant illégale, l'interdiction de retour est dépourvue de base légale ;

- cette mesure viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

La requête a été communiqué au préfet de la Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " expirant le 29 juin 2021, en a sollicité le renouvellement. Il relève appel du jugement du 27 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le préfet de la Loire lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 432-2 du même code : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 423-7 du même code : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Enfin, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ".

3. En premier lieu, il est constant que M. B..., marié avec une Française depuis 2014, résidait à la date de l'arrêté attaqué avec elle et avec leur enfant commun, de nationalité française, né en 2016. En estimant qu'il ne justifiait pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils, faute de justifier d'une activité professionnelle et de ressources stables et suffisantes, alors qu'il lui appartenait d'apprécier si le requérant participait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à proportion de ses ressources, la préfète de la Loire a méconnu les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, pour refuser le renouvellement de sa carte de séjour, la préfète de la Loire s'est également fondée sur le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 21 mai 2014, le tribunal correctionnel de Senlis a condamné M. B... à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis pour violence suivi d'incapacité n'excédant pas huit jours sur un membre de l'entourage d'un avocat, entre janvier 2013 et avril 2014. Par un jugement du 9 février 2015, le même tribunal a révoqué le sursis dont cette peine était assortie, et a condamné M. B... à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des violences suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours sur une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, commises le 4 février 2015, et des faits de rébellion, commis le lendemain, ainsi qu'à une peine de 4 mois d'emprisonnement pour des faits d'évasion commis avec violence le 5 février 2015. Toutefois, si ces faits sont graves, ils ont été commis durant une période d'un peu plus de deux ans, sont anciens à la date de la décision attaquée et il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait fait l'objet d'autres condamnations ou même de mises en cause depuis l'année 2015. En outre, si le traitement d'antécédents judiciaires, fichier commun à la police et à la gendarmerie, outre les faits condamnés, mentionne selon la préfète de la Loire d'autres faits de violences commis sur une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, au cours de l'année 2014, l'administration n'établit pas la réalité de ces faits également anciens, dont le requérant fait valoir qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune poursuite pénale. Dans ces circonstances, la préfète de la Loire, en refusant à M. B... le renouvellement de sa carte de séjour au motif qu'il représentait une menace pour l'ordre public, a fait une inexacte application de l'article L. 412-5 ainsi que des articles L. 431-1 et L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B... doit dès lors être annulé ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français. Le requérant est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. L'exécution du présent arrêt implique, eu égard aux motifs de l'annulation prononcée, que l'administration délivre une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B..., et que dans l'attente de cette délivrance, qu'elle le munisse d'un récépissé de demande de renouvellement, lequel en vertu de l'article R. 431-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorisera à travailler. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire de munir le requérant de ce récépissé dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer cette carte de séjour dans un délai de deux mois à compter de la même date, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté de la préfète de la Loire du 19 novembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente, de le munir d'un récépissé de demande de renouvellement de sa carte de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la même date.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02303
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;22ly02303 ?
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