Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon (HCL), ou subsidiairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 1 091 081,06 euros en réparation des préjudices consécutifs à une prise en charge hospitalière.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a présenté des conclusions tendant à la condamnation des HCL à lui verser la somme de 152 334,78 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 2005750 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné, d'une part, les HCL à verser à M. B... une somme de 116 120,64 euros et à la CPAM du Rhône une somme de 45 544,63 euros au titre de ses débours outre une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, d'autre part, l'ONIAM à verser à M. B... la somme de 270 948,15 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 6 mai 2022, ensemble des mémoires complémentaires enregistrés les 17 juin et 3 août 2022, l'ONIAM, représenté par la SELARLU Olivier Saumon membre de l'AARPI Jasper avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement n° 2005750 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon en réduisant les sommes qu'il a été condamné à verser à M. B... ;
2°) de rejeter les conclusions incidentes de M. B....
L'ONIAM soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- c'est à tort que le tribunal a limité à 30 % la perte de chance imputable aux HCL et a ainsi mis à sa charge une part résiduelle de 70 % ; la part laissée à sa charge doit être ramenée à 50 % ;
- les préjudices de M. B... ont été évalués de façon excessive : le montant alloué au titre du déficit fonctionnel permanent doit être ramené à 65 465 euros et aucune somme ne doit être allouée au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;
- les majorations demandées par M. B... ne sont pas justifiées.
Par un mémoire enregistré le 16 mai 2023, la CPAM du Rhône, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut ;
1°) à ce que les HCL soient condamnés à lui verser la somme de 76 167,39 euros au titre de ses débours ;
2°) à ce que les HCL soient condamnés à lui verser la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des HCL sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La CPAM du Rhône soutient que :
- elle rejoint l'ONIAM sur la réévaluation à hauteur de 50 % de la perte de chance imputable aux HCL ;
- elle a exposé des débours tenant à des dépenses de santé actuelles, à des pertes de gains professionnels et à des arrérages échus de pension d'invalidité ; elle demande par ailleurs la capitalisation des arrérages futurs de rente d'invalidité.
Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 1er août 2023, les HCL, représentés par le cabinet d'avocats Le Prado - Gilbert, concluent, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) au rejet de la requête de l'ONIAM ainsi que des conclusions de M. B... et de la CPAM du Rhône ;
2°) à titre incident, à l'annulation des articles 1er, 3, 4, 5 et 6 du jugement n° 2005750 du 8 mars 2022 du tribunal administratif.
Les HCL soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- c'est à tort que le tribunal les a condamnés à indemniser partiellement M. B... sur le fondement d'un défaut d'information, alors qu'ils doivent être regardés comme ayant prodigué l'information requise ;
- subsidiairement, ainsi que l'admet M. B..., le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante de la chance perdue du fait d'un défaut d'information en l'évaluant à 30 %, ce taux étant au contraire élevé en l'espèce ;
- ainsi que l'a relevé l'ONIAM, l'évaluation du déficit fonctionnel permanent et des pertes de gains professionnels futurs est excessive, ce dernier poste n'étant en outre pas certain ;
- les majorations demandées en appel par M. B... ne sont pas justifiées ;
- les conclusions de M. B... sont irrecevables en tant que les montants demandés en appel excédent les montants demandés en première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 juillet 2023, M. A... C... B..., représenté par la SELARL Sandra Bellier et Associés, conclut :
1°) au rejet de la requête de l'ONIAM et des conclusions des HCL ;
2°) à titre incident, à ce que l'ONIAM soit condamné à lui verser la somme de 1 112 106,06 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 août 2016 et capitalisation desdits intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, si la Cour décide que la part de responsabilité des HCL doit être majorée, à ce que les HCL soient condamnés à verser à l'ONIAM les sommes correspondantes ;
4°) à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a évalué à 30 % la perte de chance liée au défaut d'information et a retenu une indemnisation par la solidarité nationale à hauteur de 70 % ;
- subsidiairement, en cas de modification de ce pourcentage, dès lors que le jugement a été exécuté, il serait équitable de prévoir une compensation directement opérée entre l'ONIAM et les HCL, sans qu'il soit lui-même tenu de reverser une partie des sommes obtenues de l'ONIAM puis de rechercher le versement équivalent par les HCL ;
- le tribunal a insuffisamment évalué ses préjudices, qui correspondent à un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, à des souffrances endurées, à un préjudice esthétique temporaire puis permanent, à un préjudice d'agrément, à un préjudice sexuel et à un préjudice professionnel.
Par ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023 à 16h30. Par ordonnance du 21 juillet 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 22 août 2023 à 16h30.
Par courrier du 20 septembre 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions des HCL, les conclusions de la CPAM du Rhône et les conclusions de M. B... autres que ses conclusions incidentes dirigées contre l'ONIAM doivent être rejetées comme tardives.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2023, les HCL ont présenté des observations sur le moyen d'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2023, la CPAM du Rhône a présenté des observations sur le moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bellier, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 6 mai 1972, est porteur depuis l'enfance d'une dysplasie majeure de la hanche. En raison de gênes et souffrances, il a été opéré le 17 décembre 2013 à l'hôpital Edouard Herriot, qui relève des hospices civils de Lyon (HCL), pour repositionnement de la hanche droite avec arthroplastie totale. Les suites de l'intervention ont été marquées par une complication neurologique et M. B... demeure atteint d'une paralysie sciatique droite sévère. Par le jugement attaqué du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné, d'une part, les HCL à verser à M. B... une somme de 116 120,64 euros et à la CPAM du Rhône une somme de 45 544,63 euros au titre de ses débours outre une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, d'autre part, l'ONIAM à verser à M. B... la somme de 270 948,15 euros.
Sur la requête de l'ONIAM et les conclusions incidentes principales de M. B... dirigées contre l'ONIAM :
2. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal et achevée le 29 novembre 2017, que la paralysie sciatique droite sévère subie par M. B..., du fait d'une complication connue mais ayant pris une ampleur particulièrement importante en l'espèce, entraine un déficit fonctionnel permanent de 45 %, correspondant à une atteinte notablement plus grave que celles auxquelles M. B... aurait été exposé en l'absence d'intervention. Le principe de l'indemnisation par la solidarité nationale a été ainsi retenu à juste titre par le tribunal et n'est d'ailleurs pas débattu en appel.
En ce qui concerne l'étendue de l'obligation d'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...) ". Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.
4. D'autre part, il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
5. Par le jugement attaqué, le tribunal a jugé, d'une part, que les HCL ont engagé leur responsabilité partielle en raison d'un défaut d'information et, d'autre part, que l'ONIAM est tenu d'indemniser pour le reste M. B... sur le fondement de la solidarité nationale. L'ONIAM conteste la part de responsabilité des HCL, évaluée par le tribunal à 30 %, de telle sorte que l'obligation d'indemnisation pesant sur l'ONIAM porte sur 70 % des préjudices de M. B....
6. S'il est vrai qu'une expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) et achevée le 23 mars 2015, a relevé que M. B... a signé un document " de consentement éclairé ", toutefois, l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, après avoir examiné ce document, a souligné qu'il ne comporte pas d'indications sur les risques neurologiques de l'intervention, pourtant complexe, et notamment sur le risque grave et connu de paralysie. En l'absence de tout autre élément, l'expert a ainsi constaté un défaut d'information du patient sur le risque précis ayant conduit à la complication dont le patient a été victime. Aucun élément n'apparait de nature à établir que les HCL auraient effectivement délivré l'information requise sur ce point, alors que M. B... conteste avoir été informé de ce risque. L'expertise du 23 mars 2015 notait à cet égard que M. B... contestait avoir reçu des explications orales sur le problème neurologique et il a constamment maintenu cette position alors qu'aucun élément ne permet de l'infirmer, la seconde expertise relevant un défaut d'explication avant le geste. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu un défaut d'information du patient sur le risque qui s'est réalisé.
7. Il résulte de l'instruction que l'intervention a été réalisée alors que M. B... commençait à souffrir, depuis 2012, de gênes et de douleurs importantes, qui affectaient son activité professionnelle, sans alternative thérapeutique équivalente à l'intervention envisagée. L'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) a précisé que la complication, connue, dont M. B... a été victime, a une occurrence variant de 0,3 % pour une intervention très simple de prothèse de hanche, jusqu'à 10 % pour certaines interventions plus complexes, notamment dans le cadre d'une séquelle de luxation congénitale de hanche, comme en l'espèce. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal n'a pas inexactement apprécié la chance qu'avait M. B... d'échapper à cette complication, en renonçant à l'intervention, s'il avait été régulièrement informé du risque de paralysie sciatique, en l'évaluant en l'espèce à hauteur de 30 %, proportion qu'admet d'ailleurs expressément M. B.... Par voie de conséquence, dès lors que l'indemnisation par la solidarité nationale ne concerne que la part des préjudices restés à la charge de la victime qui n'est pas indemnisable par le responsable, l'obligation d'indemnisation pesant sur l'ONIAM s'élève à 70 % de ces préjudices.
En ce qui concerne les préjudices :
8. Une première expertise a été diligentée par la CRCI et achevée le 3 mars 2015. L'expert a toutefois indiqué que la consolidation n'était pas encore acquise à cette date et que la question des préjudices permanents devrait donner lieu à un réexamen ultérieur. Par ordonnance n° 1606497 du 18 octobre 2016, le juge des référés du tribunal a diligenté une nouvelle expertise, achevée le 29 novembre 2017. Le nouvel expert fixe la date de consolidation au 10 octobre 2016.
Quant aux préjudices extra-patrimoniaux :
9. En premier lieu, en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, l'expert désigné par le juge des référés a retenu un déficit total du 16 décembre 2012 au 22 mai 2013, puis partiel à hauteur de 75 % du 23 mai 2013 au 17 mars 2016, mais mentionne également un déficit total du 18 mars au 1er avril 2015 et, enfin, un déficit partiel à hauteur de 50 % du 2 avril 2016 au 10 octobre 2016. Alors que l'hospitalisation n'est, toutefois, intervenue que le 16 décembre 2013, pour une intervention réalisée le 17 décembre 2013 et, qu'en outre, les dates indiquées sont manifestement incohérentes, le rapport est sur ce point à l'évidence entaché d'erreur matérielle. L'expert désigné par la CRCI a, pour sa part, retenu un déficit fonctionnel temporaire total du 16 décembre 2013 au 28 février 2014, puis un déficit de niveau III, soit de l'ordre de 50 %, du " 29 février 2014 " à la date de son expertise, achevée comme il a été dit le 3 mars 2015. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et eu égard à la chronologie des prises en charge dressée par les expertises, M. B... doit être regardé comme ayant subi un déficit fonctionnel temporaire total du 16 décembre 2013 au 28 février 2014, un déficit partiel au taux de 50 % du 1er mars 2014 au 18 mars 2015, un déficit total du 19 mars au 1er avril 2015 en raison d'une hospitalisation pour intervention de reprise et, enfin, un déficit partiel à hauteur de 50 % du 2 avril 2015 au 9 octobre 2016, la consolidation étant, comme il a été dit, survenue le 10 octobre 2016. L'expert désigné en référé précise, toutefois, qu'une partie du déficit fonctionnel temporaire est imputable aux suites normales de l'opération en elle-même, et non à la complication dont M. B... demande réparation. L'expert évalue cette durée non imputable à 7 jours de déficit fonctionnel temporaire total et à 45 jours de déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 %. Il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant à l'ensemble de ces éléments en l'évaluant, compte tenu d'un taux mensuel de l'ordre de 500 euros, sous réserve du taux de déficit, à hauteur de 9 500 euros.
10. En deuxième lieu, M. B..., né en mai 1972 et ainsi âgé de 44 ans à la date de la consolidation, est atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à hauteur de 45 %. Contrairement à ce que soutient l'ONIAM, l'expert n'a pas indiqué que l'intervention entrainait nécessairement un déficit de 10 % et que ce taux avait été majoré de 35 % par la complication, mais il a indiqué que la complication est à l'origine d'un déficit de 45 %, qui doit donc être indemnisé. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, en l'espèce, à hauteur de 110 000 euros.
11. En troisième lieu, les deux experts ont évalué les souffrances endurées avant la consolidation à hauteur de 4,5/7. Compte tenu de l'intensité de ces souffrances et de la durée de la période en cause, il sera fait en l'espèce une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur de 12 000 euros.
12. En quatrième lieu, si l'expert désigné par la CRCI avait évalué le préjudice esthétique temporaire à hauteur de 2,5/7, l'expert désigné en référé a réévalué ce montant à 3/7. Pour procéder à cette réévaluation, il relève en particulier l'asymétrie des membres inférieurs et l'obligation de port de béquilles. Il résulte toutefois de l'instruction que l'asymétrie elle-même est sans lien avec l'accident médical dont a été victime M. B..., qui consiste uniquement en une atteinte du nerf sciatique. Le préjudice esthétique temporaire doit, ainsi, être évalué à 2,5/7 pour sa partie imputable à l'accident médical. Il résulte en revanche des dates qui ont été indiquées précédemment que ce préjudice temporaire s'est prolongé sur une période de près de trois années. Il sera fait en l'espèce une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur d'une somme de 2 000 euros.
13. En cinquième lieu, le préjudice esthétique permanent a été évalué à 2/7. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice, définitif, en l'évaluant à hauteur d'une somme de 3 000 euros.
14. En sixième lieu, M. B... fait valoir un préjudice d'agrément. Ainsi qu'il l'expose, son atteinte congénitale de la hanche ne faisait pas obstacle à ce qu'il pratique des activités physiques, et notamment le football et la pétanque. En revanche, les séquelles qu'il subit font obstacle à ce qu'il continue l'exercice du football et l'expert qui a évalué son préjudice définitif a relevé un préjudice d'agrément. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à hauteur d'un montant de 4 000 euros.
15. En septième lieu, M. B... demande l'indemnisation d'un préjudice sexuel. L'expert désigné par le juge des référés a identifié une perte d'appétence sexuelle imputable à l'atteinte neurologique. Il en sera fait une juste appréciation en évaluant ce préjudice à hauteur d'une somme de 2 000 euros.
Quant aux préjudices patrimoniaux :
16. En premier lieu, concernant les préjudices professionnels, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par la CRCI que M. B... exerçait depuis 2011 une activité de magasinier-cariste en contrat à durée indéterminée. Les gênes et douleurs liées à l'état de sa hanche ont en particulier conduit à un arrêt de travail en septembre 2013, avant que le principe de l'intervention ne soit arrêté. Il est constant que les séquelles liées à la complication dont M. B... a été victime font dorénavant obstacle à ce qu'il puisse reprendre son activité et il a d'ailleurs été licencié pour inaptitude professionnelle le 19 février 2016. Enfin, si les mêmes séquelles ne rendent pas impossible l'exercice d'une activité différente, M. B... n'a pu être recruté en dépit de ses tentatives et, eu égard à son âge, à ses qualifications, à son expérience et à son état, il est peu probable qu'il puisse trouver un nouvel emploi. M. B... doit, ainsi, être regardé comme ayant subi, du fait de la complication dont il a été victime, un préjudice de perte des revenus professionnels qu'il tirait de son emploi à durée indéterminée.
17. Il résulte de l'instruction et notamment des bulletins de salaire produits par M. B..., qu'il percevait un salaire annuel net de 16 201,73 euros. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que M. B... aurait eu une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels en l'absence de l'accident médical dont il a été victime et il ne justifie dès lors pas, en outre, d'un préjudice distinct d'incidence professionnelle.
18. D'une part, de la date de l'intervention chirurgicale litigieuse, le 17 décembre 2013, à la date du présent arrêt, il s'est écoulé une période de près de dix ans. Le préjudice de pertes de revenus professionnel de M. B... échu à la date du présent arrêt s'élève ainsi à 162 017,30 euros.
19. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. B..., né en 1972, aurait pu continuer l'exercice de son activité jusqu'à l'âge de 64 ans, soit une période de onze ans à compter du présent arrêt. Il y a lieu en l'espèce de capitaliser le préjudice futur de perte de revenus, par application du taux de capitalisation déterminé par le référentiel de l'ONIAM dans son édition du 22 mai 2023, soit un taux de 12,117. Le préjudice futur de perte de revenus de M. B... s'élève ainsi au montant de 196 316,36 euros.
20. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment de l'état des débours de la caisse primaire d'assurance maladie, établi le 7 mai 2021, que celle-ci a versé à M. B... une somme totale d'indemnités journalières de 16 721,10, au titre des arrêts maladie du 17 juin 2014 au 31 décembre 2015, qui doit être déduite du préjudice de perte de revenus qu'elle vise à compenser. La caisse a également versé à M. B... des arrérages au titre d'une pension d'invalidité d'un montant total de 26 328,84 euros du 1er janvier 2016 au 3 mai 2021, ainsi qu'un capital invalidité de 74 179,79 euros le 3 mai 2021. Ces derniers montants doivent également être déduits du préjudice de perte de revenus qu'ils visent à compenser. Enfin, M. B... a attesté sur l'honneur le 3 février 2022 qu'il a également perçu 20 528 euros au titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE), 32 116 euros au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et 1 590 euros au moment de son licenciement au titre d'une assurance complémentaire GAN conclue par son employeur. Ces montants, qui visent à couvrir le préjudice de perte de revenus, doivent être déduits du préjudice de revenus. M. B... atteste en revanche par le même document, ainsi que par une nouvelle attestation sur l'honneur du 9 avril 2023, ne pas avoir perçu ni percevoir l'allocation pour adulte handicapé (AAH).
21. Il résulte de ce qui précède que le préjudice de perte de revenus resté à la charge de M. B... s'élève à 186 869,93 euros.
22. En second lieu, au titre des frais divers, M. B... justifie tout d'abord de frais d'assistance médicale à expertise, dont l'utilité résulte de l'instruction, pour un montant non contesté de 2 100 euros.
23. Ensuite, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives. En l'espèce, M. B... réclame, au titre des frais divers, le remboursement de montants correspondant à une assistance durant les procédures juridictionnelles en première instance puis en appel. Dès lors qu'il est partie à ces instances et que les frais qui ont pu être exposés à ce titre ont vocation à être pris en compte dans le cadre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ayant d'ailleurs statué, dans son jugement du 8 mars 2022, sur l'application de ces dispositions et la cour étant par ailleurs saisie sur ce fondement en ce qui concerne la présente instance d'appel, le requérant ne peut réclamer une nouvelle indemnisation à ce titre. Seul le montant précité de 2 100 euros peut ainsi être retenu au titre des frais divers.
En ce qui concerne le montant dû par l'ONIAM :
24. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 23 du présent arrêt que le préjudice total resté à la charge de M. B... s'élève à 331 469,93 euros. Compte tenu de la limitation de l'obligation d'indemnisation pesant sur l'ONIAM à 70 % des préjudices restés à charge, ainsi qu'il a été exposé au point 7 du présent arrêt, la somme due par l'ONIAM s'élève à 232 028,95 euros.
25. La somme qui vient d'être indiquée sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 3 février 2015, date de réception par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes de la demande d'indemnisation de M. B.... La capitalisation des intérêts a été demandée dans la demande de première instance enregistrée le 12 août 2020. A cette date, une année d'intérêts était due. Les intérêts seront donc capitalisés au 12 août 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les autres conclusions :
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires de M. B... dirigées contre l'ONIAM :
26. Ces conclusions n'étaient formulées que dans l'hypothèse où la cour modifierait la part d'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM. Eu égard à ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, qui maintient la part définie par les premiers juges, il n'y a pas lieu d'examiner ces conclusions subsidiaires.
En ce qui concerne les conclusions de M. B... dirigées contre les HCL, les conclusions des HCL et les conclusions de la CPAM du Rhône :
27. Il résulte de l'instruction et notamment du dossier de première instance, que le jugement a été régulièrement notifié à la CPAM du Rhône sur l'application Télérecours et mis à sa disposition le 8 mars 2022 à 18h14 pour une réception le 9 mars 2022 à 15h19. Selon les mêmes modalités dématérialisées, le jugement a été notifié aux HCL, avec une mise à disposition le 8 mars 2022 à 18h14 et une réception le 9 mars 2022 à 11h50. Enfin, le jugement a été régulièrement notifié à M. B... par pli recommandé avec accusé de réception. Ce pli a été présenté le 10 mars 2022. L'intéressé, régulièrement avisé, n'a pas réclamé le pli.
28. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les appels formés par la CPAM du Rhône, par les HCL et par M. B..., respectivement enregistrés les 16 mai 2023, 7 juillet 2023 et 14 juillet 2023, ont été formés après l'expiration du délai d'appel de deux mois résultant de l'article R. 811-2 du code de justice administrative.
29. S'il est vrai que les conclusions de M. B... dirigées contre l'ONIAM sont recevables en tant qu'incidentes, en revanche, le présent arrêt n'est pas susceptible d'aggraver la situation des HCL, ni celle de la CPAM du Rhône, ni celle de M. B... dans ses relations avec les HCL. Ainsi, les conclusions des HCL, les conclusions de la CPAM du Rhône et les conclusions de M. B... dirigées contre les HCL, qui se rapportent à un litige distinct de celui seul soumis régulièrement à la cour qui n'est relatif qu'à l'obligation d'indemnisation de M. B... pesant sur l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, doivent être rejetées comme tardives.
30. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que L'ONIAM est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a pas limité les montants qu'il a été condamné à verser à M. B... à 232 028,95 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 février 2015, ces intérêts étant capitalisés au 12 août 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Les conclusions indemnitaires des autres parties doivent être rejetées.
Sur les dépens :
31. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir à la charge des HCL pour 30 % et de l'ONIAM pour 70 % les dépens, correspondant à l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal, dont le montant a été fixé par ordonnance du président du tribunal n° 1606497 du 23 janvier 2018.
Sur les frais de l'instance :
32. L'ONIAM étant tenu aux dépens dans la présente instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la CPAM du Rhône sur le même fondement doivent être rejetées comme tardives.
DECIDE :
Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à M. B... la somme de 232 028,95 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 février 2015, ces intérêts étant capitalisés au 12 août 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2005750 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les dépens sont maintenus à la charge des HCL pour 30 % et de l'ONIAM pour 70 %.
Article 4 : La somme de 1 000 euros, à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est mise à la charge de l'ONIAM.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. A... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et aux hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01353