Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 51 443,72 euros en réparation des conséquences de l'accident médical dont il estime avoir été victime lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 26 mai 2014 au centre hospitalier universitaire de Dijon.
Par un jugement n° 1900512 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 6 septembre 2021, 17 novembre 2022, 8 février 2023, M. C... B..., représenté par Me Barberousse, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1900512 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 51 443,72 euros et une somme de 3 185,50 euros en remboursement des frais d'expertise ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- sa cophose et ses troubles de l'équilibre sont imputables à l'intervention chirurgicale du 26 mai 2014 ;
- en se cantonnant au barème du concours médical pour attribuer un taux de 8 % aux troubles de l'équilibre dont il souffre, au lieu du taux de 10 % retenu par l'expert, les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;
- la majoration à 10 % du taux d'incapacité partielle permanente (IPP) proposée par l'expert était justifiée par le caractère inattendu et profondément déstabilisant de ses épisodes de vertige, récurrents ;
- une autre erreur d'appréciation a été commise par les premiers juges qui ont estimé que ses troubles de l'équilibre ne pouvaient pas être qualifiés de permanents car susceptibles d'amélioration ;
- ses préjudices patrimoniaux sont constitués de frais d'appareillage, soit 1 289,42 euros au titre d'un reste à sa charge plus 8 000 euros au titre du renouvellement de cet appareillage, de son déficit fonctionnel temporaire (1 664,30 euros), de son pretium doloris (1 500 euros) ;
- ses préjudices extrapatrimoniaux sont constitués de son déficit fonctionnel permanent (35 000 euros) et de son préjudice d'agrément (4 000 euros).
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 octobre et 20 décembre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL GF Avocats, agissant par Me de la Grange, conclut à sa mise hors de cause et au rejet de la requête.
L'ONIAM fait valoir que :
- le requérant ne peut pas revendiquer le versement d'une indemnité au titre de la solidarité nationale car les préjudices dont il fait état ne sont pas, de manière certaine, en lien avec l'opération qu'il a subie le 26 mai 2014, l'expert ayant émis l'hypothèse de complications consécutives à une atteinte par le virus de l'herpès-zona dont est porteur le requérant ;
- les critères de gravité prévus par l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplis car :
. Le taux d'incapacité permanente partielle total du requérant ne dépasse pas 24 %, l'expert, pour la confection de ce taux qu'il fixe à 26 %, ne pouvant pas, d'abord, prendre en compte de prétendus troubles psychologiques du requérant et leur attribuer deux points de pourcentage, l'expert, ensuite, ayant erronément attribué un taux de 10 % aux troubles de l'équilibre, en outre non permanents car susceptibles d'amélioration, par la prise en compte d'un préjudice d'impréparation étranger à l'incapacité permanente partielle et relevant d'une problématique d'un défaut d'information imputable au centre hospitalier universitaire de Dijon, l'expert, enfin, retenant un taux de 1 % pour des acouphènes ne générant pas, aux dires mêmes du patient, de gêne constante, en particulier de troubles du sommeil, et un même taux de 1 % pour des troubles psychologiques pourtant inclus dans les taux du barème du concours médical et ne faisant l'objet d'aucune prescription médicale ;
. l'arrêt de travail lié aux complications opératoires ne s'étend que sur une durée de deux mois et le déficit fonctionnel temporaire total et partiel du requérant n'a pas atteint la durée requise de six mois ;
. il ne peut pas y avoir de reconnaissance exceptionnelle de la gravité des préjudices du requérant, lequel a poursuivi son activité professionnelle après l'intervention chirurgicale du 26 mai 2014, sans connaître de troubles graves dans ses conditions d'existence.
La clôture d'instruction a été fixée au 17 mars 2023, par ordonnance du 8 février précédent.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 6 novembre 2023 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Caille substituant Me Barberousse, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 29 août 1954, souffrant, depuis 2010, d'un spasme de l'hémiface gauche, qui a révélé un conflit vasculo-nerveux entre le nerf facial et l'artère cérébelleuse postéro-inférieure gauche, a subi, le 26 mai 2014, une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon. Dans les suites de cet acte, le patient a souffert d'une méningite herpétique, d'une embolie pulmonaire et d'une cophose gauche accompagnée de vertiges et d'acouphènes. Se prévalant du rapport daté du 4 juin 2018 de l'expertise médicale diligentée par le tribunal administratif de Dijon, M. B... a, le 18 décembre 2018, en vain réclamé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), le versement d'une indemnité réparatrice de ses préjudices d'un montant total de 51 443,72 euros. Il relève appel du jugement du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté ses conclusions indemnitaires et il demande à la cour de condamner l'ONIAM à lui verser cette somme de 51 443,72 euros et à lui rembourser les frais d'expertise qui se sont élevés à 3 185,50 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de droit et d'appréciation se rattachent au bien-fondé de la décision juridictionnelle et ne constituent pas des moyens d'irrégularité du jugement.
Sur l'engagement de la solidarité nationale :
3. Aux termes de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique : " L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 (...) des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale (...) ". Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du même code : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement (...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret (...) ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical (...) ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical (...) ; / 2° Ou lorsque l'accident médical (...) occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et un caractère de gravité traduit par un taux d'incapacité permanente physique et/ou psychique supérieur à 24 % ou bien par, au moins six mois durant, une incapacité temporaire ou des gênes d'une certaine importance, ce caractère de gravité pouvant, sous d'autres conditions, être reconnu à titre exceptionnel.
5. L'ONIAM doute que la cophose, surdité totale de l'oreille gauche, et les vertiges ou troubles de l'équilibre affectant M. B..., infirmités apparues postérieurement à l'intervention du 26 mai 2014, résultent de cet acte médical, leur origine pouvant se trouver dans une infection par le virus herpétique varicelle zona, dont est porteur le requérant. Il est vrai que dans son rapport du 4 juin 2018, l'expert médical, après avoir expliqué que ces séquelles proviennent d'une atteinte du nerf cochléo-vestibulaire, dévolu à l'audition et à l'équilibration, très voisin du nerf facial, et formant avec ce dernier, dans son contingent vestibulaire, un " paquet acoustico-facial ", a mentionné deux causes d'atteinte : un traumatisme né d'un déplacement " extrêmement minime " de ce nerf cochléo-vestibulaire " particulièrement fragile ", une infection par le virus de l'herpès. Mais cet expert a nettement opté pour la cause traumatique, " la plus probable ", estimant que les complications, séquelles, de l'intervention chirurgicale du 26 mai 2014 relevaient de l'aléa thérapeutique, ce qu'il a confirmé devant le tribunal le 9 mars 2021, en insistant sur les effets d'un déplacement même minime du nerf cochléo-vestibulaire. La surdité de M. B... et ses vertiges et acouphènes sont ainsi directement imputables à cette intervention. De surcroît, si M. B... était porteur sain du virus herpétique varicelle zona lors de son admission au CHU de Dijon, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder une atteinte de ce nerf par ce virus comme ne présentant pas un caractère nosocomial, dès lors qu'il ressort de l'expertise que c'est à l'occasion de l'intervention chirurgicale que ce virus est ainsi devenu pathogène, à l'origine des séquelles en cause, qui constituent un risque connu des interventions de la nature de celle pratiquée en l'espèce.
6. L'ONIAM ne conteste pas qu'est satisfaite la condition d'anormalité des conséquences de l'intervention chirurgicale, à la suite de laquelle M. B..., qui était affecté d'un spasme de l'hémiface gauche, a perdu l'audition de l'oreille gauche et souffre de vertiges/troubles de l'équilibre.
S'agissant en revanche de la condition tenant à la gravité des séquelles :
7. L'ONIAM estime qu'en l'espèce le taux d'incapacité permanente n'excède pas 24 %, comme initialement retenu par l'expert désigné par le tribunal administratif. Le taux de 26 % ensuite retenu par cet expert, au vu du barème du concours médical, additionne quatre taux, 14 % pour la cophose de l'oreille gauche, 10 % pour les troubles de l'équilibre, 1 % pour les acouphènes, 1 % pour des troubles psychologiques. Ces deux derniers taux ne sauraient être remis en cause par l'ONIAM au motif que M. B... ne s'est pas plaint, lors de l'expertise, de la survenue d'acouphènes ni n'a fait état de troubles psychologiques qu'il n'aurait pas médicalement documentés. Mais le taux de 10 % retenu pour les troubles de l'équilibration, une atteinte vestibulaire périphérique unilatérale à laquelle le barème du concours médical attribue un taux compris entre 3 % et 8 %, ne pouvait pas intégrer un préjudice d'" impréparation " à l'apparition de ces troubles ou vertiges, déjà pris en compte dans l'appréciation des troubles psychologiques. En outre, selon l'expert, ces troubles de l'équilibre sont très susceptibles d'amélioration, ce que ne conteste pas utilement le requérant en faisant état de la récidive, début 2023, de sa symptomatologie spasmodique, circonstance n'aggravant pas non plus le retentissement psychique de l'aléa thérapeutique du 26 mai 2014. Il en résulte que le taux d'incapacité permanente totale de M. B... n'est pas supérieur à 24 %.
8. La condition alternative, dont ne se prévaut d'ailleurs pas le requérant, posée par l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, pour la reconnaissance du caractère de gravité des séquelles, n'est pas davantage satisfaite, M. B... n'ayant pas cessé son activité professionnelle durant une période de six mois, consécutifs ou non, et son déficit fonctionnel temporaire d'au moins 50 % étant limité à une période de trois mois. Enfin, le requérant n'ayant pas été déclaré inapte définitivement à l'exercice de son activité professionnelle et n'arguant pas de troubles particulièrement graves dans ses conditions d'existence, il ne peut pas voir reconnu à titre exceptionnel ce caractère de gravité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les dépens et les frais d'instance :
10. M. B... étant la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.
Une copie en sera adressée pour information au docteur A..., expert désigné par le tribunal administratif de Dijon.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02955