La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2023 | FRANCE | N°23PA02579

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 23PA02579


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la SAS Réseau de Transport Urbain (RTU) à procéder à son licenciement pour faute, d'autre part, d'enjoindre à la SAS RTU de procéder à sa réintégration, enfin, de condamner la SAS RTU à lui verser le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir à compter du

24 juin 2022 jusqu'à s

a réintégration effective dans son emploi.



Par un jugement n° 2200357 du 14 mars 2023, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la SAS Réseau de Transport Urbain (RTU) à procéder à son licenciement pour faute, d'autre part, d'enjoindre à la SAS RTU de procéder à sa réintégration, enfin, de condamner la SAS RTU à lui verser le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir à compter du

24 juin 2022 jusqu'à sa réintégration effective dans son emploi.

Par un jugement n° 2200357 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société RTU à procéder au licenciement de M. A... ainsi que la décision par laquelle l'autorité hiérarchique a implicitement confirmé cette décision, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2023, la Polynésie française, représentée par

Me Marchand, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a annulé la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. A... et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ;

2°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'enquête réalisée par l'inspectrice du travail n'est pas entachée d'un défaut de respect du contradictoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juillet 2023, M. A... représenté par

Me Bertin, conclut au rejet de la requête et à ce que l'appelante lui verse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2023, la société Réseau de transport urbain (RTU) représentée par Me Marchand, conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. A... et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, au rejet des demandes de M. A... et à la mise à la charge de ce dernier le versement de la somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'enquête réalisée par l'inspectrice du travail n'est pas entachée d'un défaut de respect du contradictoire, dès lors que le salarié a été mis à même de prendre connaissance de tous les éléments de l'enquête lors de son audition du

23 mai 2022 ;

- contrairement à ce que soutient M. A..., l'entretien préalable au licenciement a bien eu lieu ;

- les fautes reprochées au salarié sont matériellement établies et suffisamment graves pour justifier le licenciement ;

- la demande de licenciement est sans rapport avec le mandat détenu par le salarié ;

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des conclusions tendant à ce qu'elle prononce la nullité du licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté le 12 octobre 2020 par la société RTU en qualité de chauffeur de car scolaire et était titulaire du mandat de délégué du personnel titulaire. Par courrier du

6 avril 2022, la société RTU a demandé à l'inspectrice du travail d'autoriser son licenciement pour faute. Par décision du 20 juin 2022, l'inspectrice du travail a autorisé ce licenciement.

M. A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement, d'autre part, d'enjoindre à la société RTU de procéder à sa réintégration, enfin, de condamner la société RTU à lui verser le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir à compter du 24 juin 2022 jusqu'à sa réintégration effective dans son emploi. Par un jugement du 14 mars 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses conclusions tendant à sa réintégration et au versement de salaires comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a annulé la décision du 20 juin 2022 autorisant son licenciement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique. La Polynésie française et la société RTU demandent à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du

20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. A... et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de ce dernier.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article LP. 2511-1 du code du travail : " Ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des salariés suivants : 1. délégué syndical ; 2. délégué du personnel ou délégué de bord ; 3. représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; 4. membres du comité d'entreprise ou représentant syndical à ce comité ; 5. candidats aux fonctions de représentant du personnel, pendant les six mois qui suivent la publication des candidatures ; 6. anciens délégués syndicaux, représentants du personnel ou représentants syndicaux pendant six mois, après la cessation de leurs fonctions ou de leur mandat. ".

3. En vertu des dispositions du code du travail de la Polynésie française, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant à l'autorité hiérarchique compétente, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. À l'effet de concourir à la mise en œuvre de la protection instituée, l'article LP. 2512-3 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son choix. ".

4. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. La communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant aux salariés de présenter utilement sa défense. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

5. Pour annuler la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. A..., le tribunal administratif a considéré qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que ce dernier aurait été mis à même de prendre connaissance au cours de l'enquête contradictoire des pièces produites par son employeur dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, et qu'il était par suite fondé à soutenir que l'enquête de l'inspectrice du travail n'avait pas été réalisée contradictoirement.

6. Il ressort des termes de la demande d'autorisation de licenciement du 6 avril 2022 adressée par la société RTU à l'inspection du travail que cette dernière comportait en pièce jointe la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement du 29 mars 2022, ainsi qu'une facture relative au coût de réparation de la statue endommagée par M. A.... Si la Polynésie française soutient que l'inspection du travail a bien transmis la demande d'autorisation de licenciement et ses annexes à M. A... à l'occasion de l'envoi du courrier du 26 avril 2022 de convocation à l'enquête contradictoire, il ressort de cette lettre de convocation à un rendez-vous fixé le 10 mai 2022 dans les locaux de la direction du travail, reporté au

23 mai 2022 ainsi qu'il résulte d'une mention manuscrite, qu'elle se borne à viser en pièce jointe la " demande d'autorisation de licenciement " et ne fait aucune mention de la faculté pour le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande de licenciement, ni ne mentionne que d'autres pièces seraient jointes à ce courrier. De plus, M. A... soutient ne pas avoir eu connaissance des éléments produits par son employeur devant l'inspecteur du travail, et notamment du rapport d'expertise du

3 mai 2022 établi à la demande de la compagnie d'assurance de la société RTU afin d'évaluer le montant des réparations de la statue, des signalements émanant d'usagers relatifs à sa conduite, des éléments relatifs aux deux précédents accrochages dont il serait à l'origine et qui ont nécessité des réparations et enfin des deux convocations adressées par son employeur en vue d'un entretien préalable à une sanction en date des 22 juin 2021 et 11 mars 2022. Or, l'ensemble de ces éléments, recueillis par l'inspecteur du travail au cours de son enquête, qui n'étaient pas évoqués dans la demande d'autorisation de licenciement et ne figuraient pas davantage en annexes, ont été pris en compte par l'inspecteur dans la décision litigieuse pour retenir que les faits reprochés à M. A... étaient suffisamment graves pour justifier son licenciement. Si la Polynésie française soutient que l'inspecteur du travail a, lors de son entretien avec M. A... le 23 mai 2022, présenté l'ensemble des pièces complémentaires transmises par l'employeur lors de l'enquête, elle ne l'établit pas, le seul visa dans la décision litigieuse du 20 juin 2022 des " pièces complémentaires transmises " ne permettant pas d'établir la nature de ces pièces, la réalité et la date de leur transmission. Enfin, contrairement à ce que soutient l'employeur, il ne ressort pas des observations formulées par le salarié lors de son recours hiérarchique que ce dernier aurait eu connaissance des pièces complémentaires produites par son employeur lors de son entretien du 23 mai 2022. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'enquête de l'inspectrice du travail avait méconnu les dispositions précitées et a, pour ce seul motif, annulé sa décision du 20 juin 2022.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française et la société RTU ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société RTU à procéder au licenciement de M. A... ainsi que la décision par laquelle l'autorité hiérarchique a implicitement confirmé cette décision.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que

M. A..., qui n'est pas la partie perdante, verse à la somme que demandent la Polynésie française et la société RTU au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces dernières le versement d'une somme de 500 euros chacune à M. A... sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Polynésie française et les conclusions de la société RTU sont rejetées.

Article 2 : La Polynésie française et la société RTU verseront chacune une somme de 500 euros à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française, à M. B... A... et à la société RTU.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La présidente-rapporteure,

M. JULLIARD

L'assesseure la plus ancienne,

M-I LABETOULLE

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02579 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02579
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;23pa02579 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award