Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206428 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2023, M. D..., représenté par Me Bisalu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 19 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 31 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- l'avis émis par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'était pas de nature à lier le préfet ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le traitement approprié à son état de santé était disponible dans son pays d'origine ;
- l'arrêté du 31 mars 2022 méconnaît les dispositions des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées aux articles L. 423-7 et L. 423-23 du même code ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cet arrêté viole les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Bisalu, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né le 2 juillet 1993, déclare être entré en France le 24 août 2018. Par un arrêté du 31 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du 19 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 425-9, ainsi que les considérations de fait fondant le rejet de la demande de l'intéressé. Par suite, alors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu d'énoncer chacun des éléments propres à la situation du demandeur, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 31 mars 2022 ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige, ni d'aucun élément du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait cru lié, pour prendre sa décision, par l'avis émis le 15 mars 2022 par le collège de médecins de l'OFII.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. D'une part, il résulte des dispositions précitées que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
6. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. M. D... soutient qu'il souffre d'une pathologie psychotique " d'allure schizophrénique " qui doit être prise en charge sur le territoire français. Il produit notamment des comptes rendus d'hospitalisation, des ordonnances médicales, ainsi qu'un certificat médical établi le 25 janvier 2023, après l'édiction de l'arrêté contesté, mentionnant le médicament qui lui est prescrit, le " Clopixol ". Ni ces documents, ni la copie d'une attestation d'un pharmacien congolais, sommairement rédigée et ne mentionnant pas si un traitement équivalent, approprié à la pathologie de M. D..., existe en République démocratique du Congo, n'établissent, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'intéressé ne pourrait avoir accès à un traitement adapté à son état de santé, équivalent à celui qui lui est administré en France, dans son pays d'origine. Ces éléments ne sont dès lors pas susceptibles de remettre en cause l'avis émis le 15 mars 2022 par le collège de médecins de l'OFII, qui ont estimé que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existait dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprennent les dispositions abrogées du 6° de l'article L. 313-11 du même code, dont se prévaut l'appelant : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".
9. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. D... serait le père d'un enfant. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions et stipulations précitées.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprennent les dispositions abrogées du 7° de l'article L. 313-11 du même code, dont se prévaut l'appelant : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. M. D... soutient qu'il a obtenu en France un diplôme d'ingénieur, qu'il a été reconnu handicapé, et il fait valoir qu'il vit en concubinage. Toutefois, il indique n'être entré sur le territoire national qu'en août 2018, à l'âge de vingt-quatre ans, et il n'établit, par les pièces qu'il produit, la réalité d'aucune relation personnelle ou familiale stable et ancienne en France. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a donc pas méconnu les stipulations et dispositions précitées en prenant l'arrêté contesté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 31 mars 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
G. A...La présidente,
M. C...La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01850 2