La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2023 | FRANCE | N°23PA01313

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 23PA01313


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu

'à la date de notification de celle-ci, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de celle-ci, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de celle-ci et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2227144/1-1 du 1er mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 6 décembre 202 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... ou à son conseil, suivant le sens de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 et de l'article L761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 du jugement n° 2227144/1-1 du 1er mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision fixant le pays de destination était entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors notamment que

M. B... ne justifie pas être originaire de la région de Nangarhar ni surtout être personnellement exposé à des risques en cas de retour en Afghanistan ;

- les autres moyens soulevés par le requérant en première instance ne sont pas fondés ;

- c'est également à tort qu'en conséquence de cette annulation la magistrate désignée a condamné l'Etat à verser au conseil de M. B..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant afghan né le 23 janvier 1995, est entré en France le 20 août 2021 selon ses déclarations pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par décision de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) du 17 mars 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 août 2022. Par une décision du 30 septembre 2022, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de réexamen comme irrecevable. Par un arrêté du 6 décembre 2022, le préfet de police a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 1er mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le préfet de police relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. M. B... soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi en Afghanistan en raison de la situation de violence régnant dans ce pays, en particulier dans sa région d'origine, Nangarhar, ainsi que du fait de son occidentalisation et de la qualité de militaires de ses deux frères. Toutefois, il ne produit au soutien de ses allégations qu'une photo d'un homme en uniforme qui serait son frère et des photos de lui avec ses professeurs de français et ses amis en France. Ainsi il n'assortit ses écritures d'aucun élément suffisamment personnalisé et précis et n'établit pas la réalité de risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Afghanistan. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 1, l'OFPRA et la CNDA ont rejeté sa demande d'asile, et sa demande de réexamen a été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 30 septembre 2022. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 6 décembre 2022 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B... devant le tribunal administratif de Paris à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne l'autre moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination :

5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 décembre 2022 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination. Par suite c'est à tort également qu'elle a mis à la charge de l'Etat le versement à

M. B... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 4 du jugement n° 2227144/1-1 du 1er mars 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

M-I C...La présidente,

M. A...

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01313
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;23pa01313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award