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28/11/2023 | FRANCE | N°22NT01088

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 novembre 2023, 22NT01088


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Ferré Participation et la SARL Sofebo ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elles ont été assujetties au titre de l'année 2015.



Par un jugement n°s 2001990, 2001994 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs requêtes.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistr

ée le 11 avril 2022 et un mémoire enregistré le 4 novembre 2022, la SARL Ferré Participation et la société Ferré hôtels, venan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ferré Participation et la SARL Sofebo ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elles ont été assujetties au titre de l'année 2015.

Par un jugement n°s 2001990, 2001994 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2022 et un mémoire enregistré le 4 novembre 2022, la SARL Ferré Participation et la société Ferré hôtels, venant aux droits de la SARL Sofebo, représentées par Me Vailhen demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes et de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires supportées par elles ;

2°) à titre subsidiaire de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires supportées par elles ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en refusant de faire application des dispositions du paragraphe I de l'article 238 bis K du code général des impôts à la quote-part de résultat de la SCI RN 15 imposable entre les mains de la SNC HMC ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors que les résultats de la SCI RN 15 devaient impérativement être déterminé selon les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés et non en fonction de l'activité propre de cette dernière ; par suite, l'activité de la SCI RN 15 étant demeurée inchangé avant et après la levée d'option du contrat de crédit-bail immobilier, aucune cessation d'activité ne peut être constatée et partant aucune plus-value ; les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, associées de l'associé de la SCI RN 15 Barentin, sont donc fondées à demander que la quote-part de résultats de cette dernière leur revenant soit déterminée selon les règles fiscales applicables à leur propre bénéfice, à savoir donc les règles de l'impôt sur les sociétés ; il s'ensuit que la plus-value déterminée par l'administration ne pouvait être fondée sur les dispositions de l'article 93 du code général des impôts, intégrant au bénéfice non commercial la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, qui ne sont pas applicable pour la détermination de la quote-part revenant aux associés directs et indirects (avec un niveau d'interposition) soumis à l'impôt sur les sociétés ;

- le service, en s'obstinant à déterminer une valeur vénale, sans avoir d'abord considéré la valeur vénale figurant dans l'acte authentique de levée d'option, a commis une erreur de droit ;

- la méthode d'évaluation employée par le Service et validée par le tribunal administratif de Rennes est critiquable : le recours à une méthode de calcul uniquement fondée sur la valeur locative des chambres ne peut pas être admise dès lors qu'elle n'est pas confortée par des éléments démontrant qu'elle est conforme à la valeur réelle de ce bien sur le marché immobilier ; la situation géographique des trois hôtels de comparaison retenus par le Service n'est absolument pas comparable à celle de l'hôtel détenu par la SCI RN15 Barentin.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022 et un mémoire enregistré le 27 mars 2023, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Guérin du Grandlaunay substituant Me Vailhen pour la SARL Ferré Participation et la société Ferré hôtels.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés SARL Ferré Participation et SARL Sofebo, soumises à l'impôt sur les sociétés, sont associées directement ou indirectement par l'intermédiaire de la SNC HMC, société transparente fiscalement, à hauteur respectivement de 99, 5 % et de 0,5 % de la société civile immobilière (SCI) RN 15 Barentin. La SCI RN 15 Barentin avait pour objet la sous-location d'un local, qu'elle avait pris en crédit-bail. Le 27 novembre 2015, la SCI RN 15 Barentin a levé, par anticipation, l'option du contrat de crédit-bail. Le service a considéré que l'entrée de cet immeuble dans le patrimoine de la SCI RN 15 Barentin s'était traduite par un changement de nature de l'activité exercée et que, dès lors, la cessation de son activité initiale et le changement de son régime fiscal avaient eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value susceptible d'avoir été acquise à cette date. Les sociétés SARL Ferré Participation et Sofebo ont été imposées sur le montant de la plus-value à raison des droits détenus par elles dans la SCI RN 15 Barentin. Par jugement n°s2001990, 2001994 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs recours. Les SARL Ferré Participation et SARL Sofebo demandent à la cour d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires mises à leur charge, subsidiairement, elles contestent le montant de la plus-value compte tenu de la valorisation des immeubles opérée par le vérificateur et demandent à la cour de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires supportées par elles.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 218 bis du code général des impôts : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8,8 quater, 8 quinquies et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles ". Aux termes de l'article 238 bis K du code général des impôts : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits (...) ". Ces dispositions constituent, pour une société assujettie à l'impôt sur les sociétés détenant des droits directement ou indirectement dans une société de personnes régie par l'article 8 du code général des impôts, une règle de détermination du bénéfice imposable correspondant à ses droits dans cette société de personnes et non une règle de détermination du régime d'imposition de cette dernière.

3. Il est constant, d'une part, que la SCI RN 15 Barentin donnait en sous-location l'immeuble qu'elle prenait en crédit-bail et tirait de cette activité des revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et, d'autre part, que l'entrée de cet immeuble dans le patrimoine de la société consécutive à la levée d'option de crédit-bail s'est traduite par un changement de nature de l'activité exercée, la SCI cessant son activité de sous-location, taxable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, au profit d'une activité de location directe, taxable dans la catégorie des revenus fonciers. Néanmoins, la cessation de l'activité initiale de la SCI RN 15 Barentin et le changement de son régime d'imposition, qui ont eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value portant sur l'immeuble acquis pour les associés de la société de personne qui relèvent de l'imposition à l'impôt sur le revenu, est restée sans effet sur le régime d'imposition des associés soumis à l'impôt sur les sociétés et donc sur les règles de détermination des parts de bénéfice des SARL Ferré Participation et Sofebo correspondant à leurs droits dans la société de personnes SCI RN 15 Barentin. Il suit de là que doit être accueilli le moyen tiré par les SARL Ferré Participation et Société Ferré Hôtels venant aux droits de la SARL Sofebo de ce que, en l'absence de changement de leur régime d'imposition, la plus-value litigieuse d'un montant de 881 280 euros réalisée lors de la levée d'option ne peut être taxée dans leur résultat imposable déterminé selon les règles d'imposition à l'impôt sur les sociétés en application du I de l'article 238 bis K du code général des impôts au titre de l'exercice clos le 31 mars 2015.

4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur la valeur vénale de l'ensemble immobilier que les sociétés SARL Ferré participation et Sofebo aux droits de laquelle est venue la société Ferré Hôtels sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes de décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elles ont été assujetties au titre de l'année 2015.

Sur les frais de justice :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de la SARL Ferré Participation et la société Ferré Hôtels venant aux droits de SARL Sofebo, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°s 2001990, 2001994 du 9 février 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La SARL Ferré Participation et la SARL Sofebo sont déchargées des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elles ont été assujetties au titre de l'année 2015.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Ferré Participation et la SARL Sofebo la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ferré Participation, à la société Ferré Hôtels venant aux droits de SARL Sofebo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22NT0108802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01088
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02 1) La part de bénéfice imposable correspondant aux droits détenus directement ou indirectement par une société de capitaux soumise à l'impôt sur les sociétés dans une société de personnes est déterminée en application du paragraphe I de l'article 238 bis K du code général des impôts, selon les règles d'assiette relatives à l'impôt sur les sociétés. ......2) Lorsqu'une société civile immobilière donne en location un immeuble qu'elle a pris en crédit-bail, les loyers qu'elle perçoit dans le cadre de son activité de sous-location de l'immeuble, sont taxables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. La levée de l'option d'achat d'un immeuble pris en crédit-bail entraîne un changement de nature de l'activité exercée par la société civile immobilière qui cesse son activité de sous-location de l'immeuble au profit d'une activité de location directe taxable dans la catégorie des revenus fonciers. Néanmoins, la cessation de l'activité initiale de la société de personnes et le changement de son régime fiscal restent sans effet sur le régime d'imposition des associés soumis à l'impôt sur les sociétés et donc sur les règles de détermination des parts de bénéfice des associés soumis à l'impôt sur les sociétés.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ERNST&YOUNG SAINT JACQUES DE LA LANDE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;22nt01088 ?
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