Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'université Toulouse II Jean Jaurès à lui verser la somme de 59 200 euros, avec intérêts à compter du 26 janvier 2018, en réparation du préjudice subi du fait des agissements de l'administration à son égard et de mettre à la charge de l'université Toulouse II Jean Jaurès une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1802465 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2021, sous le n°21BX03396 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23396, et des mémoires, enregistrés les 8 septembre et 27 octobre 2022 et le 31 janvier 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par la SELARL TetL Avocats, agissant par Me Thalamas, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner l'université Toulouse II Jean Jaurès à lui verser la somme de 59 200 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts de droit à compter du 26 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'université Toulouse II Jean Jaurès une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête de première instance était recevable ;
- en considérant que la lettre du 16 juillet 2015 n'était pas une décision pécuniaire créatrice de droits, le tribunal a commis une erreur d'analyse des faits alors qu'il a droit à la sécurité juridique ; cette décision étant créatrice de droits, il a droit au paiement des sommes convenues pour la mission qu'il a assumée ;
- la gestion par l'université de la situation du centre madrilène l'a mis dans une situation très difficile qui est venue en soutien de la justification de sa décharge de fonctions ; l'université a adopté à son égard des comportements fautifs et des décisions illégales lui ont été successivement infligées, génératrices du préjudice moral qui lui a été causé ;
- il a fait l'objet d'une diffamation publique dès lors que le président de l'université a publiquement soutenu qu'il n'avait pas assuré l'organisation pédagogique de la rentrée universitaire et de propos diffamatoires dans l'arrêté de fin de mission du 11 décembre 2017 en ce que cet arrêté évoque dans ses motifs des chargés d'enseignement non recrutés ;
- il a fait l'objet, à compter du mois de juillet 2017 jusqu'au terme de sa mission à Madrid voire au-delà, d'un harcèlement continu de la part du président de l'université et de ses collaborateurs se traduisant par des mises en cause réitérées de ses compétences administratives et de direction, une obstruction dans les démarches de régularisation administrative, un isolement et une " placardisation " à Madrid, un refus de protection fonctionnelle, une stratégie visant à ce qu'il assure la rentrée, à délimiter ses fonctions puis à l'exclure de la direction, la privation du service d'enseignement du 2ème semestre de l'année universitaire 2017/2018, enfin une dégradation des conditions de travail qui a dégradé sa santé.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 juin et 1er décembre 2022, l'université Toulouse II Jean Jaurès, représentée par la SCP VPNG, agissant par Me Constans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête de première instance n'était pas recevable, que le jugement attaqué est régulier et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Thalamas, représentant M. B... A... et les observations de Me Da Silva, représentant l'université Toulouse II Jean Jaurès.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., professeur des universités, est affecté au département d'études hispaniques et hispano-américaines de l'université Toulouse II Jean Jaurès. Il a été désigné comme chargé de mission pour la mise en œuvre de la convention entre l'Institut français de Madrid et l'université Toulouse II Jean Jaurès et pour la direction du centre d'études universitaires de Madrid. M. B... A... a, par une lettre du 31 août 2017, demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison de la situation de harcèlement moral dont il s'estimait victime. Ce courrier étant resté sans réponse, il a demandé le 9 novembre 2017 à " être reconnu dans la plénitude de ses droits ". Par une décision du 23 novembre 2017, le président de l'université Toulouse II Jean Jaurès a informé M. B... A... qu'il ne pouvait donner une suite favorable à sa demande et, par un arrêté du 11 décembre 2017, il a mis fin aux fonctions de l'intéressé en tant que directeur du centre d'études universitaires de Madrid. Par une lettre du 26 janvier 2018, M. B... A... a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison de l'illégalité de cet arrêté et des autres agissements fautifs de l'administration à son encontre. Sa réclamation préalable a fait l'objet d'une décision expresse de rejet le 26 mars 2018. M. B... A... relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université Toulouse II Jean Jaurès à lui verser une somme de 59 200 euros en réparation de ses préjudices.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. M. B... A... persiste en appel à solliciter le versement d'une somme globale de 29 200 euros au titre de primes de séjour et de direction et au titre de frais de mission et de déménagement qui lui seraient dus. Il se borne à se prévaloir, dans ses écritures, de l'existence d'une décision pécuniaire créatrice de droits de l'administration en date du 16 juillet 2015. Il résulte de l'instruction que, par cette lettre, la directrice du département d'études hispaniques et hispano-américaines de l'université a précisé à M. B... A... certaines conditions de son engagement, à compter du 1er septembre 2015, comme directeur du centre d'études universitaires madrilènes, antenne de l'université située à Madrid. Il ressort des termes mêmes de cette lettre que l'engagement de M. B... A... comme responsable du centre d'études valait pour une année, renouvelable par tacite reconduction et qu'il avait été " envisagé " lors de réunions avec la vice-présidente du conseil d'administration et le vice-président des relations internationales, parmi les conditions d'exercice de cette fonction, le bénéfice d'une " prime " de 6 000 euros payable au terme de l'année, en août 2016, ainsi que quatre missions de 500 euros chacune. Contrairement à ce que soutient le requérant, par les termes employés et l'usage d'une conjugaison au conditionnel, cette lettre ne peut être regardée comme une décision pécuniaire créatrice de droits lui attribuant une prime de séjour annuelle de 6 000 euros, une prime de direction, des frais de mission annuels ou des frais de déménagement dès lors qu'elle ne crée ou ne constate aucune obligation de l'administration à son égard. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté et l'intéressé n'est ainsi pas fondé à solliciter une indemnité au titre de primes et autres frais non versés par l'université.
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
5. Pour caractériser les agissements de harcèlement moral dont il estime avoir été victime, M. B... A... soutient qu'il a fait l'objet de diffamations publiques par le président de l'université et de mises en cause réitérées de ses compétences, d'une obstruction dans les démarches de régularisation administrative de sa situation, mais également d'un isolement et d'une " placardisation " à Madrid, s'inscrivant dans le cadre d'une stratégie visant à terme à l'exclure de ses fonctions de direction, d'un refus de protection fonctionnelle, de la privation du service d'enseignement du 2ème semestre de l'année universitaire 2017/2018, enfin d'une dégradation de ses conditions de travail qui a détérioré sa santé.
6. Toutefois, ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt n°19BX02969 du 17 juin 2021 statuant sur la légalité des refus d'accorder au requérant la protection fonctionnelle et sur celle de l'arrêté du 11 décembre 2017 mettant à fin à ses fonctions de direction, les lenteurs de l'administration de l'université, qui n'a émis une lettre de mission pour M. B... A... que le 6 janvier 2017 et a mis près de onze mois à payer les intervenants du centre d'études universitaires de Madrid et à leur fournir une copie de leurs engagements écrits, ne peuvent être regardées comme visant personnellement le requérant. En outre, il résulte de l'instruction qu'à compter du mois de septembre 2017, les enseignants du centre d'études universitaires de Madrid ont refusé de dispenser leurs cours, en soutien à M. B... A... à la suite de la tenue d'un conseil d'administration de l'université le 12 juillet 2017 au cours duquel des critiques sur sa gestion avaient été émises et une période de transition pour le centre d'études envisagée. Ainsi, les étudiants de ce centre ne se sont plus vu délivrer d'enseignements à compter de la rentrée universitaire, ce qui les a d'ailleurs conduits à exprimer, par de nombreux courriers, leurs inquiétudes concernant leur scolarité. Ces dysfonctionnements ont donné lieu à plusieurs initiatives de l'université afin d'assurer la reprise des cours, telles que la visite d'une délégation les 28 et 29 septembre 2017, il est vrai en l'absence de M. B... A..., ou encore des tentatives de règlement amiable à l'issue desquelles il a été proposé à l'intéressé de conserver son poste de chargé de mission pour la mise en œuvre de la convention entre l'université Toulouse II Jean Jaurès et l'Institut français de Madrid, sans toutefois lui confier la responsabilité de la coordination des activités pédagogiques liées aux formations diplômantes. M. B... A... ayant refusé cette proposition, il a été averti qu'il était envisagé de mettre fin à sa mission au centre d'études universitaires de Madrid, alors que les étudiants du centre avaient demandé de poursuivre leurs études en France au regard du blocage persistant. A cet égard, le communiqué du président de l'université du 26 novembre 2017, contesté par le requérant et qui indique que " [le chargé de mission actuel] n'a pas assuré l'organisation pédagogique de la rentrée ", avait pour vocation d'expliquer le contexte de la rentrée universitaire 2017-2018 au centre d'études universitaires de Madrid, où les cours n'étaient pas dispensés. Ce communiqué, quand bien même il comporterait une erreur de fait, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il en est de même du motif, à le supposer même infondé, opposé dans l'arrêté du 11 décembre 2017 selon lequel le directeur n'aurait pas procédé au recrutement d'intervenants pour la rentrée universitaire. Dans ces conditions, la dégradation des conditions de travail de M. B... A... et la situation d'isolement qu'il dénonce ne peuvent être regardées comme résultant d'une stratégie ou d'une volonté de l'université ou de son président de le " placardiser " et de l'exclure et, contrairement à ce que l'intéressé soutient, l'université n'a pas davantage organisé la désertion du centre universitaire par les étudiants, alors qu'il n'est pas contesté qu'aucun cours ne leur était dispensé sur place, nuisant ainsi à leur scolarité.
7. Par ailleurs, la circonstance que la directrice du département langues étrangères appliquées ait adressé un courriel directement à certains enseignants du centre d'études universitaires pour disposer de l'ensemble des adresses électroniques des intervenants, n'établit pas l'intention de l'université de remettre en cause les compétences de M. B... A... ou de l'attaquer personnellement. L'existence de telles attaques à son encontre ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction alors que ses qualités professionnelles ont été reconnues par la présidence de l'université. Ni la remise par le président d'un rapport confidentiel aux membres du conseil d'administration, ni son refus de lire en séance dudit conseil le 12 juillet 2017 une lettre explicative de l'intéressé ne permettent, en eux-mêmes, de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Quant à la privation du service d'enseignement du 2ème semestre de l'année universitaire 2017/2018 à Madrid dont se plaint M. B... A..., elle est seulement la conséquence directe de ce que les enseignements n'étaient plus dispensés au centre d'études jusqu'au terme de l'année universitaire. Dans ces conditions, l'état de santé du requérant ne peut être regardé comme résultant des agissements de l'université ou de son président.
8. Ainsi, les faits relevés par M. B... A..., même pris dans leur ensemble et malgré les lenteurs de l'université, ne peuvent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à solliciter une indemnité au titre d'un harcèlement et d'une " placardisation " dont il serait victime.
9. Enfin si, dans sa requête d'appel, M. B... A... fonde également sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral, sur l'existence de comportements fautifs et de décisions illégales qui lui ont été successivement infligées, sans d'ailleurs assortir ce moyen de davantage de précisions, la cour administrative d'appel de Bordeaux, par l'arrêt précité du 17 juin 2021, a confirmé le jugement n°1800340 du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 mai 2019 rejetant les demandes du requérant tendant à l'annulation des décisions du président de l'université portant refus de protection fonctionnelle et de l'arrêté du 11 décembre 2017 mettant à fin à ses fonctions de direction.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'université Toulouse II Jean Jaurès, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... A... une somme au titre des frais exposés par l'université Toulouse II Jean Jaurès et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Toulouse II Jean Jaurès au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et à l'université Toulouse II Jean Jaurès.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21TL23396