La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2023 | FRANCE | N°21NC01124

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 28 novembre 2023, 21NC01124


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le préfet de la région Grand Est a autorisé

M. D... A... à exploiter une surface de 28 ares 18 centiares sur les trois parcelles BC 494,

BC 497 et BC 498 situées sur la commune de Damery.



Par un jugement n° 1900263 du 25 février 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demand

e et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le préfet de la région Grand Est a autorisé

M. D... A... à exploiter une surface de 28 ares 18 centiares sur les trois parcelles BC 494,

BC 497 et BC 498 situées sur la commune de Damery.

Par un jugement n° 1900263 du 25 février 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 avril, 21 septembre 2021 et

18 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Moittié de la Selarl Duterme-Moittié-Rolland, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du

25 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le préfet de la région Grand Est a autorisé M. D... A... à exploiter une surface de 28 ares 18 centiares sur les trois parcelles

BC 494, BC 497 et BC 498 situées sur la commune de Damery ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. A... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet a fait une inexacte application des critères de priorisation complémentaires prévus par les dispositions du IV de l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne en ne lui allouant pas les 20 points prévus au titre du critère n° 4 du tableau VI des critères de priorisation complémentaires et leur pondération ;

- le préfet a fait une inexacte application des critères de priorisation complémentaires prévus par les dispositions du IV de l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne en attribuant 20 points à M. A... au titre du critère n° 4 du tableau VI ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait relative au lieu du siège de l'exploitation de M. A... ; par conséquent, le préfet a fait une inexacte application des critères de priorisation complémentaires prévus par les dispositions du IV de l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne en attribuant 20 points à M. A... au titre du critère n° 5 du tableau VI.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 août et 29 septembre 2021,

M. A..., représenté par Me Barthe, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 22 décembre 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... était locataire, au titre d'un bail rural conclu le 24 mai 1996, des parcelles cadastrées section BC nos 494 et 497 et section BC n° 498 pour une superficie totale de 28 ares et 18 centiares situées sur le territoire de la commune de Damery. Le 16 octobre 2017, Mme F... B..., propriétaire de ces parcelles, a donné congé à M. B... pour le 31 octobre 2019. Par une demande adressée le 18 juillet 2018, M. A... a sollicité l'autorisation d'exploiter ces parcelles. Par une décision du 4 décembre 2018, le préfet de la région Grand Est a autorisé M. A... à exploiter cette surface. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 4 décembre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les conditions de mise en œuvre du chapitre Ier du titre III du présent livre. (...) III.-Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. Les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation sont l'installation d'agriculteurs, l'agrandissement ou la réunion d'exploitations agricoles et le maintien ou la consolidation d'exploitations agricoles existantes. (...) IV.-Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les critères servant à l'appréciation de la dimension économique et de la viabilité des exploitations concernées par la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2. Il précise les critères au regard desquels une opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations excessifs de nature à diminuer la diversité des productions et le nombre d'emplois des exploitations concernées pour l'application de l'article L. 331-1 et du 3° de l'article L. 331-3-1. V. - Pour l'application du présent article, sont considérées comme concernées par la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 les exploitations agricoles du demandeur, des autres candidats à la reprise et celle du preneur en place (...) ". Selon l'article L. 331-2 du même code : " I.-Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ".

3. Aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Champagne-Ardenne : " I. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) établit, pour répondre aux objectifs du contrôle des structures et aux orientations de la politique régionale d'adaptation des structures d'exploitations agricoles, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis dans le présent arrêté. (...) ". Selon l'article 5 de ce SDREA : " (...) En cas de pluralité de candidatures ayant le même rang de priorité au regard des dispositions prévues à l'article 3 du présent arrêté, l'autorité administrative délivre plusieurs autorisations, sauf si, pour le rang de priorité en question, la prise en compte des critères de priorisation complémentaires et leur pondération définis dans le présent article permet de départager les candidatures concurrentes en fonction de l'intérêt de chacune des opérations envisagées. (...) b) Pour les demandes portant sur des terres agricoles destinées à la production des appellations d'origine contrôlées (AOC) Champagne, Coteaux champenois ou Rosé des Riceys, les critères de priorisation complémentaires et leur pondération sont indiquées dans le tableau VI ci-dessous. L'autorisation est accordée au(x) demandeur(s) ayant obtenu le meilleur total des points. Une autorisation est également délivrée au(x) demandeur(s) ayant obtenu : - soit un total de points au moins égal au meilleur total diminué de trente points ; - soit un total d'au moins soixante-dix points. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Il peut être conduit à délivrer plusieurs autorisations lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur. La circonstance qu'une autorisation ait déjà été délivrée pour l'exploitation de certaines terres ne fait pas obstacle à la délivrance d'une autorisation portant sur les mêmes terres à un agriculteur relevant d'un rang de priorité au moins égal à celui dont relève le titulaire de la première autorisation. Lorsque plusieurs personnes sont autorisées à exploiter les mêmes terres, la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles est sans influence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail. Cependant, lorsque le schéma directeur prévoit des critères de départage des demandes relevant d'un même rang de priorité, il incombe au préfet de mettre en œuvre les critères de départage ainsi prévus.

5. En premier lieu, aux termes du critère n° 4 figurant dans le tableau VI " Critères de priorisation complémentaires et leur pondération " prévu par l'article 5 du SDREA de Champagne-Ardenne : " Le demandeur justifie que son exploitation est engagée, ou s'engage en cas d'installation, dans une démarche de viticulture durable ou d'agriculture biologique ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 juillet 2018, M. A... a déposé sa demande d'autorisation pour les terres en litige. Le 1er novembre 2018, soit antérieurement à la décision contestée mais postérieurement à sa demande, M. A..., commençait à exercer une activité professionnelle de la culture de la vigne, correspondant, selon le relevé MSA d'exploitation, aux parcelles cadastrées section AW nos 0122, 0123, 0127 et 0128. Au regard du caractère extrêmement récent, à la date de la décision contestée, de l'installation de M. A..., ce dernier devait être regardé comme démarrant son exploitation. Par suite la production d'une attestation du mois d'août 2018 par laquelle M. A... a déclaré s'engager à pratiquer une viticulture durable sur sa future exploitation répondait aux exigences du critère n° 4 figurant dans le tableau VI " Critères de priorisation complémentaires et leur pondération " prévu par l'article 5 du SDREA ouvrant à l'intéressé le bénéfice de 20 points. Le moyen tiré de l'inexacte application du critère n° 4 doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes du critère n° 5 de ce même tableau : " Le demandeur justifie que le bien objet de la demande est situé à une distance de moins de 15 km du siège de son exploitation ".

8. Selon la décision contestée, le préfet de la région Grand Est a indiqué que le siège social de M. A... se situait 19 rue Jean Igny dans la commune de Chatillon-sur-Marne. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et plus particulièrement de l'extrait du répertoire SIRENE de septembre 2018 et mai 2019, dont aucun élément ne permet de remettre en cause la véracité, que le siège de l'exploitation de M. A... se situe sur le territoire de la commune de Damery au lieu-dit " Les Pissottes ". Toutefois, une telle erreur de fait commise par le préfet sur la localisation du siège de l'exploitation reste sans incidence sur l'attribution de 20 points prévue par le critère n° 5 dans la mesure où tant l'adresse de Chatillon-sur-Marne que celle de Damery se situent à une distance inférieure à 15 kilomètres des parcelles en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du critère n° 5 doit être écarté.

9. En dernier lieu, pour les motifs exposés précédemment, M. B... n'établit pas que

M. A... aurait obtenu un total de points inférieur à 70 points. Par suite, la circonstance que le préfet de la région Grand Est aurait fait une inexacte application du critère n° 4 en n'attribuant pas à

M. B... un total de 20 points supplémentaires, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'en vertu des dispositions du SDREA de Champagne-Ardenne une autorisation d'exploitation est délivrée aux demandeurs qui ont obtenu au moins 70 points.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. D... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC01124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01124
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LEMONNIER - BARTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21nc01124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award