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28/11/2023 | FRANCE | N°21BX01621

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 21BX01621


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune d'Aragnouet a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Pyrénées le 7 septembre 2017 pour un montant de 4 250 euros, le 4 décembre 2018 pour un montant de 5 250 euros, le 31 décembre 2019 pour un montant de

7 750 euros, le 5 mars 2020 pour un montant de 1 500 euros, le 25 mai 2020 pour un montant de 1 250 euros, et le 26 juin 2020 pou

r un montant de 2 750 euros.



Par un jugement n°1900587-2001377 du 16 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Aragnouet a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Pyrénées le 7 septembre 2017 pour un montant de 4 250 euros, le 4 décembre 2018 pour un montant de 5 250 euros, le 31 décembre 2019 pour un montant de

7 750 euros, le 5 mars 2020 pour un montant de 1 500 euros, le 25 mai 2020 pour un montant de 1 250 euros, et le 26 juin 2020 pour un montant de 2 750 euros.

Par un jugement n°1900587-2001377 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé ces titres exécutoires, à l'exception de celui émis le 7 septembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril 2021 et 6 octobre 2021, le SDIS des Hautes-Pyrénées, représenté par Me Le Corno, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 février 2021 en tant qu'il a annulé les titres exécutoires émis le 4 décembre 2018, le 31 décembre 2019, le 5 mars 2020 et le 26 juin 2020 ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par la commune d'Aragnouet devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aragnouet la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en vertu du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la commune a l'obligation de prendre en charge, au titre de sa mission de secours lors d'accidents survenus sur son territoire, les frais du transport " primaire " tel que défini par la circulaire du 27 juin 2013 ; or, le transport primaire couvre le transport jusqu'à l'établissement en mesure de prodiguer des soins appropriés au patient ;

- le transport du blessé de ski vers une structure hospitalière adaptée à l'état de santé du blessé constitue le prolongement des missions de secours qui incombent à la commune, cette dernière ayant la possibilité de solliciter auprès du skieur accidenté le remboursement des frais occasionnés en application des articles R. 2321-6, L. 2321-2 7° et L. 2331-4 15° du code général des collectivités territoriales ; la circonstance que la commune d'Aragnouet n'ait pas adopté de délibération lui permettant de réclamer ce remboursement ne la soustrait pas à son obligation de prendre en charge les transports en cause ;

- la circonstance que les transports litigieux ont été sollicités par le service de régulation médicale est sans incidence sur le caractère " primaire " de ces transports, qui étaient destinés à acheminer les patients jusqu'à l'établissement de santé en mesure de leur prodiguer des soins adaptés à leur état ;

- le transport des blessés de ski n'entre pas dans le champ des missions du SDIS définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales ; il ne s'agit en effet pas d'interventions destinées à secourir en urgence des personnes en situation de détresse vitale, le SDIS étant, dans la très grande majorité des cas, sollicité pour transporter des blessés légers en raison d'une carence ambulancière.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 juin 2021 et 2 mars 2023, la commune d'Aragnouet, représentée par la SCP Caillé Bernes-Cabanne, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du SDIS des Hautes-Pyrénées de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le SDIS des Hautes-Pyrénées ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Messonnier, représentant le SDIS des Hautes-Pyrénées.

Considérant ce qui suit :

1. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Pyrénées a émis à l'encontre de la commune d'Aragnouet, les 7 septembre 2017, 4 décembre 2018, 31 décembre 2019, 5 mars 2020, 25 mai 2020 et 26 juin 2020, des titres exécutoires de montants respectifs de 4 250 euros, 5 250 euros, 7 750 euros, 1 500 euros, 1 250 euros et 2 750 euros, correspondant à des interventions de transport de skieurs blessés depuis le cabinet médical libéral situé au pied des pistes de la station de Piau-Engaly vers un établissement hospitalier. La commune d'Aragnouet a saisi le tribunal administratif de Pau de demandes tendant à l'annulation de ces titres exécutoires. Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande d'annulation dirigée contre le titre exécutoire du 7 septembre 2017 et annulé les autres titres exécutoires attaqués. Le SDIS des Hautes-Pyrénées relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les titres exécutoires émis les 4 décembre 2018, 31 décembre 2019, 5 mars 2020, 25 mai 2020 et 26 juin 2020.

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". Aux termes de l'article L. 2321-2 du même code, relatif aux dépenses communales : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : (...) 7° Les dépenses de personnel et de matériel relatives au service d'incendie et de secours ". Aux termes de l'article L. 2331-4 du même code, relatif aux recettes communales : " Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement peuvent comprendre : (...) 15° Le remboursement des frais engagés à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisirs. Cette participation, que les communes peuvent exiger sans préjudice des dispositions applicables aux activités réglementées, aux intéressés ou à leurs ayants droit, peut porter sur tout ou partie des dépenses et s'effectue dans les conditions déterminées par les communes /Les communes sont tenues d'informer le public des conditions d'application du premier alinéa du présent 15° sur leur territoire, par un affichage approprié en mairie et, le cas échéant, dans tous les lieux où sont apposées les consignes relatives à la sécurité ". Aux termes de l'article R. 2321-6 de ce code : " Peuvent faire l'objet du remboursement des frais de secours prévu au 7° de l'article L. 2321-2, les activités sportives ci-après : 1° Ski alpin ; 2° Ski de fond ". Il résulte des dispositions du 7° de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, telles que modifiées par l'article 54 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, que toute activité sportive ou de loisir, et non plus seulement les activités sportives de ski alpin et de ski de fond mentionnées à l'article R. 2321-6 du même code, peut donner lieu au remboursement par la victime des dépenses engendrées par les opérations de secours.

3. Aux termes de l'article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales : " Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé " service départemental d'incendie et de secours ", qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers, composé dans les conditions prévues à l'article L. 1424-5 (...) ". Aux termes de. L. 1424-1-1 de ce code : " Lorsqu'elles ne font pas partie d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'incendie et de secours, les communes participent à l'exercice de la compétence en matière d'incendie et de secours par le biais de la contribution au financement des services départementaux d'incendie et de secours. " Aux termes de l'article L. 1424-4 de ce code : " Dans l'exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d'incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d'administration du service d'incendie et de secours ".

4. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". Et aux termes de l'article L. 1424-42 du même code, alors en vigueur : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration./ Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental ou territorial d'incendie et de secours, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement. (...) Dans le cadre de ses compétences, la commune pourvoit aux dépenses relatives aux besoins immédiats des populations ".

6. Il résulte de l'instruction que lorsqu'une personne est victime d'un accident sur le domaine skiable de la station de Piau-Engaly, située sur le territoire de la commune d'Aragnouet, le service de sécurité des pistes assure les premiers secours et le transport du blessé jusqu'à un cabinet médical libéral situé au pied des pistes. Les blessés peuvent ensuite, si leur état le nécessite, être transportés du cabinet médical vers une structure hospitalière adaptée, sur demande du service d'aide médicale urgente (SAMU), par le SDIS des Hautes-Pyrénées. Les titres exécutoires en litige ont pour objet la facturation, à la commune d'Aragnouet, des transports sanitaires ainsi réalisés par le SDIS.

7. D'une part, la commune d'Aragnouet, lorsqu'elle prend en charge les skieurs victimes d'accidents sur son domaine, assume la mission de police d'assistance et de secours lui incombant au titre de l'article L. 2122-2 précité du code général des collectivités territoriales, mission au titre de laquelle le SDIS a vocation à intervenir, notamment pour assurer l'évacuation des blessés, en vertu de l'article L. 1424-4 du même code. Le transport sanitaire des blessés ne relevant pas des dépenses auxquelles la commune pourvoit en application des dispositions également précitées de l'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, le SDIS des Hautes-Pyrénées n'était pas fondé à facturer les interventions litigieuses à la commune d'Aragnouet. La circonstance que cette dernière soit habilitée, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, à solliciter le remboursement des frais engagés à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique de l'activité sportive que constitue le ski alpin, est sans incidence sur la délimitation des dépenses de secours à sa charge, alors au demeurant qu'en application des articles L. 1424-1-1 et L. 2321-2 du même code les communes pourvoient, au titre de leurs dépenses obligatoires, aux dépenses de personnel et de matériel des SDIS.

8. D'autre part, le SDIS des Hautes-Pyrénées fait valoir que si les transports litigieux lui ont été confiés par le SAMU, c'est en raison de carences ambulancières. Toutefois, à la supposer établie, cette circonstance lui ouvre la possibilité d'obtenir une prise en charge financière, non pas par la commune sur le territoire de laquelle s'est produit l'accident, mais par l'établissement de santé siège du SAMU ayant sollicité son intervention, ainsi que le prévoient les dispositions précitées du 3ème alinéa de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales.

9. Enfin, le SDIS des Hautes-Pyrénées ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre des affaires sociales et de la santé du 27 juin 2013, dépourvue de valeur réglementaire.

10. Il résulte de ce qui précède que le SDIS des Hautes-Pyrénées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé les titres exécutoires émis à l'encontre de la commune de d'Aragnouet les 4 décembre 2018, 31 décembre 2019, 5 mars 2020, 25 mai 2020 et 26 juin 2020.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratrice font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune d'Aragnouet, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais d'instance exposés par le SDIS des Hautes-Pyrénées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aragnouet et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du SDIS des Hautes-Pyrénées est rejetée.

Article 2 : Le SDIS des Hautes-Pyrénées versera à la commune d'Aragnouet la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours des Hautes-Pyrénées et à la commune d'Aragnouet.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

B... A...

Le président,

Laurent Pouget

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01621
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LE CORNO CABINET JURIPUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21bx01621 ?
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