La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2023 | FRANCE | N°22MA02516

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 novembre 2023, 22MA02516


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2203674 du 8 septembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2022, et un mémoire enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2203674 du 8 septembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2022, et un mémoire enregistré le 8 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Traversini au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le " refus de séjour " méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son fils a la nationalité française ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de cette requête.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 16 juin 1994, et entrée en France en 2016 selon ses déclarations, a demandé à être admise au séjour au titre de l'asile. Par arrêté du 7 juillet 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer à Mme A... une attestation de demande d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par le jugement attaqué, dont Mme A... relève appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité du " refus de séjour " :

2. Aux termes de l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) / c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen (...) ". Aux termes de l'article R. 521-10 du même code : " Lorsque l'étranger se trouve dans le cas prévu aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2, le préfet peut prendre à son encontre une décision de refus de délivrance de l'attestation de demande d'asile. ".

3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que celui-ci ne rejette aucune demande de titre de séjour présentée par Mme A..., mais se borne à refuser à cette dernière, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 521-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'attestation de demande d'asile prévue par l'article L. 521-7 du même code. Mme A... ne peut donc utilement soulever, à l'encontre de cette décision, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 423-7, L. 423-23 et L. 435-1 de ce code.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement faire obligation de quitter le territoire français à un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une telle mesure d'éloignement. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Aux termes de l'article 316 du même code : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre [relatif à la désignation de la mère et à la présomption de paternité], elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance (...) ".

5. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

6. Il ressort de l'acte de naissance E..., Doryan, Daniel B..., né le 19 mars 2019 de Mme A..., que ce dernier a été reconnu à sa naissance par M. G... B..., ressortissant de nationalité française. Toutefois, Mme A... déclare elle-même être convaincue que ce dernier n'est pas le père biologique de son enfant, et a engagé une action judiciaire en reconnaissance de paternité au profit de M. C... F..., dont elle affirme qu'il est le père biologique de l'enfant. Ces indications suffisent à établir que la reconnaissance de l'enfant par M. B... a pu être considérée par le préfet comme frauduleuse. Mme A... ne peut donc se prévaloir de la qualité de parent d'enfant français.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si Mme A... soutient que le père de l'enfant est M. C... F..., qui réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident, elle n'établit ni l'ancienneté ni le sérieux de sa relation avec ce dernier. En outre, si elle soutient que M. F... " rend régulièrement visite à son fils et participe financièrement à son entretien et à son éducation ", elle ne prouve pas l'intensité des liens entre eux. Dès lors, elle n'établit pas non plus qu'un refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Elle n'est par suite fondée ni à soutenir qu'elle pouvait bénéficier du titre de plein droit prévu par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

9. En troisième lieu, la circonstance que Mme A... a engagé une action judiciaire aux fins d'établir la paternité de ce dernier sur son fils n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2022. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à Me Traversini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 novembre 2023.

N° 22MA02516 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02516
Date de la décision : 27/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-27;22ma02516 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award