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24/11/2023 | FRANCE | N°23PA00834

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 24 novembre 2023, 23PA00834


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2212164/2-3 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :
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Par une requête et des pièces, enregistrées le 24 février 2023 et le 30 mars 2023,

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2212164/2-3 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 24 février 2023 et le 30 mars 2023,

Mme A... épouse D..., représentée par Me Rosin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre des frais de la première instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre de la présente instance.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce que le préfet a retenu qu'elle ne justifiait pas d'une vie commune ancienne et établie avec son époux ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'ensemble de sa famille nucléaire réside en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme A... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du

23 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., épouse D..., ressortissante algérienne née le 5 mars 1961 et entrée en France le 24 juillet 2017, fait appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2022 refusant de lui délivrer un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus / (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité à Mme A... épouse D..., le préfet de police s'est notamment fondé sur la circonstance que, d'une part, si l'intéressée était mariée à M. C... D..., de nationalité algérienne, titulaire d'un titre de séjour, et que cet élément constituait l'un des éléments d'appréciation des liens personnels au sens de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien modifié, il n'emportait pas, à lui seul, la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et que, d'autre part, la requérante ne pouvait justifier ni d'une ancienneté de résidence sur le territoire français ni d'une vie commune ancienne et établie avec son époux. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, Mme A... épouse D... est entrée en France en juillet 2017 avec son mari atteint d'une pathologie oncologique engageant son pronostic vital et que, d'autre part, M. D... a bénéficié d'un titre de séjour pour motif médical à compter du 30 août 2018, régulièrement renouvelé, en dernier lieu jusqu'au 9 février 2024. En outre, de nombreux certificats médicaux d'oncologues ayant suivi M. D..., entre

septembre 2017 et janvier 2021, ont fait état de ce que son état de santé nécessitait l'accompagnement et la présence de son épouse à ses côtés. De plus, des attestations de la sœur et du frère de la requérante, en dates respectives des 10 mars 2021 et 13 mars 2021, attestent de l'investissement particulièrement intense de Mme A... épouse D... auprès de son mari, s'agissant notamment du suivi quotidien de ses soins, de la tenue de son planning de rendez-vous médicaux, de l'accompagnement de son mari à ces derniers ainsi que d'une assistance générale pour tous les besoins de la vie quotidienne, notamment la prise de médicaments, la maladie de M. D... le rendant inapte à gérer par lui-même ces différents besoins. Il résulte enfin des pièces du dossier que les trois fils de la requérante résident en France dont le second, sévèrement handicapé de naissance et bénéficiant d'un taux d'incapacité reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées supérieur ou égal à 80%, est placé en établissement d'accueil non médicalisé. Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que Mme A... épouse D... doit être regardée comme ayant établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France à la date de la décision attaquée. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu tant les stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette illégalité entraîne, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que le titre de séjour sollicité soit délivré à la requérante sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, sous ces mêmes réserves, un certificat de résidence algérien d'un an dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. D'une part, Mme A... épouse D... n'est pas fondée à demander que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre de la première instance.

7. D'autre part, s'agissant de la présente instance d'appel, Mme A... épouse D..., a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rosin, avocat de Mme A... épouse D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rosin d'une

somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2212164/2-3 du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 18 janvier 2022 du préfet de police est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... épouse D... un certificat de résidence algérien d'un an, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera 1 000 euros à Me Rosin, conseil de Mme A... épouse D..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse D..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

O. BADOUX-GRARELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00834 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00834
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : ROSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;23pa00834 ?
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