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24/11/2023 | FRANCE | N°23MA00264

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 23MA00264


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.



Par une ordonnance n° 2209704 du 12 janvier 2023, la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Cu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par une ordonnance n° 2209704 du 12 janvier 2023, la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Cuzin-Tourham, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 31 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-de-Haute-Provence de lui délivrer une carte de séjour mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer son dossier et de lui délivrer dans l'attente un récépissé valable pour une durée de six mois lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de son renoncement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- c'est à tort que sa demande de première instance a été rejetée comme irrecevable pour tardiveté dès lors que sa demande d'aide juridictionnelle a été présentée le 17 octobre 2022 et non le 17 novembre 2022 ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'incompétence de son signataire qui est le secrétaire général de préfecture et non le préfet ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande en ne mentionnant pas qu'il était entré sur le territoire à l'âge de douze ans en 2016, qu'il avait suivi une scolarité ininterrompue depuis cette date et qu'il réside chez son frère ; en outre, le préfet a examiné sa vie privée et familiale alors qu'il avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour " étudiant " ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions de l'obtention du titre de séjour posées par l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la carence fautive du préfet qui ne lui a pas délivré de récépissé lors de sa demande est à l'origine du refus d'inscription du requérant en établissement d'enseignement supérieur, de sorte que le préfet ne pouvait lui opposer le défaut de justificatif d'inscription pour refuser sa demande ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale car dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale car il a droit au séjour en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2023, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

La présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fedi.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, relève appel de l'ordonnance du 12 janvier 2023 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 31 août 2022 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ". Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (... ), l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : 1° De la notification de la décision d'admission provisoire ; /2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; /3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; /4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré " et, en vertu du premier alinéa de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

4. Pour rejeter la demande de M. A... comme tardive, la présidente du tribunal administratif de Marseille a considéré que sa demande d'aide juridictionnelle n'avait été présentée que le 17 novembre 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours de trente jours dont il disposait à l'encontre de l'arrêté préfectoral qui lui avait été notifié le 19 septembre 2022.

5. Cependant, il ressort des pièces du dossier, et notamment du cachet apposé par le service d'aide juridictionnelle du tribunal administratif sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... par l'intermédiaire de son conseil et de la décision octroyant l'aide juridictionnelle du 10 novembre 2022, que la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été enregistrée le 17 octobre 2022 ainsi qu'il le soutient. Il ressort en outre des pièces du dossier, et notamment du relevé de suivi du courrier de notification de l'arrêté préfectoral en litige produit par le préfet devant la cour, que cet arrêté, qui a été pris sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été notifié au requérant le 19 septembre 2022 avec la mention des voies et délais de recours. Dès lors, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été introduite dans le délai de recours de trente jours qui lui était imparti en application des dispositions précitées de l'article R. 776-2 du code de justice administrative pour contester l'arrêté du préfet, et a eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Si le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 10 novembre 2022, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la date à laquelle a été notifiée cette décision. En tout état de cause, la demande de M. A... enregistrée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2022 par l'application Télérecours ne saurait être regardée comme tardive. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille ne pouvait être rejetée comme irrecevable pour tardiveté. Par suite, l'ordonnance du 12 janvier 2023 de la présidente du tribunal administratif de Marseille doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. A....

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui se borne à annuler l'ordonnance attaquée et à renvoyer M. A... devant le tribunal administratif, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. A... aux fins d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 12 janvier 2023 de la présidente du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : M. A... est renvoyé devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Cuzin-Tourham et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

N° 23MA002642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00264
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CUZIN-TOURHAM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;23ma00264 ?
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