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24/11/2023 | FRANCE | N°21MA00973

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 21MA00973


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'ordonner, avant dire droit, une expertise complémentaire portant sur les conditions de l'accouchement de Mme C... dans la nuit du 26 au 27 février 2008 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice, afin notamment de déterminer si les complications de cet accouchement relèvent d'un accident médical non fautif dont la réparation incomberait alors à l'office national d'indemnisation des accidents

médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et de s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'ordonner, avant dire droit, une expertise complémentaire portant sur les conditions de l'accouchement de Mme C... dans la nuit du 26 au 27 février 2008 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice, afin notamment de déterminer si les complications de cet accouchement relèvent d'un accident médical non fautif dont la réparation incomberait alors à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et de surseoir à statuer sur l'indemnisation des préjudices subis des suites de l'accouchement de Mme C... dans la nuit du 26 au 27 février 2008 ainsi que sur la charge des dépens de l'instance.

Par un jugement n° 1800792 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes et mis les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mars 2021, le 8 octobre 2021 et le 16 mai 2022, Mme D... C... et M. B... C..., en qualité de représentants légaux de leurs filles F... et A... C..., et en leurs noms propres, représentés par Me Chalus-Penochet, demandent à la cour :

1°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à payer à :

- Mme F... C... la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Mme D... C... et M. B... C..., chacun, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Mme A... C... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'office national des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 15 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice de F... C... ;

3°) d'ordonner une expertise et désigner un expert spécialisé en gynécologie obstétrique afin, à titre principal, d'évaluer les préjudices de l'enfant et des parents, et, à titre subsidiaire, d'éclairer la cour sur le respect des règles de l'art et délivrer tous éléments statistiques lui permettant de statuer sur le critère d'anormalité de la paralysie du plexus brachial à l'occasion de la dystocie des épaules, et dans, le respect du principe du contradictoire, de décrire les circonstances de survenue du dommage, de faire une analyse médico-légale, de déterminer la cause et l'évaluation du dommage, le déficit fonctionnel temporaire, total ou partiel, de préciser l'arrêt temporaire des activités professionnelles, le dommage esthétique temporaire, les aides qui ont permis de pallier les gênes dans la réalisation des activités habituelles, les soins médicaux avant consolidation, de fixer la date de consolidation, de déterminer le déficit fonctionnel permanent, la répercussion des séquelles sur l'activité professionnelle (perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle), les souffrances endurées, le dommage esthétique permanent, les répercussions sur la vie sexuelle, les répercussions sur les activités d'agréent, les soins médicaux après consolidation (dépenses futures de santé), en cas de perte d'autonomie l'aide à la personne et l'aide matérielle, les frais de logement et de véhicule adapté, le préjudice d'établissement, les préjudices permanents exceptionnels ;

4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Nice, de la SHAM et de l'ONIAM la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- les conclusions en appel dirigées contre le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) sont recevables ;

- la responsabilité du CHU de Nice et de la SHAM doit être engagée pour défaut d'information sur les risques inhérents à un accouchement par voie naturelle ;

- le jugement attaqué porte une appréciation erronée sur la question de l'anormalité du préjudice de l'enfant ;

- une nouvelle expertise est nécessaire pour évaluer le taux de paralysie permanente résultant d'une élongation du plexus brachial ;

- elle l'est également dans la mesure où l'ONIAM n'a participé à aucune opération d'expertise.

Par un mémoire, enregistré le 24 mars 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, agissant au nom et pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, n'entend pas faire valoir de créance dans la présente instance.

Par des mémoires, enregistrés le 11 mai 2021 et les 13 et 19 mai 2022, l'office national des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infection nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL de la Grange et Fitoussi avocats, agissant par Me de la Grange, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par les requérants sont infondés et ne permettent pas d'engager sa responsabilité au titre de la solidarité nationale ;

- les mesures d'expertise sollicitées par les requérants sont dépourvues de tout caractère d'utilité.

Par un mémoire, enregistré le 23 août 2021, le centre hospitalier universitaire de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- les conclusions tendant à mettre en jeu leur responsabilité sont irrecevables car présentées pour la première fois en appel ;

- subsidiairement, aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé et ne permet d'engager leur responsabilité pour défaut d'information ou pour faute.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., née le 7 décembre 1978, a accouché dans la nuit du 26 au 27 février 2008 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice. Cet accouchement a nécessité des manœuvres obstétricales en raison d'une dystocie des épaules de l'enfant, qui a subi des séquelles caractérisées par une paralysie de son plexus brachial droit. Le tribunal administratif de Nice a ordonné une expertise et a désigné comme expert le docteur E..., lequel a déposé son rapport le 26 avril 2011. Faisant droit à la demande des consorts C..., le tribunal de grande instance de Nice a également diligenté une expertise et désigné le docteur G... à cette fin, dont le pré-rapport en date du 23 janvier 2014 est versé au dossier dans la présente instance. Par leur requête, les consorts C... relèvent appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à ce que soit ordonnée avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices subis des suites de l'accouchement de Mme C... dans la nuit du 26 au 27 février 2008 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice, une nouvelle expertise, afin notamment, outre d'évaluer les préjudices subis, de déterminer si les complications de cet accouchement relèvent d'un accident médical non fautif dont la réparation incomberait alors à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), ou si ces complications sont imputables à une faute du centre hospitalier universitaire de Nice.

Sur la recevabilité des conclusions en appel dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles :

2. Il résulte de l'instruction qu'en première instance, les consorts C... ne dirigeaient explicitement leurs conclusions indemnitaires que contre l'ONIAM. Ainsi, leurs conclusions tendant à la condamnation du CHU de Nice et de la SHAM, assureur de cet établissement, sont présentées pour la première fois en appel et ne sont, par suite, pas recevables.

Sur la demande de nouvelle expertise :

3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, d'une part, le rapport d'expertise remis par le Professeur E... le 18 avril 2011 a examiné l'ensemble des conditions de la prise en charge de l'accouchement litigieux au sein du centre hospitalier de Nice, et écarté toute faute médicale et défaut d'information, et d'autre part, le rapport établi par le Professeur G... en date du 23 janvier 2014 a indiqué les pourcentages permettant d'apprécier la fréquence des risques d'élongation du plexus brachial liés aux manœuvres obstétricales en cas de dystocie des épaules, comme en l'espèce. Ainsi, il permet d'examiner si une indemnisation au titre de la solidarité nationale serait possible. La circonstance que l'expertise n'ait pas été réalisée au contradictoire de l'ONIAM ne fait pas obstacle à ce que ses conclusions soient invoquées dans une demande adressée à celui-ci, qui n'a d'ailleurs pas sollicité une nouvelle expertise dans le mémoire qu'il a présenté dans la présente instance. Les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale peuvent, en l'état de l'instruction, être appréciées par la cour. Par suite, la demande des requérants, présentée à titre principal, tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise doit, dans les circonstances de l'espèce, être rejetée.

Sur l'engagement de la solidarité nationale :

4. Aux termes du II de l'article L 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Et aux termes de l'article D. 1142-1 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit notamment être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

6. En outre, si l'accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manœuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'expert judiciaire désigné par le tribunal administratif de Nice, le Professeur E..., a conclu que si la prise en charge de la dystocie des épaules a été conforme aux recommandations de la pratique obstétricale, " manœuvre de Mac Roberts, pression sus-pubienne, rotation des épaules pour favoriser l'engagement des épaules ", cependant la traction sur le cou fœtal, fréquente dans ce contexte, est à l'origine des lésions du plexus brachial. Dans les circonstances de l'espèce, et notamment compte tenu des conditions de l'accouchement litigieux, il y a lieu de considérer que la paralysie du plexus brachial de l'enfant des requérants a été causée par les manœuvres obstétricales réalisées lors de l'accouchement et ainsi directement liée à un acte de soin. Toutefois, il résulte également des conclusions de l'expertise diligentée par le juge judiciaire établies par le Professeur G..., qui ne sont pas utilement contredites sur ce point, que, compte tenu du poids de l'enfant lors de l'accouchement, de 4,210 kg, le risque d'élongation du plexus brachial en cas de dystocie des épaules était de 18 %. Pour évaluer le risque de survenance d'une lésion du plexus brachial comme en a été affectée la victime en l'espèce, il n'y a lieu de retenir son taux de risque que dans l'hypothèse de dystocie des épaules, et non en toute hypothèse. Ainsi, la prise en charge de la dystocie des épaules de l'enfant des requérants ne peut être considérée comme ayant eu, pour le patient, des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci. La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'est dès lors pas remplie. Par suite, les conditions d'engagement de la solidarité nationale à raison des dommages consécutifs à l'accouchement litigieux ne sont pas remplies.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Nice, de la SHAM et de l'ONIAM, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme D... C..., au centre hospitalier universitaire de Nice, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

2

N° 21MA0973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00973
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;21ma00973 ?
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