Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de circulation sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2201547 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2023 et le 25 mai 2023, M. B..., représenté par M. C..., demande à la cour :
1°) de prononcer son admission à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 du préfet de la Haute-Garonne ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en fait dès lors qu'elle ne mentionne pas les dates et les lieux des infractions qu'il aurait commises ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement s'agissant de la preuve du caractère réitéré de l'infraction ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en droit ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de circulation sur le territoire français méconnaissent son droit à être entendu en application de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il n'a pas été invité à présenter des observations lors de son audition le 15 mars 2022 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit en ce que les faits qui lui sont imputés ne constituent pas une menace réelle, actuelle et grave à l'intérêt fondamental de la société en application de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la réalité des infractions qu'il aurait commises n'est pas établie ; il a fait l'objet d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'une convocation cinq mois après les faits allégués ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire fait obstacle à sa présentation lors de sa convocation 31 août 2022 alors que sa présence est obligatoire lors d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son arrêté ne prend
pas en compte l'ensemble des critères prévus par le dernier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur de droit tirée de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de circulation sur le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il est père de trois enfants mineurs nés de son concubinage avec une ressortissante roumaine, ils sont scolarisés à Toulouse ;
- les premiers juges n'ont pris en compte le fait que ses enfants sont scolarisés en France pour l'année 2021-2022 ;
- en outre, le préfet n'a pas apprécié sa situation au regard des quatre critères prévus par l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il existe une contradiction des faits qui lui sont imputés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant roumain né le 10 octobre 1993, déclare être entré en France en 2015. Par un arrêté du 15 mars 2022, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. B... n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle depuis l'enregistrement de sa requête. Par suite et l'absence d'urgence, il n'y a pas lieu de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence d'un citoyen de l'Union européenne sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de la situation individuelle de l'intéressé, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal d'audition du 15 mars 2020 établi par les services de police de Toulouse, que M. B... a été interpellé le même jour pour " tentative de vol aggravé " avec sa concubine de déchets, de câbles et d'aluminium dans une déchetterie. Si ces faits sont reconnus et sont susceptibles de recevoir une qualification pénale, ils revêtent un caractère isolé et leur réitération ne ressort d'aucun élément, pas plus que le risque de récidive sur lesquels le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé afin de considérer que le comportement de l'intéressé constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, la seule circonstance qu'il ait été interpellé pour tentative de vol aggravé ne permet pas de caractériser une telle menace, alors que ces faits, à eux seuls, sont isolés. Dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 251-1 précitées. Par suite, cette décision doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant son pays de sa destination et interdisant sa circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 200 euros à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201547 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a interdit sa circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Haïli, président assesseur,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
X. HaïliLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00544