La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2023 | FRANCE | N°23MA00025

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 novembre 2023, 23MA00025


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2204998 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, M. A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2204998 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2204998 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation de séjour lui permettant de travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII est irrégulier, dès lors que le rapport médical était incomplet et erroné ;

- le risque de réactivation des troubles psychiatriques en cas de retour dans le pays d'origine n'a pas été évalué, en méconnaissance de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;

- le préfet a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté d'observations en défense.

Par une décision du 9 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. A... à l'aide juridictionnelle partielle (55%).

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian, a sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 14 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer (...) tout complément d'information (...) ".

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier (...) ". Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article 3 dudit arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... en raison de son état de santé, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 24 janvier 2022, qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort toutefois du certificat médical établi en application de l'arrêté du 27 décembre 2016 par un psychiatre praticien le 17 septembre 2021 produit en première instance par M. A..., qui a levé le secret médical, dans sa partie " discussion diagnostique ", que l'intéressé présente une pathologie que ce médecin a classé dans la rubrique F23.8 de la classification internationale des maladies, relative aux autres troubles psychotiques aigus et transitoires figurant dans la catégorie " Schizophrénie, trouble schizotypique et troubles délirants ". Le même certificat indique, sans se référer à la classification internationale des maladies alors que l'état de stress post-traumatique relève d'une catégorie précise de cette classification, que M. A... souffre également de troubles de stress post-traumatiques. Or, le rapport médical établi le 20 décembre 2021 par le médecin de l'OFII, après convocation de M. A... pour un examen médical réalisé le 17 décembre, ne mentionne qu'une pathologie relevant de la catégorie des autres troubles psychotiques aigus et transitoires, en précisant l'existence d'un facteur de stress aigu associé, sans néanmoins faire état des troubles de stress post-traumatiques dont le requérant est affecté, dont il ne ressort ainsi pas des pièces soumises au contradictoire qu'ils auraient été pris en compte dans l'établissement du rapport médical. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que l'avis du collège de médecins de l'OFII, fondé sur un rapport médical incomplet, est irrégulier et que cette irrégularité, qui a eu une influence sur l'arrêté attaqué, l'a privé d'une garantie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ce jugement du 14 octobre 2022 et l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône doivent dès lors être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Compte tenu du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, seul susceptible de fonder cette annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer, après avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) statuant sur le fondement d'un rapport médical complet, la situation de M. A..., dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 9 décembre 2022. Par suite, son avocat, Me Belotti peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belotti renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2204998 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. A..., dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) statuant sur le fondement d'un rapport médical complet, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Belloti la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Belotti et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

2

N° 23MA00025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00025
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;23ma00025 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award