Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2204130 du 13 septembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Zoccali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 15 avril 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement, qui est insuffisamment motivé, est irrégulier;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreurs de fait substantielles ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-22 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant albanais né le 15 juillet 2001, est entré en France le 20 septembre 2016 alors qu'il était mineur. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 septembre 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des propres termes du jugement déféré que le tribunal a suffisamment répondu à l'ensemble des moyens invoqués. Par suite, le moyen tiré d'une telle absence de motivation du jugement ne peut qu'être écarté.
Sur le fond du litige :
3. M. B... réitère en appel ses moyens tirés de ce que la décision serait entachée d'erreurs de fait. Si le préfet du Rhône a commis une erreur en indiquant qu'il n'est plus pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, elle n'est pas déterminante dans son analyse des conditions prévues à l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de caractère réel et sérieux des études et de la relation de l'intéressé avec son père. De même, si le préfet s'est mépris sur le pays de résidence de ses frères, cette erreur n'a pas de réelle incidence sur l'analyse de sa vie privée et familiale, en l'absence de cohabitation avec ses frères en France et alors que ses parents résident en Albanie. Enfin, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le préfet du Rhône se serait trompé en relevant, dans le cadre de l'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le métier d'employé de restauration polyvalent ne constitue pas un métier en tension dans la région.
4. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ". Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un entier contrôle sur les motifs de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'a relevé le préfet, que si l'intéressé a été admis au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans et a été inscrit dans une formation visant à obtenir un certificat d'aptitude professionnelle mention " cuisine", il n'a cependant pas justifié de sérieux dans le suivi de cette formation, compte tenu notamment de ses nombreuses absences, d'un manque de rigueur et de résultats inférieurs à la moyenne, ni être isolé dans son pays d'origine où résident ses parents, ayant reconnu que son père qui effectue des allers-retours avec la France lui apporte une aide financière. Il apparaît également que, par un avis du 18 juin 2019, la structure l'accueillant a souligné ses problèmes de comportement avec l'encadrement et les autres jeunes malgré des améliorations depuis qu'il est à l'hôtel. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et alors que, au demeurant, l'intéressé n'a pas obtenu son certificat d'aptitude professionnelle, le préfet du Rhône, en prenant le refus de titre de séjour en litige, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. B... se prévaut de ce qu'il fait preuve de garanties d'intégration. Toutefois, il est célibataire et sans enfant, se trouvant sur le territoire français depuis environ cinq ans à la date de l'arrêté contesté, alors qu'il vivait auparavant en Albanie où demeurent ses parents avec lesquels il est toujours en relation. De même, il résulte de ce qui a été indiqué précédemment que l'intéressé, qui n'a pas obtenu son diplôme, ne peut être regardé comme justifiant d'une intégration d'une particulière intensité. Dans ces conditions, aucune atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au titre de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait être retenue.
8. M. B..., célibataire et sans enfant, réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour , de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaitraient son droit à une vie privée et familiale en application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par suite sa requête doit, dans toutes ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre,
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N°23LY00193 2
kc