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23/11/2023 | FRANCE | N°22BX02905

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 23 novembre 2023, 22BX02905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 4 février 2021 par laquelle le conseil municipal du Lamentin a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.



Par un jugement n° 2100502 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2022, Mme

B..., représentée par Me Laplagne, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2022 du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 4 février 2021 par laquelle le conseil municipal du Lamentin a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 2100502 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Laplagne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler la délibération du 4 février 2021 et la décision du maire de la commune du 24 juin 2021 rejetant sa demande de modification du classement de sa parcelle ;

3°) d'enjoindre au conseil municipal et au maire de la commune du Lamentin de procéder au classement de la parcelle X 589 en zone UH5 ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière dès lors que le rapport du commissaire enquêteur ne comporte pas de conclusions motivées permettant de comprendre les raisons de son avis favorable en méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ; son rapport est également insuffisamment motivé s'agissant du diagnostic d'accroissement de la population et de l'absence d'emplacements réservés pour la réalisation d'équipements publics correspondant aux besoins de la population future ;

- le classement en zone agricole d'une partie de sa parcelle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'existence d'un zonage différencié rend impossible à la fois tout projet de construction et l'exploitation des parcelles agricoles ; cette parcelle est située directement le long de la route N1 à proximité et en continuité de parcelles urbanisées et urbanisables ; ce classement est incohérent avec la situation de parcelles construites situées plus au sud à distance de la route ;

- ce classement est incohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables qui visent à éviter le mitage à limiter l'expansion urbaine et à préserver les espaces agricoles et naturels ;

- ce classement constitue une atteinte au principe d'égalité devant la loi dès lors que des parcelles situées au même endroit sont urbanisables ;

- ce classement résulte du conflit qui l'oppose au maire et constitue un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2023, la commune du Lamentin, représentée par Me Destarac, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du 24 juin 2021, nouvelles en appel sont irrecevables ;

- la requête est irrecevable en l'absence de moyen d'appel et de critique du jugement attaqué ;

- la demande de première instance était irrecevable en raison de son caractère imprécis et elle était tardive ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Goinguene, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 4 février 2021, par laquelle le conseil municipal de la commune du Lamentin a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Elle fait appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. /Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

3. En l'espèce, le rapport du commissaire-enquêteur retrace la procédure d'élaboration du projet, comporte une analyse du projet, une synthèse des avis des personnes publiques concernées ainsi que des observations recueillies durant l'enquête et des réponses qui leur ont été apportées par la commune. Dans sa conclusion, après avoir repris les enjeux de la révision du plan local d'urbanisme, le commissaire émet clairement un avis favorable motivé par le fait que cette révision permet de freiner l'étalement urbain et de mieux protéger l'environnement, même s'il estime que ce projet pourrait être encore plus performant. Dans cet esprit, il assortit cet avis de recommandations sur les priorités à mettre en place et l'importance de la communication avec les habitants. Ces éléments, même s'ils s'accompagnent de considérations générales parfois maladroitement exprimées permettent ainsi de connaître les raisons qui ont déterminé le sens de cet avis. Par ailleurs, alors que le rapport comporte un rappel des équipements scolaires existants, des objectifs d'accroissement de la population retenus par le projet et des emplacement réservés, qui concernent pour certains des équipements publics, et que la mise en place d'emplacements réservés n'est qu'une faculté ouvertes aux auteurs du plan local d'urbanisme, la circonstance que le commissaire enquêteur ne se soit pas prononcé sur l'absence d'emplacements réservés destinés à accueillir les équipements publics nécessaires pour accompagner l'accroissement de la population n'est pas de nature à le faire regarder comme ayant méconnu les dispositions de l'article R. 123-19 précitées du code de l'environnement.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants :1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ;b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ;c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;(...) ". L'article L. 151-8 de ce code prévoit que " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Et l'article R. 151-22 précise que : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. "

5. En application de ces dispositions, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme et ils ne sont pas tenus, pour fixer le zonage, de respecter les limites des propriétés. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement a retenu au titre de son orientation n°6, de protéger, valoriser et restaurer la qualité environnementale de la commune en valorisant et confortant les espaces agricoles et en luttant contre l'étalement urbain, par le biais de la concentration de l'urbanisation dans les zones urbaines équipées. Il ressort également des pièces du dossier, que la parcelle cadastrée X 589, précédemment classée en zone agricole, est éloignée du centre-ville du Lamentin et des zones les plus urbanisées de la commune et qu'elle s'ouvre au Nord et à l'Est sur une vaste zone agricole. Alors que cette parcelle est séparée d'une zone plus densément urbanisée située au Sud-Ouest par la route N1, l'existence d'une urbanisation diffuse à l'ouest de cette route et la présence d'un petit îlot bâti classé en secteur UH5 au sud ne sont pas de nature à la faire regarder comme située au sein d'un espace urbanisé. En outre, la carte des grandes orientations d'aménagement du plan d'aménagement et de développement durables, consultable en ligne, classe cette parcelle dans un secteur d'" espace agricoles à conforter " du plan d'aménagement et de développement durables. Dans ces conditions, et sans que puisse être utilement invoqué le classement d'autres parcelles situées à proximité, les moyens tirés de ce que le classement d'une partie de cette parcelle en zone agricole ne respecterait pas les objectifs de maîtrise du mitage, de limitation de l'expansion urbaine et de préservation des espaces naturels et agricoles prévus par le plan d'aménagement et de développement durables et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. D'autre part, alors que les auteurs d'un plan local d'urbanisme ne sont pas tenus de respecter les limites cadastrales, la cartographie du plan local d'urbanisme est suffisamment précise pour mesurer, au sein des parcelles faisant l'objet d'un classement mixte, la superficie relevant de chacune des zones concernées. Par ailleurs, la circonstance, au demeurant non établie, que ce zonage ne permettrait pas de poursuivre l'exploitation agricole des parcelles est sans incidence sur le bien-fondé du classement retenu. Il en est de même de la circonstance que la contiguïté avec des zones agricoles est de nature à générer des nuisances pour des projets situés dans la partie constructible. Par suite, le moyen tiré de ce que le plan local d'urbanisme serait illégal à raison de ce que le zonage qu'il établit ne se confond pas avec les limites parcellaires de la propriété en cause doit être écarté.

8. En troisième lieu, la seule circonstance que le maire n'ait pas accédé à l'ensemble des demandes de la requérante n'est pas de nature à établir l'existence d'un conflit avec le maire et aucun élément du dossier ne permet de considérer que le classement de sa parcelle aurait été décidé dans le but de lui nuire, alors au demeurant qu'il a été fait partiellement droit à sa demande de rendre sa parcelle constructible. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de classement de sa parcelle serait entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

9. Enfin, compte tenu des principes rappelés au point 5, et dans la mesure où le classement retenu ne repose pas, comme en l'espèce, sur une appréciation manifestement erronée et n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir, il ne porte pas une atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi dès lors qu'il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes ainsi que des zones inconstructibles. Ainsi, la circonstance que des parcelles proches situées du même côté de la route sont classées entièrement en zone urbanisée, y compris pour les parties plus éloignées de la route, n'est pas de nature à caractériser une rupture du principe d'égalité devant la loi.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées en appel et en première instance, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 4 février 2021. Pour les mêmes motifs et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, ses conclusions d'appel dirigées contre la décision du 24 juin 2021 de rejet de son recours gracieux ne peuvent être accueillies. Par suite sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune du Lamentin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera une somme de 1 500 euros à la commune du Lamentin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune du Lamentin.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX02905 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02905
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : LAPLAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;22bx02905 ?
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