Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le maire de Mouthoumet a retiré, au nom de l'Etat, le permis de construire tacite né le 17 septembre 2019.
Par un jugement n° 2000740 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04574 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04574 le 29 novembre 2021, Mme A..., représentée par la SCP SVA, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le maire de Mouthoumet a retiré, au nom de l'Etat, le permis de construire tacite né le 17 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au maire de Mouthoumet de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un certificat de permis de construire tacite ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête de première instance était recevable ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme dès lors que son projet de hangar est nécessaire à l'exercice de son activité agricole.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....
Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 6 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 mai 2019, Mme A... a déposé auprès des services de la commune de Mouthoumet (Aude) une demande de permis de construire portant sur la construction d'un hangar agricole d'une surface de plancher de 911,5 mètres carrés, dont le toit est destiné à être couvert de panneaux photovoltaïques. Un permis de construire tacite est né le 17 septembre 2019. Par arrêté du 11 décembre 2019, le maire de Mouthoumet a retiré, au nom de l'Etat, ce permis de construire tacite. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
2. Pour retirer le permis de construire tacite en litige, le maire de Mouthoumet s'est fondé sur deux motifs tirés de la méconnaissance des articles R. 111-27 et L. 122-5 du code de l'urbanisme.
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
4. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Il lui appartient alors d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du lieu, du site ou du paysage naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le lieu, le site ou le paysage naturel ou urbain.
5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de hangar en litige est situé à plusieurs centaines de mètres de toute construction et à proximité d'une route départementale. Il n'est pas sérieusement contesté que le site ne présente aucun intérêt paysager particulier. En se bornant à relever l'impact visuel du projet de la requérante, sans avoir apprécié au préalable la qualité du site concerné, le maire de Mouthoumet n'établit pas en quoi la construction envisagée porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux paysages naturels ou à la conservation de perspectives monumentales. Par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme A... est fondée à soutenir que le maire de Mouthoumet a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ". Aux termes de l'article L. 122-10 du même code : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. ". Aux termes de l'article L. 122-11 du même code : " Peuvent être autorisés dans les espaces définis à l'article L. 122-10 : / 1° Les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ; (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Mouthoumet a retiré le permis de construire tacite né le 17 septembre 2019 au motif que Mme A... n'établissait pas que son projet de hangar d'une surface de 911,5 mètres carrés serait nécessaire au fonctionnement de son exploitation agricole. La requérante se prévaut de ce que les deux serres tunnels existantes d'une superficie de 683 mètres carrés, qui sont particulièrement vétustes, ne permettent plus de stocker le foin et le matériel agricole dont elle a besoin alors que la surface du hangar projeté correspondrait aux besoins de son exploitation. S'agissant du volume dédié au stockage du foin dans le hangar projeté, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des données recueillies auprès de la chambre d'agriculture et de la direction départementale des territoires et de la mer par la préfète de l'Aude que les chiffres avancés par Mme A... sont surestimés. Notamment, Mme A... a surestimé le rendement de foin en le calculant à partir d'un rendement moyen trop élevé par rapport à la moyenne des terres présentes sur la commune et en prenant en compte des surfaces incultes ou incultivables du fait de la présence d'une zone natura 2000 de landes et pelouses d'intérêt communautaire sur ses parcelles. Elle a aussi surestimé le volume nécessaire pour le stockage des bottes de foin en le calculant à partir d'une taille de botte trop importante. En outre, s'agissant du volume dédié au matériel agricole dans le hangar projeté, il ressort des pièces du dossier que Mme A... estimait elle-même dans sa première demande de permis de construire en 2016 que la surface nécessaire s'élevait à 190 mètres carrés. L'achat allégué d'un deuxième tracteur ne permettrait pas de justifier une surface de 500 mètres carrés destinée au seul stockage du matériel agricole. Dans ces conditions, Mme A... n'établit pas le caractère nécessaire à son exploitation agricole d'un hangar d'une superficie de 911,5 mètres carrés. Par suite, par la décision attaquée, le maire de Mouthoumet a pu légalement procéder au retrait du permis de construire tacite né le 17 septembre 2019 sur le fondement de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de ce qui précède que seul est entaché d'illégalité le motif opposé par le maire de Mouthoumet tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Il résulte toutefois de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif légal tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Mouthoumet.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL04574