Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... J... et Mme E... F... épouse J..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D..., B..., A..., G... et C..., ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à leur verser une somme totale de 226 000 euros en réparation des préjudices consécutifs aux carences de l'Etat dans la prise en charge des troubles autistiques B... J....
Par un jugement n° 1808669 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 18 mai 2020 et le 15 décembre 2021, M. et Mme J..., représentés par Me Janois, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2020 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 221 800 euros en réparation des divers préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les instituts médicaux sociaux contactés pour prendre en charge B... leur ont opposé un refus ;
- la prise en charge par le service médico-social (SESSAD) n'était pas adapté aux besoins de leur enfant qui n'était pas scolarisé.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2021, I... régionale de Sante Ile-de-France conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les prétentions excédant celles de première instance ne sont pas recevables ;
- les décisions de la maison départementale des personnes handicapées orientaient l'enfant également vers un service médico-social et non uniquement vers un institut médico- social, et il a bénéficié d'un tel accompagnement jusqu'en juillet 2018 ;
- les parents ont bénéficié de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de compléments pour permettre la présence au domicile d'une tierce-personne ;
- les parents n'ont pas contesté les décisions d'orientation vers un service médico-social ;
- la preuve d'un manque de place au sein d'un institut médico-social n'est rapportée que pour 10 établissements sur 27 ;
- à titre subsidiaire les préjudices ou le lien de causalité ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'éducation nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme J..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants, D..., B..., A..., G... et C... J..., ont adressé à la ministre des solidarités et de la santé ainsi qu'au directeur général de I... régionale de santé d'Ile-de-France une demande d'indemnisation des préjudices consécutifs au défaut de prise en charge adaptée de leur fils B..., atteint d'autisme. Le silence gardé sur cette demande, reçue le 2 juillet 2018, a fait naître une décision implicite de rejet le 2 septembre 2018. M. et Mme J... demandent, par la présente requête, que l'Etat soit condamné à réparer leurs préjudices ainsi que ceux de leurs enfants en raison de sa carence fautive.
2. Aux termes de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-1 du même code : " Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'Etat est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. ".
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire, par l'Etat et les autres personnes publiques chargées de l'action sociale en faveur des personnes handicapées, dans le cadre de leurs compétences respectives, est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome.
4. En vertu de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, il incombe à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), à la demande des parents, de se prononcer sur l'orientation des enfants atteints du syndrome autistique et de désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de ceux-ci et étant en mesure de les accueillir, ces structures étant tenues de se conformer à la décision de la commission. Ainsi, lorsqu'un enfant autiste ne peut être pris en charge par l'une des structures désignées par la CDAPH en raison du manque de places disponibles, l'absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l'État dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d'une telle prise en charge dans une structure adaptée.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 112-1 du code de l'éducation nationale alors applicable : " Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence./Dans le cadre de son projet personnalisé, si ses besoins nécessitent qu'il reçoive sa formation au sein de dispositifs adaptés, il peut être inscrit dans une autre école ou un autre établissement mentionné à l'article L. 351-1 par l'autorité administrative compétente, sur proposition de son établissement de référence et avec l'accord de ses parents ou de son représentant légal. Cette inscription n'exclut pas son retour à l'établissement de référence./De même, les enfants et les adolescents accueillis dans l'un des établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans l'un des établissements mentionnés au livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique peuvent être inscrits dans une école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1 du présent code autre que leur établissement de référence, proche de l'établissement où ils sont accueillis. Les conditions permettant cette inscription et cette fréquentation sont fixées par convention entre les autorités académiques et l'établissement de santé ou médico-social./Si nécessaire, des modalités aménagées d'enseignement à distance leur sont proposées par un établissement relevant de la tutelle du ministère de l'éducation nationale. ".
6. Il résulte de l'instruction que l'enfant Ilyés, né le 6 novembre 2005, a été orienté par une décision du 10 avril 2009 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de Seine-Saint-Denis vers le service médico-social " L'Envol " pour la période du 1er décembre 2008 au 31 août 2011, et a bénéficié de l'accompagnement de ce service dès le 5 janvier 2009 lors de sa scolarisation en école maternelle. Par décision du 21 juin 2011, la CDAPH a accordé une orientation en milieu ordinaire en proposant une scolarisation individuelle à temps partiel dans le premier degré, accompagnée par une assistante de vie scolaire jusqu'au 4 juillet 2012, ou, une orientation en établissement médico-social jusqu'au 31 août 2013, ou, une orientation vers un service médico-social jusqu'à la même date. Il n'est pas établi qu'un accueil en milieu scolaire ordinaire à temps partiel accompagné par une assistante de vie scolaire aurait été demandé par les parents et aurait été refusé. Par ailleurs, l'enfant B... a bénéficié au cours de cette période de l'accompagnement du service médico-social " L'Envol ".
7. Concernant la période postérieure, la CDAPH a orienté l'enfant par décision du 24 mai 2013 vers un établissement médico-social ou vers un service médico-social jusqu'au 31 mai 2017, puis par une décision du 4 juillet 2017, la CDAPH a renouvelé ces orientations jusqu'au 31 août 2019 et il n'est pas contesté que l'enfant a bénéficié au cours de toute cette période de l'accompagnement du service médico-social " L'Envol ", conformément aux préconisations successives de la CDAPH. Si les requérants soutiennent que cet accompagnement ne correspondait pas aux besoins de leur enfant qui n'était plus scolarisé faute de place dans un IME désigné, d'une part ils n'allèguent pas avoir contesté les décisions de la CDAPH préconisant une orientation vers un service médico-social, et d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la prise en charge par le service médico-social " L'Envol " à hauteur de 8 heures hebdomadaires comprenant des séances éducatives à domicile ou au sein du service, des séances de psychomotricité et des séances d'orthophonie, ne correspondait pas aux besoins spécifiques de l'enfant ou ne pouvait être qualifiée de prise en charge pluridisciplinaire au sens des dispositions L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles du fait de l'absence de scolarisation. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de l'enfant B... aurait rendu impossible toute inscription dans l'établissement scolaire de référence prévu par les dispositions précitées de l'article L. 112-1 du code de l'éducation nationale dans lequel il possédait toujours le droit d'être inscrit et de bénéficier d'un projet personnalisé, ni qu'une telle inscription aurait été refusée. Dans ces conditions, les requérants n'établissent l'existence d'aucune faute imputable à l'Etat, qui résulterait de sa carence dans la mise en œuvre des compétences qui lui sont confiées au titre des moyens nécessaires pour permettre à leur fils de bénéficier d'une prise en charge pluridisciplinaire au sens de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme J... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... J... et Mme E... F... épouse J... agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, à I... régionale de Sante Ile-de-France et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
La rapporteure,
A-C. LE GARS
Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE01276 2