Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... et Mme C... D..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille B... D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse, à titre principal, ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à titre subsidiaire, à leur verser à titre provisionnel la somme de 15 000 euros en indemnisation des préjudices subis par leur fille des suites de sa prise en charge par cet hôpital les 29 et 30 mars 2011.
Par un jugement n° 1706477 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 avril 2020 et 3 novembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Jean, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2020 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Gonesse, ou à titre subsidiaire l'ONIAM à leur verser une provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice d'un montant de 15 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse ou de l'ONIAM une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
A... soutiennent que :
- la prise en charge au centre hospitalier n'a pas été correcte dès lors qu'aucun examen neurologique n'a été réalisé, que leur fille n'a pas bénéficié d'une paracentèse aux urgences pédiatriques ;
- les signes cliniques présentés par l'enfant justifiaient une autre prise en charge, une ponction lombaire aurait dû être réalisée plus tôt ;
- les souffrances endurées sont estimées à 6/7, et le préjudice esthétique à 2/7.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 octobre et 22 novembre 2022, et le 23 mai 2023, le centre hospitalier de Gonesse, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les requérants et l'ONIAM ne se fondent que sur le rapport d'expertise cependant les conclusions de ce rapport sont contestables et incohérentes ; il ne précise pas à quelles bonnes pratiques le centre hospitalier a manqué ;
- les vomissements ne font pas partie des symptômes conduisant à évoquer un diagnostic de méningite ;
- les différents relevés de température ne mentionnent pas une forte fièvre, contrairement aux allégations des parents ; les autres symptômes évoqués par les parents et l'expert n'ont pas été retracés dans les comptes rendus hospitaliers ;
- l'examen neurologique réalisé le 29 mars 2011 à 8h21 était normal, et à 16h41, il est noté " pas de syndrome méningé " ;
- une première dose de Rocéphine a été prescrite le 29 mars 2011 en fin de journée, et constitue le traitement adapté contre la méningite diagnostiquée le 30 mars au soir ; l'enfant a reçu une deuxième dose le 30 mars dans l'après-midi, puis une troisième le lendemain ;
- les deux comptes rendus des urgences du 29 mars mentionnent bien la réalisation d'une paracentèse ;
- les experts ont noté que l'otite était irréversible d'emblée.
Par un mémoire enregistré le 14 octobre 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Ribeiro, avocate, conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre l'ONIAM.
Il soutient que :
- les conditions d'indemnisation par l'ONIAM ne sont pas remplies, dès lors que les experts ont clairement retenu l'existence d'une faute à l'origine des dommages ;
- la surdité et les complications cérébrales résultent de la pathologie initiale de l'enfant et non d'un acte de soin.
Par des mémoires enregistrés les 10 et 24 mai 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise représentée par Me Legrandgerard, avocate, conclut à la condamnation du centre hospitalier de Gonesse au versement de la somme provisoire de 25 980,22 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que de l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 162 euros, et au versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle fait sienne l'argumentation développée par les consorts D....
Par ordonnance du président de la chambre du 2 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de santé publique;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. B... D..., née en décembre 2009, a été examinée aux urgences du centre hospitalier de Gonesse le 29 mars 2011 à 8h02 pour des symptômes de fièvre et de vomissement. A 8h21, le diagnostic d'une otite moyenne aigue bilatérale a été posé. Elle a été renvoyée à son domicile, avec une prescription d'antibiotiques et une invitation à consulter un oto-rhino-laryngologiste. L'après-midi du même jour, elle a été amenée par sa mère à une consultation d'oto-rhino-laryngologie (ORL) au même hôpital, à l'issue de laquelle le diagnostic a été confirmé. Le 30 mars 2011 à 15h, elle a été autorisée à retourner à son domicile mais, à la suite de convulsions, elle a été de nouveau transportée dans la soirée par les pompiers aux urgences du centre hospitalier de Gonesse, où elle a été hospitalisée en soins intensifs nourrissons à 19h22. Une méningite à pneumocoque étant suspectée, elle a été transférée à 23h50 au service de réanimation pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris où, à la suite d'une ponction lombaire, le diagnostic de méningite a été confirmé. A ce jour, B... D... est atteinte d'une surdité profonde bilatérale et de diverses difficultés neuro-motrices légères, en particulier des pertes d'équilibre ainsi que des déficits de motricité fine et de concentration. Par une ordonnance n° 1505846 du 16 octobre 2015, le juge des référés du présent tribunal a ordonné une expertise. Les Dr F..., réanimateur pédiatrique, et Briche, oto-rhino-laryngologiste, ont déposé leur rapport le 12 septembre 2016. Par une ordonnance n° 1800818 du 8 octobre 2018, le centre hospitalier a été condamné à verser à M. et Mme D..., agissant en tant que représentants légaux de leur fille B..., une provision de 2 200 euros sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner, à titre principal le centre hospitalier de Gonesse et à titre subsidiaire l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à réparer à hauteur de 15 000 euros leurs préjudices propres et ceux subis par leur fille A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Gonesse :
2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. "
3. M. et Mme D... soutiennent que les séquelles dont souffre leur fille résultent de la prise en charge par le centre hospitalier, qui aurait diagnostiqué tardivement une méningite et tardé à mettre en place les traitements adaptés.
4. Compte tenu des éléments figurant dans le rapport d'expertise et de ceux indiqués dans les comptes-rendus d'hospitalisation, il y a lieu, afin de se prononcer sur l'existence d'une faute, d'ordonner un complément d'expertise afin de déterminer, compte tenu des documents médicaux disponibles, quel était l'état médical constaté de l'enfant lors de son arrivée aux urgences le 29 mars 2011 à 8h02, quelles étaient les mesures nécessaires au vu de cet état, la date exacte de la première injection de Rocéphine et dire si cet antibiotique était adapté, et enfin, décrire les conditions, notamment de délai, dans lesquelles a été sollicité et délivré l'avis de l'oto-rhino-laryngologue le 29 mars 2011.
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant dire-droit sur la requête des consorts D..., procédé à un complément d'expertise aux fins décrites dans le point 4 de l'arrêt.
Article 2 : L'expert remettra son rapport dans un délai de deux mois à compter de sa désignation.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et Mme C... D..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille B... D..., au centre hospitalier de Gonesse, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
La rapporteure,
A-C. LE GARS
Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE01193 2