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04/08/2025 | FRANCE | N°502492

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 04 août 2025, 502492


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mars, 6 mai et 20 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de l'autoriser à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats de second grade de la hiérarchi

e judiciaire en vue de la session 2025 ;



2°) d'enjoindre au ministre ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mars, 6 mai et 20 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de l'autoriser à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats de second grade de la hiérarchie judiciaire en vue de la session 2025 ;

2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de sa situation afin de l'autoriser à concourir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des pensions civiles et militaires ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 ;

- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;

- le décret n° 2024-772 du 7 juillet 2024 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme D... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2025, présentée pour Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 3 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser Mme A... B... à participer aux épreuves de la session 2025 du concours professionnel ouvert pour le recrutement des magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, au motif qu'étant âgée de 57 ans et huit mois au 1er janvier 2025, elle ne pourrait satisfaire, avant la date d'entrée en jouissance de sa pension, à l'engagement d'accomplir au moins cinq années en qualité de magistrat, qui découle des dispositions combinées de l'article 17-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et de l'article 69-1 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature. Mme A... B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

2. La loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire a réformé les voies d'accès à la magistrature en créant, à compter du 1er octobre 2024, un concours professionnel pour le recrutement de magistrats aux second et premier grades de la hiérarchie judiciaire, prévu à l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Aux termes de l'article 17-1 de cette ordonnance : " La seule limite d'âge supérieure opposable aux candidats aux concours est, nonobstant toute disposition contraire, celle qui permet aux intéressés d'avoir satisfait, à la date d'entrée en jouissance immédiate de la pension, à l'engagement de servir l'Etat dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat ". Par ailleurs, les articles 25-1, 25-2 et 25-3 de cette même ordonnance disposent que les candidats admis en application de l'article 22 suivent, en qualité de stagiaires, une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature, qu'un jury se prononce, à l'issue de cette formation, sur l'aptitude des stagiaires à exercer les fonctions judiciaires et que ceux qui ont été déclarés aptes suivent une formation complémentaire jusqu'à leur nomination, la durée cumulée des formations probatoire et complémentaire ne pouvant être inférieure à douze mois. Aux termes du II de l'article 40 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature, modifié par le décret du 7 juillet 2024 tirant les conséquences de la réforme des voies d'accès à la magistrature issue de la loi organique du 20 novembre 2023, la durée de formation en qualité de stagiaire auprès de l'Ecole nationale de la magistrature est de douze mois.

3. D'une part, les dispositions relatives à la jouissance de la pension sont prévues au titre IV du livre Ier du code des pensions civiles et militaires, dont l'article L. 24 dispose : " I - La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire a atteint l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de ce dernier article : " L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné (...) au 1° du I de l'article L. 24 (...) du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-quatre ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968. / Cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1968 et, pour ceux nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1967, de manière croissante, à raison de trois mois par génération ". Pour les agents nés en 1967, cet âge est de 63 ans et neuf mois. D'autre part, l'engagement de servir, mentionné à l'article 17-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 cité au point précédent, est défini à l'article 69-1 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature, issu du décret du 7 juillet 2024 tirant les conséquences de la réforme des voies d'accès à la magistrature issue de la loi organique du 20 novembre 2023, qui prévoit que, à l'issue de leur période de formation probatoire et préalablement à la déclaration d'aptitude prononcée par le jury, les stagiaires du concours professionnel " doivent signer l'engagement d'accomplir au moins cinq années de fonctions en qualité de magistrat. ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour pouvoir accomplir l'engagement quinquennal de servir en qualité de magistrat, auquel devront souscrire les lauréats du concours professionnel à l'issue de leur formation probatoire, les candidats du concours professionnel doivent, à la date de début de la formation probatoire et compte tenu de sa durée, disposer d'au moins six années avant la date de jouissance de leur pension de retraite, entendue, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 17-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, comme l'âge d'ouverture de leur droit à pension de retraite.

5. En l'espèce, il est constant que, la requérante étant née le 5 avril 1967, la date de jouissance de sa pension est fixée au 5 janvier 2031. Cette date ne permet pas que soit satisfaite, pour le concours professionnel en cause, la condition énoncée à l'article 17-1 de l'ordonnance organique du 22 décembre 1958. La requérante ne peut pas se prévaloir des articles L. 556-1 et L. 556-2 du code général de la fonction publique, permettant de reculer l'âge limite de maintien en fonctions, qui sont sans incidence sur l'application de la condition posée par l'ordonnance organique, ni de l'article L. 324-1 du même code, rendant inopposable aux personnes élevant seules un ou plusieurs enfants l'âge maximal d'admission aux emplois relevant de ce code qui, en vertu du 2° de l'article L. 6, du même code, ne s'applique pas aux magistrats judiciaires. Dès lors, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation en refusant à Mme A... B..., par une décision suffisamment motivée, l'autorisation de participer à ce concours au motif qu'elle ne remplissait pas la condition d'âge résultant des textes. Par suite, Mme A... B... n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 3 mars 2025.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 4 août 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 502492
Date de la décision : 04/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-04-02-003 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES. - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE. - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE. - ADMISSION À CONCOURIR. - LIMITE D'ÂGE – CONCOURS PROFESSIONNEL POUR LE RECRUTEMENT DE MAGISTRATS AUX SECOND ET PREMIER GRADES DE LA HIÉRARCHIE JUDICIAIRE – LAURÉATS DEVANT POUVOIR ACCOMPLIR UN ENGAGEMENT QUINQUENNAL AVANT « LA DATE D’ENTRÉE EN JOUISSANCE IMMÉDIATE DE LA PENSION » DE RETRAITE – PORTÉE – ÂGE D’OUVERTURE DU DROIT À PENSION.

37-04-02-003 Il résulte des articles 17-1, 25-1, 25-2 et 25-3 de l’ordonnance n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 et du II de l’article 40 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972, ainsi que de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires (CPCM) que, pour pouvoir accomplir l’engagement quinquennal de servir en qualité de magistrat, auquel devront souscrire les lauréats du concours professionnel à l’issue de leur formation probatoire, les candidats du concours professionnel doivent, à la date de début de la formation probatoire et compte tenu de sa durée, disposer d’au moins six années avant la date de jouissance de leur pension de retraite, entendue, au sens et pour l’application des dispositions de l’article 17-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, comme l’âge d’ouverture de leur droit à pension de retraite.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2025, n° 502492
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:502492.20250804
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