La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2025 | FRANCE | N°499513

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 31 juillet 2025, 499513


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les trois arrêtés du 27 août 2020 par lesquels le maire de Megève a rejeté ses demandes de permis de construire un immeuble d'habitation et d'enjoindre au maire de lui délivrer ces permis. Par un jugement nos 2005891, 2005892, 2005894 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif a fait droit à ces trois demandes.



Par un arrêt nos 21LY02757, 21LY02794 du 22 février 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du mai

re de Megève, annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté les demandes ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les trois arrêtés du 27 août 2020 par lesquels le maire de Megève a rejeté ses demandes de permis de construire un immeuble d'habitation et d'enjoindre au maire de lui délivrer ces permis. Par un jugement nos 2005891, 2005892, 2005894 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif a fait droit à ces trois demandes.

Par un arrêt nos 21LY02757, 21LY02794 du 22 février 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du maire de Megève, annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté les demandes d'annulation présentées par M. B....

Par une décision n° 463282 du 16 juin 2023, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi formé par M. B... contre cet arrêt.

Par un jugement nos 2306719, 2306720, 2306724 du 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les nouvelles demandes présentées par M. B... contre les trois arrêtés du 27 août 2020 du maire de Megève

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 9 décembre 2024, 23 janvier et 12 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Megève la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. B... et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la commune de Megève ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2025, présentée par M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2025, présentée par la commune de Megève ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a sollicité auprès de la commune de Megève la délivrance de trois permis de construire valant permis de démolir sur la parcelle cadastrée section AN n°119 pour l'édification d'un immeuble à usage d'habitation de onze logements. Ces projets ont fait l'objet de trois avis défavorables de l'architecte des Bâtiments de France en date du 9 juin 2020. Par trois arrêtés du 27 août 2020, le maire de la commune de Megève a rejeté ces demandes. A l'occasion d'une première procédure contentieuse, M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ces décisions. Par un jugement du 13 juillet 2021 le tribunal a fait droit à la demande de M. B.... La commune de Megève a interjeté appel et, par un arrêt du 22 février 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et rejeté la requête de M. B... au motif qu'il n'avait pas, préalablement à sa saisine du tribunal administratif, formé un recours administratif devant le préfet de région contre les avis défavorables de l'architecte des bâtiments de France. Par une décision du 16 juin 2023, le Conseil d'Etat a prononcé la non-admission en cassation du pourvoi formé par M. B... contre cet arrêt.

2. A la suite de cette première procédure contentieuse, M. B... a contesté, le 25 juillet 2023, les avis défavorables de l'architecte des bâtiments de France par des recours préalables adressés à la préfète de région. Par une décision du 8 septembre 2023, la préfète a rejeté ces recours. Par un jugement du 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que les nouveaux recours de M. B... contestant les arrêtés du 27 août 2020 étaient irrecevables au motif que l'intéressé n'avait pas formé de recours administratifs préalables contre les avis de l'architecte des bâtiments de France dans le délai raisonnable d'un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance des décisions de refus de permis de construire. M. B... se pourvoit en cassation contre ce jugement.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le moyen tiré de ce que la demande était irrecevable n'a pas été relevé d'office par le tribunal mais a été soulevé en défense par la commune. Le moyen selon lequel le tribunal aurait statué au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir fait application de l'article R611-7 du code de justice administrative, ne peut donc qu'être écarté.

4. En second lieu, en vertu de l'article L. 412-3 du code des relations entre le public et l'administration : " La décision soumise à recours administratif préalable obligatoire est notifiée avec l'indication de cette obligation (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle. Lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, le délai n'est pas opposable. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable.

5. Lorsque le destinataire d'une décision administrative individuelle n'a pas été informé, dans les conditions rappelées au point précédent, de l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire, du délai imparti pour le présenter et de l'autorité devant laquelle il doit être porté, et qu'ainsi le délai normalement applicable ne lui est pas opposable, l'exercice d'un recours juridictionnel contre cette décision, s'il est lui-même formé dans les délais, interrompt le cours du délai raisonnable dont il disposait alors pour former un recours administratif préalable obligatoire. Le délai imparti par le texte applicable pour présenter un recours administratif préalable obligatoire commence à courir à compter de la notification de la première décision juridictionnelle qui rejette pour irrecevabilité le recours contentieux au motif qu'il n'a pas été précédé d'un tel recours.

6. Aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision de refus de permis de construire faisant suite à un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France sur cette demande de permis s'il n'a pas, au préalable, saisi le préfet de région d'un recours contre cet avis.

7. Il résulte de ce qui précède qu'à supposer même, comme l'a estimé le tribunal administratif, que le délai de deux mois pour contester les avis défavorables de l'architecte des bâtiments de France du 9 juin 2020, prévu par l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, n'ait, en l'espèce, pas commencé à courir lorsque ces avis ont été notifiés à M. B..., en raison d'une contradiction entre les mentions figurant dans leur notification et celles figurant dans la notification des arrêtés du maire de Megève, ce délai a, en revanche, commencé à courir à la date à laquelle lui a été notifié l'arrêt du 22 février 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon jugeant ses demandes d'annulation des arrêtés du maire de Megève irrecevables au motif qu'elles n'avaient pas été précédées de recours devant le préfet de région contre les avis défavorables de l'architecte des bâtiments de France, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que M. B... se soit pourvu en cassation contre cet arrêt. Par suite, les recours de M. B... devant le préfet de région contre les avis défavorables de l'architecte des bâtiments de France n'ayant été formés que le 25 juillet 2023, postérieurement à l'expiration du délai de deux mois fixé par l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme et qui a commencé à courir à compter de la notification à M. B... de l'arrêt de la cour, les demandes d'annulation des arrêtés du maire de Megève dont il a saisi le tribunal administratif étaient irrecevables. Ce motif d'ordre public, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par le jugement attaqué, dont il justifie, sur ce point, le dispositif. Les autres moyens du pourvoi dirigés contre le motif du jugement doivent, par suite, être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble qu'il attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Megève qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Megève une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune de Megève.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juillet 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, M. Jérôme Goldenberg, conseillers d'Etat et M. Thomas Odinot, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 31 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Thomas Odinot

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 499513
Date de la décision : 31/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-02-01 PROCÉDURE. - INTRODUCTION DE L'INSTANCE. - LIAISON DE L'INSTANCE. - RECOURS ADMINISTRATIF PRÉALABLE. - DÉCISION N’INFORMANT PAS SON DESTINATAIRE DE L’EXISTENCE D’UN RAPO ET NE COMPORTANT PAS LES MENTIONS PERMETTANT DE FAIRE RENDRE OPPOSABLE LE DÉLAI NORMALEMENT APPLICABLE – RECOURS JURIDICTIONNEL FORMÉ DANS LE DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX – CONSÉQUENCE – INTERRUPTION DU DÉLAI RAISONNABLE [RJ1] POUR FORMER LE RAPO – DÉLAI PRÉVU PAR LE TEXTE APPLICABLE COMMENÇANT À COURIR À COMPTER DE LA NOTIFICATION DE LA PREMIÈRE DÉCISION JURIDICTIONNELLE REJETANT POUR IRRECEVABILITÉ LE RECOURS CONTENTIEUX.

54-01-02-01 Lorsque le destinataire d’une décision administrative individuelle n’a pas été informé de l’existence d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), du délai imparti pour le présenter et de l'autorité devant laquelle il doit être porté, et qu’ainsi le délai normalement applicable ne lui est pas opposable, l’exercice d’un recours juridictionnel contre cette décision, s’il est lui-même formé dans les délais, interrompt le cours du délai raisonnable dont il disposait alors pour former un RAPO. ...Le délai imparti par le texte applicable pour présenter un RAPO commence à courir à compter de la notification de la première décision juridictionnelle qui rejette pour irrecevabilité le recours contentieux au motif qu’il n’a pas été précédé d’un tel recours.


Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 2025, n° 499513
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:499513.20250731
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award