Vu la procédure suivante :
M. A... C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 24 août 2023 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à la protection subsidiaire qui lui avait été accordée, et de lui maintenir le bénéfice de cette protection ou du statut de réfugié.
Par une décision n° 23051191 du 5 mars 2024, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 6 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... C... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., de nationalité afghane, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 27 février 2015. Par une décision du 24 août 2023, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) y a mis fin. Par une décision du 5 mars 2024, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu la protection subsidiaire de M. B....
2. Aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser :/ (...) / 2° Qu'elle a commis un crime grave ; / (...) ". Selon le deuxième alinéa de l'article L. 512-3 : " L'office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque : / 1° Son bénéficiaire aurait dû être exclu de cette protection pour l'un des motifs prévus à l'article L. 512-2 ; / (...) ". La gravité du crime susceptible, en vertu de ces dispositions, d'exclure une personne du bénéfice de la protection subsidiaire ne peut être appréciée qu'à la lumière des principes du droit pénal français, au terme d'un examen concret et approfondi de l'ensemble des circonstances propres au cas individuel concerné, en tenant compte notamment de la nature des faits en cause, des conditions dans lesquelles ils ont été commis et de la gravité des dommages causés aux victimes, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la personne concernée représente un danger actuel pour l'ordre public ou la sûreté de l'Etat.
3. En jugeant que les faits d'agression sexuelle sur mineur pour lesquels M. B... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 3 septembre 2012, à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec une période de 6 mois de sursis probatoire, n'entraient pas dans le champ des dispositions du 2° de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que ces faits, eu égard à leur nature et aux circonstances dans lesquelles ils ont été commis, revêtaient une gravité telle qu'ils devaient être regardés comme un crime grave au sens de ces dispositions, la Cour nationale du droit d'asile a entaché sa décision d'erreur de qualification juridique des faits.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font, dès lors, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l'avocat de M. B....
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 5 mars 2024 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... C... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2025 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 31 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville