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30/07/2025 | FRANCE | N°484158

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 juillet 2025, 484158


Vu les procédures suivantes :



I. Sous le n° 484158, M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique. Par un jugement n° 1903294/3-3 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.



Par un arrêt n° 20PA00331 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Pari

s a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.



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Vu les procédures suivantes :

I. Sous le n° 484158, M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique. Par un jugement n° 1903294/3-3 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 20PA00331 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449327 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00375 du 21 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 20 novembre 2023 ainsi que le 21 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 484547, Mme I... O... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à la licencier pour un motif économique ainsi que la décision du 2 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1925618/3-3 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées.

Par un arrêt nos 20PA02650, 20PA02661 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449330 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00371 du 21 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 16 juillet 2020 et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 16 novembre 2023 ainsi que le 20 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme O... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

III. Sous le n° 484587, M. M... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique ainsi que la décision du 2 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1925890/3-3 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées.

Par un arrêt nos 20PA02659, 20PA02663 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449332 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00373 du 21 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 16 novembre 2023 ainsi que 20 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

IV. Sous le n° 484601, M. E... N... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique ainsi que la décision du 2 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1925617/3-3 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées.

Par un arrêt nos 20PA02652, 20PA02664 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449331 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00377 du 21 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 16 novembre 2023 ainsi que le 20 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. N... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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V. Sous le n° 484602, M. K... J... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique ainsi que la décision du 2 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1925891/3-3 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées.

Par un arrêt nos 20PA02660, 20PA02662 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449334 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00372 du 21 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 16 novembre 2023 ainsi que le 20 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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VI. Sous le n° 484603, M. P... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique. Par un jugement n° 1903216/3-1 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée du 17 décembre 2018.

Par un arrêt n° 20PA01026 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449329 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00374 du 21 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 28 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 18 octobre 2023 ainsi que le 20 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge conjointe de la société Milleis Banque et de l'Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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VII. Sous le n° 485389, M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique. Par un jugement n° 1903296/3-3 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 20PA00329 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une décision n° 449317 du 15 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 22PA04923 du 21 juin 2023 la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 20 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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VIII. Sous le n° 485409, M. L... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 décembre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à le licencier pour un motif économique. Par un jugement n° 1903297/3-3 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 20PA00330 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Milleis Patrimoine contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 449324 du 20 janvier 2023, la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 23PA00376 du 21 juin 2023 la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 20 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Milleis Banque ;

3°) de mettre à la charge de la société Milleis Banque la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 ;

- le règlement délégué (UE) 2017/565 de la Commission du 25 avril 2016 ;

- le code monétaire et financier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. C..., à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme O..., de M. F..., de M. N... et de M. J..., à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. B..., à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A... et de M. G..., et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Milleis Banque ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par huit décisions du 17 décembre 2018, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 12 a autorisé la société Milleis Patrimoine à licencier Mme O... et MM. C..., F..., N..., J..., B..., A... et G..., tous salariés protégés. Par huit jugements des 3 décembre 2019, 28 janvier 2020 et 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris, saisi par ces salariés, a annulé les autorisations accordées par l'inspectrice du travail et, lorsqu'un recours hiérarchique avait été formé contre elles, les décisions de la ministre du travail le rejetant. Par huit arrêts du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels de la société Milleis Banque contre ces jugements. Par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 15 novembre 2022 puis par sept ordonnances du 20 janvier 2023 de la présidente de la 4ème chambre de la section du contentieux, les arrêts ont été annulés et les affaires renvoyées à la cour administrative d'appel. Les huit salariés se pourvoient en cassation contre les arrêts du 21 juin 2023 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat a, sur appel de la société Milleis Banque venue aux droits de la société Milleis Patrimoine, annulé les jugements du tribunal administratif de Paris et rejeté leurs demandes de première instance. Les pourvois de ces salariés présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu d'y statuer par une seule décision.

Sur les moyens critiquant les arrêts attaqués en tant qu'ils se prononcent sur le motif économique des licenciements :

2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) ; / 2° A des mutations technologiques ; / 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. / Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (...) ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. A cet égard, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'autorité administrative doit s'assurer du bien-fondé d'un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.

4. Aux termes de l'article 27 du règlement délégué (UE) de la Commission du 25 avril 2016 complétant la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d'exercice applicables aux entreprises d'investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive : " 1. (...) Les politiques et pratiques de rémunération sont élaborées de façon à ne pas créer de conflit d'intérêts ou d'incitation susceptible d'amener les personnes concernées à favoriser leurs propres intérêts ou les intérêts de l'entreprise au détriment potentiel d'un quelconque client. / (...) 4. Les rémunérations et incitations comparables ne sont pas uniquement ou principalement basées sur des critères commerciaux quantitatifs, et doivent prendre dûment en compte des critères qualitatifs appropriés reflétant le respect des règlements applicables, le traitement équitable des clients et la qualité des services fournis aux clients. / Un équilibre entre les composantes de rémunération fixes et variables est préservé à tout moment, de sorte que la structure de rémunération ne favorise pas les intérêts de l'entreprise d'investissement ou de ses personnes concernées au détriment des intérêts d'un quelconque client ". Aux termes de l'article L. 533-29 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les entreprises d'investissement sont tenues de respecter les obligations prévues par les articles L. 511-55 à L. 511-69. / (...) II.- Sans préjudice du I, le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes approuve et supervise : / (...) 3° Sans préjudice du respect de l'article L. 533-30, une politique de rémunération des personnes participant à la fourniture de services aux clients qui vise à encourager un comportement professionnel responsable et un traitement équitable des clients, ainsi qu'à éviter les conflits d'intérêts dans les relations avec les clients (...) ".

5. En premier lieu, en jugeant que la modification des clauses salariales du contrat de travail des requérants, refusée par eux, s'inscrivait dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise, nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, compte tenu, d'une part, de l'entrée en vigueur de nouvelles normes, issues du droit de l'Union européenne, imposant de modifier la structure des rémunérations des salariés des entreprises d'investissement pour y augmenter, voire introduire, une part fixe, d'autre part, de la concurrence accrue sur le marché des services financiers, en raison de l'apparition de nouveaux intervenants n'étant pas des établissements bancaires et du développement de la technologie financière dite " fintech ", la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit, a porté sur les pièces des dossiers qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

6. En second lieu, la cour a relevé, par une appréciation souveraine des pièces des dossiers exempte de dénaturation, la non-conformité du mode de rémunération des salariés avec les exigences de prévention des conflits d'intérêts, qui avait fait l'objet d'observations de l'Autorité des marchés financiers, ainsi que le montant des sanctions pécuniaires et la nature des sanctions administratives, pouvant aller jusqu'à une interdiction d'exercice de l'activité, en cas de non-évolution de ce mode de rémunération. Il ressort par ailleurs des pièces des dossiers qui lui étaient soumis que les comptes de la société Milleis Patrimoine pour les exercices 2017 et 2018 faisaient apparaître une diminution continue du chiffre d'affaires entre 2016 et 2018, un résultat d'exploitation négatif et en dégradation ainsi que des pertes nettes en augmentation, dans un environnement marqué par une concurrence accrue. Par suite, la cour, dont les arrêts sont suffisamment motivés sur ce point, quand bien même ils ne se prononcent pas sur le secteur d'activité en cause, dès lors qu'eu égard à l'objet de la réorganisation, la question du périmètre du secteur d'activité est sans incidence sur le risque en cause, n'a ni commis d'erreur de droit, ni méconnu son office, ni porté une appréciation inexacte sur les faits qui lui étaient soumis, en jugeant légales les autorisations de licenciement attaquées en ce qu'elles avaient retenu que le motif économique tiré de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise était établi. En estimant en outre que les modifications des contrats de travail des requérants étaient nécessaires, sans qu'il fût établi qu'elles conduiraient nécessairement à une diminution de leurs rémunérations, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis.

Sur les autres moyens :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier concernant M. C... soumis aux juges du fond que le procès-verbal de la réunion du 5 novembre 2018 de la délégation unique du personnel de la société Milleis Patrimoine, s'il ne fait pas état d'un vote à bulletin secret sur le projet de le licencier, se bornant à mentionner qu'un vote défavorable à l'unanimité a été émis, indique, lorsqu'il rappelle l'ordre du jour de la séance, que les votes seront exprimés à bulletin secret. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la cour a dénaturé les pièces du dossier lui était soumis en estimant que le vote sur son licenciement avait eu lieu à bulletin secret.

8. En deuxième lieu, il ressort des énonciations des arrêts attaqués que la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que la société a proposé à Mme O... et MM. F..., N..., J..., B..., A... et G... plusieurs offres de reclassement, qu'ils ont refusées. En jugeant que leur employeur avait ainsi satisfait à son obligation de recherche sérieuse de reclassement, sans qu'il y ait lieu pour elle d'apprécier le périmètre du groupe au sein duquel les recherches ont été effectuées, celui-ci ayant été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi et ne pouvant être contesté qu'à l'occasion du contentieux dirigé contre ce plan, la cour, par des arrêts qui sont suffisamment motivés sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis.

9. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier concernant M. C... soumis aux juges du fond que les propositions de modification de la structure de rémunération ont été faites à l'ensemble des salariés, qu'ils détinssent ou non un mandat représentatif. Par suite, en jugeant que le lien entre le licenciement de M. C... et ses mandats n'était pas établi, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêts de la cour administrative d'appel de Paris qu'ils attaquent.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... et autres une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont les dispositions font par ailleurs obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge, d'une part, de la société Milleis Banque, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, d'autre part, de l'Etat, qui n'est pas partie aux présentes instances.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois nos 484158, 484547, 484587, 484601, 484602, 484603, 485389 et 485409 sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Milleis Banque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Milleis Banque ainsi qu'à M. D... C..., à Mme I... O... et à MM. M... F..., E... N..., K... J..., P... B..., H... A... et L... G....

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 484158
Date de la décision : 30/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2025, n° 484158
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:484158.20250730
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