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30/07/2025 | FRANCE | N°463779

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 juillet 2025, 463779


Vu la procédure suivante :



Le syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT) Groupe Air France SPASAF a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA. Par un jugement n° 2106904 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif a annulé cette déc

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Par un arrêt n° 21PA06214 du 7 mars 2022, la cour admi...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT) Groupe Air France SPASAF a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA. Par un jugement n° 2106904 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 21PA06214 du 7 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société ACNA contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 mai, 2 août et 1er décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ACNA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société ACNA et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un projet de réorganisation et un projet de plan de sauvegarde de l'emploi ont été présentés au comité social et économique central de la société ACNA le 15 février 2021 et au comité social et économique de l'établissement ACNA CDG le 16 février 2021, le projet de réorganisation conduisant à envisager la suppression de soixante-quinze emplois. Par une décision du 2 juin 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA. Par un jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a, à la demande du syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF, annulé cette décision. La société ACNA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

Sur le pourvoi :

2. D'une part, s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi devant précéder les licenciements pour motif économique de plus de dix salariés, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. " En vertu de l'article L. 1233-57-3 du même code, l'autorité administrative homologue le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, après avoir notamment vérifié " le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 (...) ". Pour l'application de ces dernières dispositions, les moyens du groupe s'entendent, ainsi qu'il est désormais prévu au treizième alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, des moyens, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises.

3. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point précédent que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre, elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire ces objectifs, compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A cet égard, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

4. D'autre part, lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise, il lui appartient, s'il est saisi de moyens tirés de ce que l'administration aurait inexactement apprécié le respect des conditions auxquelles l'homologation est subordonnée, tel le caractère suffisant des mesures contenues dans ce plan dans les conditions rappelées aux points 2 et 3, de se prononcer lui-même sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'autorité administrative sur les points en débat au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier. Il lui appartient ainsi de rechercher, au vu non de la seule motivation de la décision administrative mais de l'ensemble des pièces du dossier, si l'autorité administrative a effectivement vérifié le respect des conditions en cause et si elle a pu à bon droit considérer qu'elles étaient remplies, sans s'arrêter, sur ce dernier point, sur une erreur susceptible d'affecter, dans le détail de la motivation de la décision administrative, une étape intermédiaire de l'analyse faite par l'administration.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour se prononcer sur le moyen de la société appelante tiré de ce que le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France n'était pas tenu de prendre en compte les moyens du groupe GATE, également dénommé " Gategroup ", actionnaire majoritaire du groupe Servair, lui-même actionnaire unique de la société ACNA, pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, la cour administrative d'appel de Paris s'est bornée à relever qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment de la motivation de la décision d'homologation de ce plan ainsi que des échanges entre la société ACNA et l'administration, que celle-ci ne s'était fondée que sur les moyens dont disposaient l'entreprise et le groupe Servair pour contrôler la suffisance du plan de sauvegarde de l'emploi. Elle en a déduit que l'absence de prise en compte des moyens du groupe GATE dans l'appréciation de cette suffisance suffisait, à elle seule, à justifier l'annulation de la décision d'homologation, en raison de l'insuffisance des mesures contenues dans le plan. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de se prononcer elle-même, au vu de l'ensemble des pièces du dossier qui lui était soumis, sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration sur le caractère suffisant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux au regard des exigences rappelées aux points 2 et 3, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société ACNA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 7 mars 2022 qu'elle attaque.

7. Le délai imparti à la cour administrative d'appel par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par la société ACNA contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 14 octobre 2021.

Sur la requête d'appel de la société ACNA :

8. A supposer même que l'autorité administrative n'ait pas tenu compte des moyens du groupe international GATE dans son contrôle du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le juge de l'excès de pouvoir est tenu de rechercher, au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier, si elle a pu néanmoins à bon droit considérer que cette condition de l'homologation du plan était, en l'espèce, satisfaite au regard des exigences rappelées aux points 2 et 3.

9. En premier lieu, lors de l'examen d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, il revient seulement à l'autorité administrative, ainsi qu'il a été dit au point 3, de vérifier que l'employeur a identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise et, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, que l'employeur a procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe de reclassement, en indiquant pour tous ces postes dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation. Il s'ensuit que la méconnaissance des articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du code du travail, relatifs aux modalités de diffusion des offres de reclassement aux salariés faisant l'objet d'un licenciement pour motif économique, ne peut utilement être invoquée à l'appui d'un recours tendant à l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative homologue un plan de sauvegarde de l'emploi.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la filiale Alphair, créée par la société ACNA en 2018, a été incluse dans le périmètre du groupe de reclassement interne déterminé dans l'annexe 1 du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux. Si la liste des postes disponibles au titre du reclassement interne figurant à l'annexe 2 de ce document ne fait état d'aucun poste vacant au sein de la filiale Alphair, la société ACNA l'explique par l'absence de postes vacants correspondant aux qualifications des salariés occupant les postes dont la suppression est envisagée ou à des qualifications ou catégories d'emploi inférieures, sans être utilement contredite sur ce point par le syndicat intimé, qui se borne à faire état de postes disponibles dans le domaine de la " régulation ", activité dont il est établi qu'elle est sans lien avec les fonctions exercées par les salariés susceptibles de faire l'objet d'un licenciement dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi.

11. En troisième lieu, le syndicat intimé ne peut utilement soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi serait incomplet en ce qu'il ne comporte pas, au titre des mesures relatives aux efforts de formation et d'adaptation mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 du code du travail, des actions en faveur de la polyvalence des salariés occupant des postes appelés à être supprimés à la seule fin de les mettre en mesure d'accepter des modifications de leur contrat de travail susceptibles de les conduire à exercer d'autres fonctions pour une rémunération inférieure à celle qu'ils perçoivent aujourd'hui, les seules modifications du contrat de travail pouvant intervenir dans le cadre de la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi étant celles qu'impliquerait l'acceptation par les salariés concernés d'un reclassement sur un autre poste au sein de l'entreprise. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi prévoit, au titre de l'accompagnement au reclassement interne, le droit du salarié ayant accepté une offre de reclassement de bénéficier d'une formation d'adaptation identifiée par le service des ressources humaines de l'entreprise d'accueil, dans la limite de 3 000 euros hors taxes par salarié, sous réserve de la validation de la formation requise par un cabinet spécialisé et de son coût par la société ACNA sur la base d'au moins deux devis, et, au titre de l'accompagnement à la mobilité externe, des aides à la formation d'adaptation, dans la limite de 5 000 euros hors taxes par salarié, sous réserve de l'attestation de la pertinence des formations envisagées par l'espace mobilité emploi ou par les conditions de recrutement posées par le nouvel employeur, ainsi que des aides à la formation de reconversion, notamment pour tout suivi d'une formation diplômante ou qualifiante, dans la limite de 8 000 euros hors taxes par salarié en complément des financements publics accordés à ce titre et des sommes mobilisées dans le cadre du compte personnel de formation de l'intéressé. Par suite, les mesures que comporte le plan de sauvegarde de l'emploi au titre des efforts de formation et d'adaptation ne peuvent être regardées comme incomplètes.

12. En quatrième et dernier lieu, si le syndicat intimé soutient, avec raison, que l'administration n'a pas pris en compte les moyens du groupe GATE pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, il ressort du rapport annuel pour 2020 de ce groupe, versé au débat contradictoire en cause d'appel par la société ACNA, que celui-ci a connu une contraction de près de 69 % de son chiffre d'affaires par rapport à 2019 et a ainsi enregistré, en 2020, un résultat brut d'activité négatif d'environ 705 millions d'euros et des pertes nettes, après incorporation de différents résultats financiers eux-mêmes négatifs et après impôts, évaluées à près de 813 millions d'euros. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que le chiffrage du coût global du plan de sauvegarde de l'emploi s'établit, selon la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France qui n'est pas sérieusement contredite sur ce point, entre 1,75 million d'euros et deux millions d'euros pour soixante-quinze postes dont la suppression est envisagée, ce qui correspond à une dépense prévisionnelle moyenne de 25 000 euros par poste supprimé. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'un nombre non négligeable d'aides et indemnités prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux ont été réévaluées au cours de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel et des échanges entre la société ACNA et l'administration.

13. Prises dans leur ensemble, les mesures décrites aux points 9 à 12 sont précises, concrètes et de nature, pour les soixante-quinze salariés potentiellement concernés par les suppressions de postes envisagées, à faciliter leur reclassement et à limiter ainsi le nombre des licenciements, compte tenu des moyens du groupe international GATE.

14. Ainsi, les mesures figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi homologué pouvaient être légalement regardées par l'administration comme étant, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire les objectifs mentionnés par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail.

15. Dès lors, la société ACNA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce moyen pour annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle l'autorité administrative a homologué le document unilatéral fixant le PSE de cette société.

16. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF devant le tribunal administratif de Melun.

17. L'article L. 1233-57-3 du code du travail prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, " l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ", le 4° de cet article étant relatif au nombre des suppressions d'emploi et aux catégories professionnelles concernées. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 du même code, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

18. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des échanges entre l'administration et la société ACNA ainsi que des différentes fiches de postes communiquées par celle-ci à la demande de l'administration, que la catégorie professionnelle " supervision piste " correspond à des compétences professionnelles, dès lors qu'elle recouvre des fonctions, exercées sous l'autorité directe du responsable opérationnel ou du responsable de pôle, exigeant des compétences spécifiques afin d'assurer le management opérationnel des interventions sur piste d'équipes pluridisciplinaires selon des rotations dépendantes de la fréquence des vols et n'impliquant aucune tâche administrative d'encadrement, à la différence des fonctions exercées par d'autres superviseurs relevant des catégories " support exploitation ", " supervision cabine ", " régulation " ou " maintenance ", lesquelles se caractérisent par l'importance des tâches administratives d'encadrement. A cet égard, la circonstance que les agents de maîtrise du premier degré susceptibles d'assurer des fonctions de superviseur correspondent au même coefficient conventionnel ne suffit pas, en tout état de cause, à elle seule, à établir la permutabilité entre les fonctions assurées sur les postes relevant de la catégorie professionnelle " piste " et celles relevant d'autres catégories professionnelles existant au sein de la société ACNA. Enfin, si les requérants soutiennent que les effectifs de salariés comptabilisés dans le document unilatéral au sein des catégories professionnelles appelées à faire l'objet des suppressions de postes envisagées dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux ne tiennent pas compte de trente-deux postes occupés par des salariés considérés par la société comme " inactifs ", dont trente au titre de la catégorie professionnelle " armement " et deux au titre de la catégorie professionnelle " supervision piste ", ils n'établissent pas, en tout état de cause, dans quelle mesure l'absence de comptabilisation de ces effectifs a pu avoir une incidence sur la définition des catégories professionnelles en cause. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'illégalité entachant la définition des catégories professionnelles retenue dans le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi litigieux ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, la société ACNA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA.

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société ACNA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par la société ACNA au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 3 : La demande présentée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées, devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Paris, par la société ACNA et le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société ACNA, au syndicat Confédération française démocratique du travail Groupe Air France SPASAF et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 463779
Date de la décision : 30/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2025, n° 463779
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:463779.20250730
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