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29/07/2025 | FRANCE | N°494589

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 juillet 2025, 494589


Vu la procédure suivante :



L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a demandé à la Cour nationale du droit d'asile de réviser la décision n°s 21006682 et 21006683 du 1er septembre 2023 par laquelle elle a annulé ses décisions du 17 décembre 2020 rejetant les demandes d'asile de M. A... D... et de Mme C... B... et leur a reconnu la qualité de réfugiés ainsi qu'à leur fille mineure.



Par une décision n°s 23061860 et 23061601 du 26 mars 2024, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les demand

es de l'OFPRA.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enr...

Vu la procédure suivante :

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a demandé à la Cour nationale du droit d'asile de réviser la décision n°s 21006682 et 21006683 du 1er septembre 2023 par laquelle elle a annulé ses décisions du 17 décembre 2020 rejetant les demandes d'asile de M. A... D... et de Mme C... B... et leur a reconnu la qualité de réfugiés ainsi qu'à leur fille mineure.

Par une décision n°s 23061860 et 23061601 du 26 mars 2024, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les demandes de l'OFPRA.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. A... D... et de Mme C... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 1er septembre 2023, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu la qualité de réfugié à M. D... et à son épouse Mme B..., ressortissants libanais, ainsi qu'à leur fille mineure, au motif qu'ils étaient fondés à craindre, en cas de retour dans leur pays, d'être persécutés par le Hezbollah en raison des opinions politiques de M. D.... Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, le 27 octobre suivant, le ministère de l'intérieur a transmis à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) deux " notes blanches " mentionnant les liens existant entre M. D... et Mme B... et le Hezbollah. Soutenant que la décision du 1er septembre avait été obtenue par fraude, l'OFPRA a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours en révision. Il se pourvoit en cassation contre la décision du 26 mars 2024 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté ce recours.

2. Aux termes du second alinéa de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié dans les cas suivants : / (...) / 2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d'une fraude. / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-9 du même code : " Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l'article L. 511-8, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié résulte d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile ou du Conseil d'Etat, la juridiction peut être saisie par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par le ministre chargé de l'asile en vue de mettre fin au statut de réfugié. Les modalités de cette procédure sont fixées par décret en Conseil d'Etat ".

3. Il ressort des documents présentés par l'OFPRA à l'appui de sa demande de révision que de nombreux membres de la famille de M. D... appartiennent ou ont appartenu au Hezbollah, dont certains à un niveau très élevé de responsabilité ou dans sa branche armée. Or, lors de l'instruction de sa demande d'asile, M. D... n'avait fait état que de certains de ces liens, demeurant vague à leur égard et minorant leur importance et passant sous silence le fait qu'il était demeuré en contact avec des membres de sa famille affiliés au Hezbollah. Ainsi, selon la " note blanche " le concernant, M. D..., après son arrivée en France, est demeuré en contact avec son demi-frère, membre important de l'organisation. La Cour nationale du droit d'asile a seulement relevé à ce sujet que M. D... avait nié et niait encore les liens entre celui-ci et le Hezbollah. D'après la même " note blanche ", deux beaux-frères de M. D... seraient également membres de l'organisation alors qu'il n'avait pas donné d'indication claire à leur sujet lors de sa demande d'asile. La même note indique que M. D... serait, en France, en lien avec l'ancien garde du corps d'un haut responsable du Hezbollah et avec un individu impliqué dans cette organisation et soupçonné d'avoir financé un projet d'attentat du Hamas.

4. Eu égard à ce qui précède, en jugeant que, d'une part, M. D... avait spontanément évoqué, dès son récit initial, l'implication de sa famille dans l'organisation terroriste Hezbollah, que, d'autre part, l'OFPRA n'apportait aucun élément concret et substantiel attestant d'une volonté de dissimulation sur des éléments déterminants de son récit, tel qu'il avait été pris en compte dans la décision dont la révision était demandée et que, par suite, la fraude n'était pas établie, la Cour nationale du droit d'asile a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis. La décision par laquelle elle a refusé la révision doit donc être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 26 mars 2024 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D... et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... D... et Mme C... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juin 2025 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 29 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Emmanuel Weicheldinger

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 494589
Date de la décision : 29/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2025, n° 494589
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel Weicheldinger
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494589.20250729
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