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29/07/2025 | FRANCE | N°488526

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 juillet 2025, 488526


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune de Hitia'a O Te Ra (Polynésie française) sur sa demande du 27 janvier 2022 tendant à ce qu'il lui propose une intégration dans la fonction publique communale dans un cadre d'emploi et à un grade correspondant aux fonctions qu'il exerce réellement et d'enjoindre au maire de lui adresser cette proposition. Par un jugement n° 2200149 du

18 octobre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rej...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune de Hitia'a O Te Ra (Polynésie française) sur sa demande du 27 janvier 2022 tendant à ce qu'il lui propose une intégration dans la fonction publique communale dans un cadre d'emploi et à un grade correspondant aux fonctions qu'il exerce réellement et d'enjoindre au maire de lui adresser cette proposition. Par un jugement n° 2200149 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22PA05295 du 25 juillet 2023, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête d'appel.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Hitia'a O Te Ra la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 ;

- l'arrêté n° HC 1689 du 4 décembre 2015 du haut-commissaire de la République en Polynésie française relatif aux commissions de conciliation de la fonction publique des communes de Polynésie française ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., employé de la commune de Hitia'a O Te Ra (Polynésie française), a été informé le 15 janvier 2019 qu'il remplissait les conditions pour être intégré dans la fonction publique communale. La commune lui a proposé une intégration sur une fonction d'animateur jeunesse et sports, au grade d'adjoint. M. B... a décliné cette proposition par lettre du 31 janvier 2019 et demandé à être intégré sur les fonctions de responsable du service jeunesse et sports, en qualité d'éducateur, sur un cadre d'emploi d'agent de maîtrise (catégorie B). Le 20 février 2019, le maire, après avoir accusé réception de son courrier, l'a invité à saisir la commission de conciliation. Le 21 novembre 2019, cette dernière a émis un avis défavorable sur les conditions d'intégration proposées par la commune. Cet avis, notifié à la commune et à M. B... le 10 décembre 2019, n'a connu aucune suite. Après avoir sollicité à nouveau le maire le 27 janvier 2022, qui n'a pas répondu, M. B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet du maire sur sa demande tendant à ce que lui soit proposée une intégration dans un cadre d'emplois et à un grade correspondant aux fonctions qu'il exerce et d'enjoindre au maire de lui adresser une telle proposition. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article 75 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française : " Dans un délai de six ans au plus à compter de la publication de chaque statut particulier, les organes délibérants des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er ouvrent, par délibération, les emplois correspondants. / Chaque agent dispose d'un droit d'option qu'il exerce dans un délai d'un an à compter de la réception de la proposition de classement qui lui est adressée par l'autorité de nomination. Cette proposition est transmise à l'agent dans le délai de trois mois à compter de l'ouverture par la collectivité ou l'établissement employeur de l'emploi ou des emplois correspondant au cadre d'emplois dans lequel l'agent a vocation à être intégré. / (...) / A l'expiration du délai d'option, les agents qui n'ont pas été intégrés continuent à être employés dans les conditions prévues par le contrat de droit public dont ils bénéficient. (...) ". L'article 77 de la même ordonnance dispose que : " Il est créé, dans chaque subdivision administrative de la Polynésie française, une commission de conciliation présidée par le chef de la subdivision administrative ou son représentant qui a voix délibérative. / (...) ". Aux termes de l'article 78 du même texte : " Les commissions de conciliation se prononcent sur les contestations relatives aux conditions d'intégration dont elles sont saisies par les agents intéressés après notification des décisions prises par le maire ou le président du groupement de communes ou de l'établissement sur les demandes d'intégration. / Dans le cas mentionné au premier alinéa, le maire ou le président du groupement de communes ou de l'établissement doit statuer à nouveau sur la demande d'intégration dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de la commission. S'il ne suit pas cet avis, il doit motiver son refus ".

3. D'autre part, en vertu de l'article 2 de l'arrêté du 4 décembre 2015 du haut-commissaire de la République en Polynésie française relatif aux commissions de conciliation de la fonction publique des communes de Polynésie française, les commissions de conciliation sont présidées par le chef de la subdivision administrative ou son représentant et comprennent, en outre, trois élus et trois agents des communes, des groupements de communes et des établissements publics administratifs désignés par le président sur proposition, respectivement, des maires des communes de la subdivision administrative et des organisations syndicales siégeant au conseil supérieur de la fonction publique des communes de Polynésie française. L'article 10 du même arrêté dispose que : " Les avis de la commission sont rendus à la majorité absolue de ses membres. En cas d'égalité de vote, le président dispose d'une voix prépondérante ".

4. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours ". L'article R. 421-3 du même code dispose que : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 2 à 4 que les commissions de conciliation de la fonction publique des communes de Polynésie française doivent être qualifiées, compte tenu notamment de leurs missions, de leur composition et de leur fonctionnement, d'organisme collégial au sens et pour l'application des dispositions du 2° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative citées au point 4. Par suite, en jugeant que M. B... avait deux mois pour contester la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de Hitia'a O Te Ra pendant un mois après la notification de l'avis de la commission de conciliation, alors que, la décision du maire ne pouvant être prise que sur avis de cet organisme collégial, M. B... n'aurait, en application des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative citées au point 4, été forclos pour contester cette décision qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Hitia'a O Te Ra la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La commune de Hitia'a O Te Ra versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au maire de la commune de Hitia'a O Te Ra.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre des Outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juin 2025 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 29 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Emmanuel Weicheldinger

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 488526
Date de la décision : 29/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2025, n° 488526
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel Weicheldinger
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488526.20250729
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