Vu la procédure suivante :
L'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et l'association Wittisheim Vies et Nature ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 5 août 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin et le préfet du Haut-Rhin ont accordé à la région Grand Est une autorisation environnementale pour la réalisation de travaux de remise en navigation du canal du Rhône au Rhin entre Artzenheim et Friesenheim.
Par une ordonnance n° 2407489 du 18 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 31 octobre et 15 novembre 2024 ainsi que les 16 juin et 1er juillet 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Grand Est demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et autre ;
3°) de mettre à la charge de l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et autre une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la région Grand Est et à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, que, par un arrêté du 5 août 2024, la préfète du Bas-Rhin et le préfet du Haut-Rhin ont accordé à la région Grand Est une autorisation environnementale pour la réalisation de travaux prévus dans le cadre de la première phase du projet de remise en navigation du canal du Rhône au Rhin entre Artzenheim et Friesenheim. Par une ordonnance du 18 octobre 2024 contre laquelle la région Grand Est se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif, saisi par l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et autre d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de cet arrêté.
Sur l'intervention de la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques :
2. La ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l'ordonnance attaquée, laquelle lui a été notifiée le 18 octobre 2024. Dès lors, son intervention au soutien du pourvoi de la région Grand-Est doit être regardée comme un pourvoi en cassation contre l'ordonnance attaquée. Ce pourvoi, présenté le 11 décembre 2024, a été présenté au-delà du délai de recours prévu à l'article R. 523-1 du code de justice administrative et est, par suite, irrecevable.
Sur le pourvoi :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
4. Pour ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg s'est borné à affirmer qu'étaient propres à créer un doute sérieux sur sa légalité les moyens tirés, d'une part, de l'existence d'insuffisances affectant l'étude d'impact et ayant eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou ayant été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative et, d'autre part, de ce que le pétitionnaire aurait dû obtenir une dérogation " espèces protégées ". Ce faisant, alors que les associations requérantes invoquaient plusieurs critiques distinctes à l'encontre de l'étude d'impact, l'ordonnance attaquée ne désigne pas avec une précision suffisante le moyen dont le juge des référés a considéré qu'il était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté et est, par suite, insuffisamment motivée. De plus, en indiquant qu'était sérieux le moyen tiré de ce que le pétitionnaire était tenu de se voir délivrer une dérogation " espèces protégées ", alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que l'impact du projet serait, après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction, négligeable, le juge des référés a entaché son appréciation sur le sérieux du moyen de dénaturation. Il résulte de ce qui précède que la région Grand Est est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
7. Les associations requérantes font valoir, au titre de la condition d'urgence, que les travaux litigieux, qui ont débuté en octobre 2024, porteraient une atteinte irréversible, d'une part, à une zone humide ainsi qu'à plusieurs arbres situés en rive ouest du bief 64, d'autre part, à l'habitat du martin-pêcheur identifié près de la nouvelle écluse 74 bis. Toutefois, il ne résulte pas des pièces du dossier, au vu notamment des mesures protectrices que la région justifie avoir prises, qu'un tel risque puisse être regardé comme de nature à créer une situation d'urgence. Par suite, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la fin de non-recevoir opposée par les préfets du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et par la région Grand Est, ni sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, que la demande de l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et de l'association Wittisheim Vies et Nature doit être rejetée.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la région dirigées contre l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et autre au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques n'est pas admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 18 octobre 2024 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et l'association Wittisheim Vies et Nature devant le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg et les conclusions de la région Grand Est et l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr et autre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Grand Est, à l'association Porte du Ried Nature Association pour la protection de l'environnement et du cadre de vie de Holtzwihr, première défenderesse dénommée, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 22 juillet 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo