La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2025 | FRANCE | N°500168

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 21 juillet 2025, 500168


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 juin 2022 par laquelle le préfet de la région Pays-de-la-Loire, préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande d'échange de son permis de conduire algérien contre un permis de conduire français, ainsi que la décision de rejet née du silence conservé par ce préfet sur son recours gracieux. Par un jugement n° 2209311 du 17 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé l

a décision du 24 juin 2022.



Par un pourvoi enregistré le 30 d...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 juin 2022 par laquelle le préfet de la région Pays-de-la-Loire, préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande d'échange de son permis de conduire algérien contre un permis de conduire français, ainsi que la décision de rejet née du silence conservé par ce préfet sur son recours gracieux. Par un jugement n° 2209311 du 17 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision du 24 juin 2022.

Par un pourvoi enregistré le 30 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Il soutient que le jugement du tribunal administratif de Lille qu'il attaque est entaché :

- d'erreur de droit en ce qu'il fait application des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen en vigueur à la date de la demande d'échange du permis de conduire, alors qu'il appartient au préfet qui statue sur une telle demande de faire application des textes en vigueur à la date de sa décision ;

- d'erreur de droit en ce qu'en faisant application des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 en vigueur à la date du dépôt de la demande, il retient qu'elles ne comportaient pas de dispositions spécifiques pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, alors que de telles dispositions figuraient à l'article 11 de cet arrêté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2025, M. B... conclut au rejet du pourvoi et à ce que l'Etat verse la somme de 3 600 euros à son avocat, Me Carbonnier, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 24 juin 2022 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'échange de son permis de conduire algérien contre un permis de conduire français, ainsi que la décision de rejet née du silence conservé par ce préfet sur son recours gracieux. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 septembre 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision du 24 juin 2022.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction ". Il en résulte que seule la notification du jugement au ministre de l'intérieur est susceptible de faire courir le délai de deux mois qui lui est imparti pour se pourvoir en cassation, en vertu des dispositions de l'article R. 821-1 du même code.

3. Il ressort des pièces du dossier des juges du fond que le jugement attaqué a été notifié au " centre d'expertise et de ressources titres échanges de permis de conduire étrangers " de la préfecture de Loire-Atlantique et non au ministre. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. B..., tirée de ce que le pourvoi du ministre serait tardif, doit être écartée.

Sur le pourvoi :

4. D'une part, sauf dispositions expresses contraires, il appartient à l'autorité administrative de statuer sur les demandes dont elle est saisie en faisant application des textes en vigueur à la date de sa décision. Il en va notamment ainsi, en l'absence de texte y dérogeant, des décisions que l'administration est amenée à prendre, implicitement ou expressément, sur les demandes d'échange de permis de conduire qui lui sont présentées en application des dispositions de l'article R. 222-3 du code de la route et de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen.

5. D'autre part, si l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date ", le dépôt d'une demande d'échange de permis de conduire ne saurait être regardé comme instituant, au profit du demandeur, une situation juridique définitivement constituée à la date de sa demande.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que, pour statuer sur la demande d'échange de permis de conduire présentée par M. B..., le préfet aurait dû faire application des dispositions de l'arrêté du 12 janvier 20212 dans leur rédaction en vigueur à la date du dépôt de sa demande, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

Sur le règlement du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " I. ' Tout titulaire d'un permis de conduire délivré régulièrement au nom d'un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre un permis de conduire français dans le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France. / II. ' A. ' Pour les ressortissants étrangers non-ressortissants de l'Union européenne, la date d'acquisition de la résidence normale est celle de la remise du premier titre de séjour. (...) ". Toutefois, aux termes de l'article 11 du même arrêté, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le délai d'un an pour la reconnaissance et la demande d'échange du permis de conduire pour les bénéficiaires du statut de réfugié, pour les apatrides et les étrangers ayant obtenu la protection subsidiaire, court à compter de la date de remise du récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour portant la mention "reconnu réfugié" ou la mention "a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire" ou la mention "a demandé la délivrance d'un premier titre de séjour bénéficiaire du statut d'apatride". (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 février 2020, a reçu notification le 10 février 2020 du récépissé constatant la reconnaissance de cette protection internationale. Il en résulte que, à la date du 3 janvier 2022, à laquelle il a déposé la demande d'échange de son permis de conduire algérien contre un permis de conduire français, le délai d'un an prévu par les dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 12 janvier 2012 citées au point précédent était expiré, de sorte que sa demande ne pouvait qu'être rejetée. Il n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 juin 2022 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande et de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 septembre 2024 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 500168
Date de la décision : 21/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2025, n° 500168
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:500168.20250721
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award