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21/07/2025 | FRANCE | N°497246

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 21 juillet 2025, 497246


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser la somme de 92 314 euros, à réévaluer au jour du jugement, en réparation des préjudices subis du fait de son absence de relogement, alors qu'il a été reconnu prioritaire et devant être relogé en urgence par une décision de la commission de médiation de l'Isère. Par un jugement n° 2200575 du 23 avril 2024, le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire, un mémoir

e complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 27 août et 1...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser la somme de 92 314 euros, à réévaluer au jour du jugement, en réparation des préjudices subis du fait de son absence de relogement, alors qu'il a été reconnu prioritaire et devant être relogé en urgence par une décision de la commission de médiation de l'Isère. Par un jugement n° 2200575 du 23 avril 2024, le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 27 août et 18 novembre 2024, 15 avril et 6 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande, réévaluée à la somme de 294 877, 22 euros, à réévaluer à la date de la décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Marlange, de la Burgade, son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-617 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été reconnu prioritaire et devant être relogé en urgence, sur le fondement de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, par une décision du 25 novembre 2019 de la commission de médiation de l'Isère, au motif que sa demande de logement social n'avait pas reçu de réponse dans le délai réglementaire. Arguant de la carence de l'Etat dans la mise en œuvre de cette décision, M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de le condamner à lui verser 92 314 euros en réparation du préjudice subi du fait de son absence de relogement. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 avril 2024 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif qu'il devait être regardé comme s'étant opposé, sans motif légitime, à l'attribution d'un logement social qui lui a été proposé le 15 janvier 2020, faute d'avoir transmis à l'opérateur de logement social les pièces nécessaires à l'établissement de son dossier.

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application / (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ".

3. Il ressort des pièces de la procédure que M. B... a produit une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2024. Le jugement attaqué ne vise pas cette note en délibéré. Il est dès lors entaché d'irrégularité.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, que l'intéressé ait ou non fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à compter de l'expiration du délai de trois ou six mois à compter de la décision de la commission de médiation que les dispositions de l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation impartissent au préfet pour provoquer une offre de logement. Dans le cas où le demandeur a été reconnu prioritaire au seul motif que sa demande de logement social n'avait pas reçu de réponse dans le délai réglementaire, son maintien dans le logement où il réside ne peut être regardé comme entraînant des troubles dans ses conditions d'existence lui ouvrant droit à réparation que si ce logement est inadapté au regard notamment de ses capacités financières et de ses besoins.

7. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui a été reconnu prioritaire pour un relogement au seul motif que sa demande de logement social n'avait pas reçu de réponse, est resté logé depuis la décision de la commission de médiation, avec son épouse et ses trois enfants mineurs, dans un appartement de trois pièces et d'une surface de 64 mètres carrés pour un loyer d'un peu plus de 400 euros par moins, correspondant à environ un quart des revenus mensuels du foyer. Dès lors que ce logement ne peut ainsi être regardé comme inadapté à ses besoins et capacités, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il n'est pas fondé à demander l'indemnisation des troubles dans ses conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission.

8. Si, par ailleurs, M. B... demande l'indemnisation du préjudice qui résulterait de l'impossibilité pour son épouse d'exercer sa profession d'assistante maternelle, il résulte de l'instruction que l'agrément d'assistante maternelle délivré le 16 janvier 2019 pour une durée de cinq ans autorisait celle-ci à accueillir deux enfants mineurs de tous âges dans le logement mentionné au point précédent, de sorte que le préjudice invoqué ne peut en tout état de cause être regardé comme établi.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui payer la somme qu'il demande en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 avril 2024 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 497246
Date de la décision : 21/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2025, n° 497246
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497246.20250721
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