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16/07/2025 | FRANCE | N°500427

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 16 juillet 2025, 500427


Vu la procédure suivante :



Mme E... N... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er mars 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine Saint Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au proviseur de lui verser la somme globale de 2 063,46 euros, augmentée des int

érêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires...

Vu la procédure suivante :

Mme E... N... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er mars 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine Saint Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au proviseur de lui verser la somme globale de 2 063,46 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que la somme de 98,26 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er janvier 2021.

Mme G... I... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er février 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine-Saint-Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " et, d'autre part, d'enjoindre au proviseur de lui verser la somme globale de 4 475,65 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que la somme de 263,27 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er janvier 2021.

Mme B... S... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er mars 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine Saint Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au proviseur de lui verser la somme globale de 491,30 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour l'année scolaire 2020-2021, ainsi que la somme de 98,26 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er janvier 2021.

Mme C... K... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er février 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine-Saint-Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au proviseur de lui verser la somme globale de 4 212,37 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour l'année scolaire 2019-2020, ainsi que la somme de 263,27 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er février 2021.

Mme Sonda Ben Jedidia-Drira a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 janvier 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine-Saint-Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au recteur de lui verser la somme globale de 2 259,98 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que la somme de 122,83 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er décembre 2020.

Mme J... H... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 février 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au recteur de lui verser la somme globale de 9 469,89 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que la somme de 321,35 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er janvier 2021.

Mme D... L... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er février 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au recteur de lui verser la somme globale de 3 080,94 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que la somme de 119,94 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er décembre 2020.

Mme F... P... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 janvier 2021 par laquelle le proviseur du lycée Gustave Eiffel, à Gagny (Seine-Saint-Denis), a refusé de lui accorder une indemnité de sujétions pour ses fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap dans un établissement relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " et, d'autre part, d'enjoindre au proviseur de lui verser la somme globale de 7 960,28 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette indemnité pour les années scolaires 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que la somme de 329,09 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de cette même indemnité pour chaque mois à compter du 1er janvier 2021.

Par un jugement nos 2104096, 2104170, 2104172, 2104226, 2104235, 2104369, 2104446, 2104488, 2104590, 2104672 et 2104792 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif a rejeté ces différentes demandes.

Par un arrêt nos 23PA00647, 23PA00648, 23PA00649, 23PA00650, 23PA00651, 23PA00652, 23PA00653, 23PA00654 du 8 novembre 2024, la cour administrative d'appel de Paris, sur appels de Mmes N..., I..., S..., K..., Ben Jedidia-Drira, H..., L... et P..., a annulé ce jugement ainsi que les décisions contestées du proviseur du lycée Gustave Eiffel et du recteur de l'académie de Créteil puis a enjoint au recteur de verser aux requérantes, dans un délai de deux mois l'indemnité de sujétions, majorée au taux de l'intérêt légal à compter de chaque demande, qu'elles auraient dû percevoir depuis qu'elles ont été recrutées en qualité d'accompagnantes d'élèves en situation de handicap et affectées au sein d'établissements relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire " ou " Réseau d'éducation prioritaire renforcé ", dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur au titre des périodes concernées par chaque demande.

Par un pourvoi, enregistré le 9 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler cet arrêt ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 4 de cet arrêt enjoignant au recteur de Créteil de verser aux requérantes l'indemnité de sujétions majorée au taux de l'intérêt légal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 ;

- le décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 ;

- le décret n° 2021-825 du 28 juin 2021 ;

- le décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, Feliers, avocat de Mmes N..., S..., K..., H... et P... et du syndicat Sud Education 93 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que Mmes N..., I..., S..., K..., Ben Jedidia-Drira, H..., L... et P..., agentes contractuelles recrutées en qualité d'accompagnantes des élèves en situation de handicap dans des écoles ou des établissements relevant respectivement des programmes " Réseau d'éducation prioritaire " (REP) ou " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " (REP+), ont demandé à l'administration de leur allouer l'indemnité de sujétions prévue par le décret du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans ces écoles et ces établissements. Par huit décisions des 26 et 28 janvier, 1er et 12 février et 1er mars 2021, le recteur de l'académie de Créteil et le proviseur du lycée Gustave Eiffel à Gagny (Seine-Saint-Denis) ont refusé de leur accorder l'indemnité demandée. Par un jugement du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des refus. La ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 novembre 2024, par lequel la cour administrative d'appel de Paris, sur appel des huit intéressées, a annulé ce jugement ainsi que les décisions contestées du recteur de l'académie de Créteil et du proviseur du lycée Gustave Eiffel puis a enjoint au recteur de verser aux requérantes, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, l'indemnité de sujétions demandée, majorée au taux de l'intérêt légal à compter de chaque demande.

Sur le pourvoi :

En ce qui concerne la méconnaissance du principe d'égalité :

2. D'une part, en vertu des dispositions des articles 1er et 6 du décret du 28 août 2015 dans leur rédaction applicable au litige, une indemnité de sujétions est allouée aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d'éducation, aux personnels de direction, aux personnels administratifs et techniques, sociaux et de santé, ainsi qu'aux psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et apprentissage " qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant, respectivement, du programme REP+ ou du programme REP. En vertu de l'article 11 du même décret, cette indemnité de sujétions est allouée aux psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle " ainsi qu'aux personnels sociaux et de santé qui, même sans être affectés dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP, exercent leurs fonctions dans au moins une de ces écoles ou un de ces établissements.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 29 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale : " Des agents contractuels peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, en application des articles 4, 6, 6 bis, 6 quater et 6 quinquies de la loi du 11 janvier 1984 (...) ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les agents contractuels régis par le présent décret perçoivent, dans les mêmes conditions que les agents titulaires exerçant les mêmes fonctions, les primes et indemnités dont ces derniers bénéficient, sauf disposition réglementaire en réservant expressément le bénéfice aux seuls fonctionnaires ". En conséquence de ces dispositions, les agents contractuels exerçant des fonctions d'enseignement, d'orientation et d'éducation dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP bénéficient de l'indemnité de sujétions prévue par le décret du 28 août 2015.

4. Enfin, aux termes de l'article L. 917-1 du code de l'éducation : " Des accompagnants des élèves en situation de handicap sont recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire. Ils sont recrutés par l'Etat, par les établissements d'enseignement mentionnés au chapitre II du titre Ier et au titre II du livre IV de la deuxième partie ou par les établissements mentionnés à l'article L. 442-1. Lorsqu'ils sont recrutés par ces établissements, leur recrutement intervient après accord du directeur académique des services de l'éducation nationale. / (...) Ils peuvent exercer leurs fonctions dans l'établissement qui les a recrutés, dans un ou plusieurs autres établissements ainsi que, compte tenu des besoins appréciés par l'autorité administrative, dans une ou plusieurs écoles. Dans ce dernier cas, les directeurs d'école peuvent participer à la procédure de recrutement. / (...) Ils sont recrutés par contrat d'une durée de trois ans, renouvelable une fois. Lorsque l'Etat conclut un nouveau contrat avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap en vue de poursuivre ces missions le contrat est à durée indéterminée. Pour l'appréciation de la durée des six ans, les services accomplis à temps incomplet et à temps partiel sont assimilés à des services à temps complet. Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions n'excède pas quatre mois (...) / Les services accomplis en qualité d'assistant d'éducation pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap sont assimilés à des services accomplis en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap. / Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont régis par les dispositions réglementaires générales applicables aux agents contractuels de l'Etat prises pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, sous réserve de dérogations prévues par le décret mentionné au dernier alinéa du présent article (...) ".

5. L'article 1er du décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap prévoit que ces accompagnants accomplissent " dans les établissements d'enseignement et dans les écoles, sous la direction des autorités chargées de l'organisation du service, des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de la circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017 intitulée " missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap " ou de celle n° 2019-090 du 5 juin 2019 intitulée " cadre de gestion des personnels exerçant des missions d'accompagnement d'élèves en situation de handicap ", que ces accompagnants, qui appartiennent à la communauté éducative, contribuent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation des élèves en situation de handicap, participent aux réunions des équipes de suivi de la scolarisation et ont pour mission d'assurer les conditions de sécurité et de favoriser la mobilité des élèves concernés, de concourir à l'accès de ces élèves aux activités d'apprentissage et de les assister dans les activités de la vie sociale et relationnelle, ce qui implique une attention constante portée aux interactions entre les élèves et leur environnement.

6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.

7. Le décret du 28 août 2015 a institué une indemnité, dite de sujétions, au bénéfice de catégories de personnel qu'il énumère et qui sont affectés ou exercent dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP. Cette indemnité vise, d'une part, à prendre en compte les sujétions particulières attachées aux conditions d'exercice par ces agents de leurs fonctions et à les inciter à demander une affectation et à servir durablement dans les écoles ou établissements concernés, de façon à y améliorer la stabilité des équipes pédagogiques et de vie scolaire, et, d'autre part, à la suite de la modification du décret du 28 août 2015 par le décret du 28 juin 2021, à valoriser l'engagement professionnel collectif des équipes exerçant dans une école ou un établissement relevant du programme REP+.

8. Le décret du 28 août 2015, dans sa rédaction applicable au litige, accorde le bénéfice de cette indemnité de sujétions à l'ensemble des personnels enseignants, des conseillers principaux d'éducation, des personnels de direction, des personnels administratifs et techniques, sociaux et de santé, ainsi que des psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et apprentissage " qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP. En vertu des dispositions du décret du 29 août 2016, les agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans ces mêmes écoles ou établissements bénéficient également de cette indemnité de sujétions, sans qu'y fasse obstacle, le cas échéant, la circonstance qu'ils soient recrutés par contrat à durée déterminée.

9. Eu égard à la nature de leurs missions et aux conditions d'exercice de leurs fonctions, les accompagnants des élèves en situation de handicap exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l'indemnité de sujétions en application des décrets du 28 août 2015 et du 29 août 2016. Ils participent en outre à l'engagement professionnel collectif de ces équipes. Les circonstances tenant à la particularité de leur statut et à leurs conditions de recrutement ne sont pas de nature, étant donné l'objet de l'indemnité instituée par le décret du 28 août 2015, à justifier de les exclure du bénéfice de cette indemnité.

10. Par suite, en jugeant que le pouvoir réglementaire, en excluant les accompagnants des élèves en situation de handicap des catégories de personnel bénéficiant de l'indemnité de sujétions, avait créé une différence de traitement sans rapport avec l'objet du texte qui institue cette indemnité et avait méconnu le principe d'égalité, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

En ce qui concerne l'injonction prononcée :

11. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a retenu que la méconnaissance du principe d'égalité entachant le décret du 28 août 2015, en tant qu'il avait exclu les accompagnants des élèves en situation de handicap des catégories de personnel bénéficiant de l'indemnité de sujétions, impliquait nécessairement de verser cette indemnité aux requérantes " dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur au titre des périodes concernées par les demandes ", c'est-à-dire aux taux et montants fixés pour les catégories alors bénéficiaires. En statuant ainsi, alors que le rétablissement de l'égalité de traitement pour l'ensemble des agents concernés, n'impliquait pas, par lui-même, que les taux et montants de l'indemnité de sujétions fussent fixés à un niveau identique pour toutes les catégories de personnel en bénéficiant, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, la ministre est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le règlement au fond :

13. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

14. La présente décision implique nécessairement d'enjoindre à l'Etat de verser à Mmes N..., I..., S..., K..., Ben Jedidia-Drira, H..., L... et P... une indemnité permettant de rétablir l'égalité de traitement pour ces agentes, au titre de la période comprise entre le 1er septembre 2015, date à laquelle est entré en vigueur le décret du 28 août 2015, et le 31 décembre 2022 inclus, dernier jour précédant l'entrée en vigueur du décret du 8 décembre 2022 qui a modifié le décret du 28 août 2015 pour inclure les accompagnants des élèves en situation de handicap parmi les bénéficiaires de l'indemnité de sujétions. La période comprise entre ces dates et susceptible de donner lieu au versement de l'indemnité rétablissant l'égalité de traitement est celle, mentionnée dans les demandes respectives des intéressées, durant laquelle celles-ci ont effectivement exercé des fonctions d'accompagnantes des élèves en situation de handicap dans des écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP. Les montants alloués incluront une majoration au titre des intérêts de nature à réparer le retard dans le versement des sommes dues. Le versement interviendra dans un délai de six mois à compter de la présente décision.

Sur les frais de l'instance :

15. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, une somme de 500 euros à verser à Mmes N..., S..., K..., H... et El Minouni Lecomte, chacune, au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 novembre 2024 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à l'Etat de verser, dans un délai de six mois, à Mmes N..., I..., S..., K..., Ben Jedidia-Drira, H..., L... et P... une indemnité dans les conditions définies au point 14 de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mmes N..., S..., K..., H... et El Minouni Lecomte une somme de 500 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties présentées devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mmes E... N..., G... I..., B... S..., C... K..., Sonda Ben Jedidia-Drira, J... H..., D... L..., F... P... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 500427
Date de la décision : 16/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LE SERVICE PUBLIC - ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES AGENTS PUBLICS - INDEMNITÉ DE SUJÉTIONS EN FAVEUR EN FAVEUR DES PERSONNELS EXERÇANT EN REP ET REP + – EXCLUSION DES AESH DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES – PRINCIPE D’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI – 1) MÉCONNAISSANCE – EXISTENCE [RJ1] – 2) RÉTABLISSEMENT DE L’ÉGALITÉ – MODALITÉS – A) OCTROI DES TAUX ET MONTANTS FIXÉS POUR LES CATÉGORIES ALORS BÉNÉFICIAIRES – ABSENCE [RJ2] – B) INJONCTION FAITE À L’ETAT DE VERSER À CES AGENTS UNE INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE PERMETTANT DE RÉTABLIR CETTE ÉGALITÉ SUR LA PÉRIODE DU 1ER SEPTEMBRE 2015 AU 31 DÉCEMBRE 2022 – CONDITIONS – INTÉRÊTS DE RETARD – EXIGENCE D’INTERVENTION DU VERSEMENT DANS LES SIX MOIS.

01-04-03-03-02 1) Eu égard à la nature de leurs missions et aux conditions d’exercice de leurs fonctions, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire » (REP) et « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » (REP +) sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l’indemnité de sujétions en application des décrets n° 2015-1087 du 28 août 2015 et n° 2016-1171 du 29 août 2016. Ils participent en outre à l’engagement professionnel collectif de ces équipes. Les circonstances tenant à la particularité de leur statut et à leurs conditions de recrutement ne sont pas de nature, étant donné l’objet de l’indemnité instituée par le décret du 28 août 2015, à justifier de les exclure du bénéfice de cette indemnité. ...Par suite, le pouvoir réglementaire, en excluant les AESEH des catégories de personnel bénéficiant de l’indemnité de sujétions, a créé une différence de traitement sans rapport avec l’objet du texte qui institue cette indemnité et a méconnu le principe d’égalité....2) a) Le rétablissement de l’égalité de traitement pour l’ensemble des agents concernés, n’implique pas, par lui-même, que les taux et montants de l’indemnité de sujétions soient fixés à un niveau identique pour toutes les catégories de personnel en bénéficiant. ...b) La présente décision implique nécessairement d’enjoindre à l’Etat de verser aux AESH en ayant fait la demande une indemnité permettant de rétablir l’égalité de traitement pour ces agents, au titre de la période comprise entre le 1er septembre 2015, date à laquelle est entré en vigueur le décret du 28 août 2015, et le 31 décembre 2022 inclus, dernier jour précédant l’entrée en vigueur du décret du 8 décembre 2022 qui a modifié le décret du 28 août 2015 pour inclure les AESH parmi les bénéficiaires de l’indemnité de sujétions. La période comprise entre ces dates et susceptible de donner lieu au versement de l’indemnité rétablissant l’égalité de traitement est celle, mentionnée dans les demandes respectives des intéressées, durant laquelle celles-ci ont effectivement exercé des fonctions d’accompagnantes des élèves en situation de handicap dans des écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP. Les montants alloués incluront une majoration au titre des intérêts de nature à réparer le retard dans le versement des sommes dues. Le versement interviendra dans un délai de six mois à compter de la décision du Conseil d’Etat.

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTIONS GÉNÉRALES RELATIVES AU PERSONNEL - INDEMNITÉ DE SUJÉTIONS EN FAVEUR EN FAVEUR DES PERSONNELS EXERÇANT EN REP ET REP + – EXCLUSION DES AESH DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES – PRINCIPE D’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI – 1) MÉCONNAISSANCE – EXISTENCE [RJ1] – 2) RÉTABLISSEMENT DE L’ÉGALITÉ – MODALITÉS – A) OCTROI DES TAUX ET MONTANTS FIXÉS POUR LES CATÉGORIES ALORS BÉNÉFICIAIRES – ABSENCE [RJ2] – B) INJONCTION FAITE À L’ETAT DE VERSER À CES AGENTS UNE INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE PERMETTANT DE RÉTABLIR CETTE ÉGALITÉ SUR LA PÉRIODE DU 1ER SEPTEMBRE 2015 AU 31 DÉCEMBRE 2022 – CONDITIONS – INTÉRÊTS DE RETARD – EXIGENCE D’INTERVENTION DU VERSEMENT DANS LES SIX MOIS.

30-01-02 1) Eu égard à la nature de leurs missions et aux conditions d’exercice de leurs fonctions, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire » (REP) et « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » (REP +) sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l’indemnité de sujétions en application des décrets n° 2015-1087 du 28 août 2015 et n° 2016-1171 du 29 août 2016. Ils participent en outre à l’engagement professionnel collectif de ces équipes. Les circonstances tenant à la particularité de leur statut et à leurs conditions de recrutement ne sont pas de nature, étant donné l’objet de l’indemnité instituée par le décret du 28 août 2015, à justifier de les exclure du bénéfice de cette indemnité. ...Par suite, le pouvoir réglementaire, en excluant les AESEH des catégories de personnel bénéficiant de l’indemnité de sujétions, a créé une différence de traitement sans rapport avec l’objet du texte qui institue cette indemnité et a méconnu le principe d’égalité....2) a) Le rétablissement de l’égalité de traitement pour l’ensemble des agents concernés, n’implique pas, par lui-même, que les taux et montants de l’indemnité de sujétions soient fixés à un niveau identique pour toutes les catégories de personnel en bénéficiant. ...b) La présente décision implique nécessairement d’enjoindre à l’Etat de verser aux AESH en ayant fait la demande une indemnité permettant de rétablir l’égalité de traitement pour ces agents, au titre de la période comprise entre le 1er septembre 2015, date à laquelle est entré en vigueur le décret du 28 août 2015, et le 31 décembre 2022 inclus, dernier jour précédant l’entrée en vigueur du décret du 8 décembre 2022 qui a modifié le décret du 28 août 2015 pour inclure les AESH parmi les bénéficiaires de l’indemnité de sujétions. La période comprise entre ces dates et susceptible de donner lieu au versement de l’indemnité rétablissant l’égalité de traitement est celle, mentionnée dans les demandes respectives des intéressées, durant laquelle celles-ci ont effectivement exercé des fonctions d’accompagnantes des élèves en situation de handicap dans des écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP. Les montants alloués incluront une majoration au titre des intérêts de nature à réparer le retard dans le versement des sommes dues. Le versement interviendra dans un délai de six mois à compter de la décision du Conseil d’Etat.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - INDEMNITÉS ET AVANTAGES DIVERS - INDEMNITÉ DE SUJÉTIONS EN FAVEUR EN FAVEUR DES PERSONNELS EXERÇANT EN REP ET REP + – EXCLUSION DES AESH DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES – PRINCIPE D’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI – 1) MÉCONNAISSANCE – EXISTENCE [RJ1] – 2) RÉTABLISSEMENT DE L’ÉGALITÉ – MODALITÉS – A) OCTROI DES TAUX ET MONTANTS FIXÉS POUR LES CATÉGORIES ALORS BÉNÉFICIAIRES – ABSENCE [RJ2] – B) INJONCTION FAITE À L’ETAT DE VERSER À CES AGENTS UNE INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE PERMETTANT DE RÉTABLIR CETTE ÉGALITÉ SUR LA PÉRIODE DU 1ER SEPTEMBRE 2015 AU 31 DÉCEMBRE 2022 – CONDITIONS – INTÉRÊTS DE RETARD – EXIGENCE D’INTERVENTION DU VERSEMENT DANS LES SIX MOIS.

36-08-03 1) Eu égard à la nature de leurs missions et aux conditions d’exercice de leurs fonctions, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire » (REP) et « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » (REP +) sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l’indemnité de sujétions en application des décrets n° 2015-1087 du 28 août 2015 et n° 2016-1171 du 29 août 2016. Ils participent en outre à l’engagement professionnel collectif de ces équipes. Les circonstances tenant à la particularité de leur statut et à leurs conditions de recrutement ne sont pas de nature, étant donné l’objet de l’indemnité instituée par le décret du 28 août 2015, à justifier de les exclure du bénéfice de cette indemnité. ...Par suite, le pouvoir réglementaire, en excluant les AESEH des catégories de personnel bénéficiant de l’indemnité de sujétions, a créé une différence de traitement sans rapport avec l’objet du texte qui institue cette indemnité et a méconnu le principe d’égalité....2) a) Le rétablissement de l’égalité de traitement pour l’ensemble des agents concernés, n’implique pas, par lui-même, que les taux et montants de l’indemnité de sujétions soient fixés à un niveau identique pour toutes les catégories de personnel en bénéficiant. ...b) La présente décision implique nécessairement d’enjoindre à l’Etat de verser aux AESH en ayant fait la demande une indemnité permettant de rétablir l’égalité de traitement pour ces agents, au titre de la période comprise entre le 1er septembre 2015, date à laquelle est entré en vigueur le décret du 28 août 2015, et le 31 décembre 2022 inclus, dernier jour précédant l’entrée en vigueur du décret du 8 décembre 2022 qui a modifié le décret du 28 août 2015 pour inclure les AESH parmi les bénéficiaires de l’indemnité de sujétions. La période comprise entre ces dates et susceptible de donner lieu au versement de l’indemnité rétablissant l’égalité de traitement est celle, mentionnée dans les demandes respectives des intéressées, durant laquelle celles-ci ont effectivement exercé des fonctions d’accompagnantes des élèves en situation de handicap dans des écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP. Les montants alloués incluront une majoration au titre des intérêts de nature à réparer le retard dans le versement des sommes dues. Le versement interviendra dans un délai de six mois à compter de la décision du Conseil d’Etat.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2025, n° 500427
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Cyrille Beaufils
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, FELIERS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:500427.20250716
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