Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 2 août et 30 octobre 2024 et le 15 janvier 2025 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 juin 2024 rapportant le décret du 15 juillet 2019 lui accordant la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant malien, a déposé une demande de naturalisation auprès de la préfecture de l'Essonne le 4 février 2019, aux termes de laquelle il indiquait être célibataire et père de trois enfants nés en France. Il a été naturalisé par décret du 15 juillet 2019 publié au Journal officiel le 16 juillet 2019. Par une lettre du 20 février 2024, notifiée le 5 mars 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a informé M. A... de son intention de saisir le Conseil d'Etat d'un projet de décret portant retrait du décret du 15 juillet 2019 lui accordant la nationalité française au motif qu'il avait omis de déclarer son mariage à Mme B... intervenu le 9 avril 2019, soit antérieurement à sa naturalisation. Par décret du 3 juin 2024, le Premier ministre a rapporté le décret du 15 juillet 2019 prononçant la naturalisation de M. A... au motif qu'il avait été obtenu par fraude. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les signatures du Premier ministre et du ministre de l'intérieur et des outre-mer ne soient apposées sur l'ampliation du décret qui a été notifiée à M. A....
4. En deuxième lieu, il ressort l'avis émis par le Conseil d'Etat sur le projet de décret rapportant le décret lui ayant conféré la nationalité française, produit par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, que le décret attaqué a été pris conformément à cet avis.
5. En troisième lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation de l'intéressée a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. La circonstance que le requérant ait adressé une demande de regroupement familial à la préfecture de l'Essonne pendant l'instruction de sa demande de naturalisation est sans incidence sur la date à compter de laquelle court ce délai. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés des éléments relatifs à son mariage, transmis par bordereau du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que le 8 juin 2022. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 3 juin 2024, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.
6. En dernier lieu, l'article 27-2 du code civil permet de rapporter, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, un décret qui a conféré la nationalité française au motif que l'intéressé a obtenu la nationalité française par mensonge ou fraude. Ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec les exigences résultant du droit de l'Union européenne, permettaient en l'espèce, eu égard à la date à laquelle le décret attaqué est intervenu et aux motifs qui le fondent, au Premier ministre, qui a procédé, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, à un contrôle de proportionnalité, de rapporter légalement le décret accordant à M. A... la nationalité française.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 juin 2024 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 15 juillet 2019 lui accordant la nationalité française. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2025 où siégeaient : Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 juillet 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Courrèges
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
Le secrétaire :
Signé : M. Guillaume Auge