Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel le préfet du Tarn-et-Garonne a suspendu, pour une durée de deux mois, l'agrément l'autorisant à exploiter l'auto-école située rue Léon Cladel à Montauban et, d'autre part, l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel le préfet lui a retiré cet agrément, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux contre cette dernière décision.
Par un jugement nos° 1900632-1906488 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2019 et annulé l'arrêté préfectoral du 4 juin 2019.
Par un arrêt n° 22TL20126 du 7 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a, d'une part, rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre ce jugement et, d'autre part, faisant droit à l'appel incident formé par M. B..., annulé l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2019 portant suspension de son agrément, ainsi que le jugement du tribunal administratif en tant qu'il avait rejeté la demande dirigée contre cet arrêté.
Par un pourvoi sommaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 janvier et 28 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il a annulé, sur appel incident, l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2019 portant suspension de l'agrément dont était titulaire M. B... pour l'exploitation d'une auto-école.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 novembre 2011, le préfet du Tam-et-Garonne a délivré à M. B... un agrément l'autorisant à exploiter " 1'auto-école du centre " située à Montauban pour l'enseignement à titre onéreux de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, agrément renouvelé par arrêté préfectoral du 2 septembre 2016. A la suite du contrôle effectué le 23 octobre 2018 par le bureau de la sécurité routière de la préfecture, le préfet du Tarn-et-Garonne a, par un arrêté du 23 janvier 2019, suspendu cet agrément pour une durée de deux mois. Par un arrêté du 4 juin 2019, le préfet a procédé au retrait de cet agrément. Par un jugement du 10 novembre 2021, faisant partiellement droit aux demandes de M. B..., le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 4 juin 2019 et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019. Par un arrêt du 7 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre ce jugement en tant qu'il annulait son arrêté du 4 juin 2019 et, faisant droit à l'appel incident formé par M. B..., annulé l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2019 portant suspension de l'agrément, ainsi que le jugement du tribunal administratif dans cette mesure. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a fait droit à l'appel incident de M. B....
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 811-10 du même code : " Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. (...) ".
3. Il ressort des pièces de la procédure que la requête d'appel a été formée, le 12 janvier 2022, par le préfet du Tarn-et-Garonne, et régularisée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, en application des dispositions de l'article R. 811-10 du code de justice administrative, par un mémoire enregistré le 10 octobre 2023, annonçant la production d'un mémoire complémentaire, lequel, enregistré le 16 octobre, soulevait à l'encontre de l'appel incident un moyen d'irrecevabilité tiré de ce qu'il portait sur un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal. Il s'ensuit que la cour, en s'abstenant d'analyser les moyens de ce dernier mémoire et de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense, a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. L'article L. 213-1 du code de la route prévoit que : " L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière ainsi que l'animation des stages de sensibilisation à la sécurité routière mentionnés à l'article L. 223-6 ne peuvent être organisés que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative. (...) " Les articles R. 213-1 et R. 213-2 de ce code précisent les conditions dans lesquelles est délivré cet agrément. L'article L. 213-2 de ce code prévoit que " les conditions et les modalités de l'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière font l'objet d'un contrat écrit (...) entre le candidat et l'établissement. Ce contrat est conclu après une évaluation préalable du candidat (...) ". L'article R. 213-3 précise les mentions que ce contrat doit comporter, relatives aux conditions et modalités de la formation dispensée. Aux termes de l'article L. 213-5 du même code : " (...) Après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, une mesure de suspension provisoire pour une durée n'excédant pas six mois peut également être prononcée par l'autorité administrative (...) pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-2 ". Et l'article 13 de l'arrêté du 8 janvier 2001 relatif à l'exploitation des établissements d'enseignement et de conduite précise que : " Le préfet peut suspendre, pour une durée maximale de six mois, l'agrément d'exploiter un établissement : / (...) 4° En cas de non-respect des articles L. 213-2 et R. 213-3 du code de la route relatifs au contrat écrit ".
7. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, par la voie d'un appel incident enregistré le 12 décembre 2022, M. B... a demandé la réformation du jugement du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2019 portant suspension de son agrément, pour des manquements relevés à l'obligation de signature d'un contrat écrit avec chacun des candidats au permis de conduire, prévue par les dispositions des articles L. 213-2 et R. 213-3 du code la route précitées. Ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal, dirigé contre le même jugement en tant seulement qu'il a annulé l'arrêté préfectoral du 4 juin 2019 procédant au retrait d'agrément pour non-conformité du programme de formation à la réglementation applicable. Présentées après l'expiration du délai d'appel ouvert contre ledit jugement, elles doivent être regardées comme tardives, et sont, dès lors, irrecevables.
8. Il en résulte que les conclusions de M. B... présentées par voie d'appel incident ne peuvent qu'être rejetées, y compris, par conséquent, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 7 novembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'appel incident présenté par M. B... devant la cour administrative d'appel de Toulouse est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 8 juillet 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
La rapporteure :
Signé : Mme Laëtitia Malleret
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café