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08/07/2025 | FRANCE | N°487936

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 08 juillet 2025, 487936


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 septembre et 1er décembre 2023 et le 20 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 3 juillet 2023 portant équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domest

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 septembre et 1er décembre 2023 et le 20 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 3 juillet 2023 portant équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements itinérants et les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements fixes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 1999/22/CE du Conseil du 29 mars 1999 ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 ;

- la décision n° 2024-1121 QPC du 14 février 2025 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association One Voice ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association One Voice ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association One Voice demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 juillet 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires portant équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements itinérants et les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements fixes.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

2. Aux termes de l'article L. 413-10 du code de l'environnement, créé par la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes : " I.- Il est interdit d'acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. / Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. / II.- Sont interdits, dans les établissements itinérants, la détention, le transport et les spectacles incluant des espèces d'animaux non domestiques. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée. / III.- Des solutions d'accueil pour les animaux visés par les interdictions prévues aux I et II sont proposées à leurs propriétaires. Ces solutions garantissent que les animaux seront accueillis dans des conditions assurant leur bien-être. / IV.- Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de la protection de la nature peut déroger aux interdictions prévues à compter de leur entrée en vigueur, lorsqu'il n'existe pas de capacités d'accueil favorables à la satisfaction de leur bien-être pour les animaux visés par les interdictions prévues aux I et II. / V.- Les certificats de capacité et les autorisations d'ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 ne peuvent être délivrés aux personnes ou aux établissements souhaitant détenir des animaux des espèces non domestiques, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. Les autorisations d'ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus. / VI.- Tout établissement itinérant détenant un animal en vue de le présenter au public procède à son enregistrement dans le fichier national mentionné au II de l'article L. 413-6 dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'environnement. / VII.- Les conditions d'application du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature ". Aux termes de l'article L. 413-11 du même code, créé par la même loi du 30 novembre 2021 : " Les établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux vivants d'espèces non domestiques sont soumis aux règles générales de fonctionnement et répondent aux caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Les modalités d'application du présent article sont précisées par voie réglementaire ".

3. Aux termes du I de l'article L. 413-2 du code de l'environnement : " Les responsables des établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que ceux des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère, doivent être titulaires d'un certificat de capacité pour l'entretien de ces animaux ". En vertu des articles R. 413-3 à R. 413-7 du même code, qui régissent les conditions et modalités de délivrance des certificats de capacité, ces derniers sont délivrés par le préfet du domicile du candidat, qui apprécie notamment la compétence du candidat pour assurer l'entretien des animaux ainsi que l'aménagement et le fonctionnement de l'établissement qui les accueille.

4. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté attaqué : " Les détenteurs d'un certificat de capacité pour la présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'un établissement itinérant titulaire d'une autorisation d'ouverture valide peuvent obtenir, sur demande adressée au préfet de département auquel il sont rattachés, un certificat de capacité pour la présentation au public au sein d'un établissement fixe, dans les mêmes conditions, c'est-à-dire pour les mêmes espèces animales non domestiques, ou pour les mêmes spécimens si cela est précisé, et pour la même durée ".

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation de la Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut donc qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, d'une part, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2024-1121 QPC du 14 février 2025, déclaré conformes à la Constitution les mots " dans les établissements itinérants " figurant à la première phrase du paragraphe II de l'article L. 413-10 du code de l'environnement et l'article L. 413-11 du même code, dans leur rédaction issue de la loi du 30 novembre 2021 précitée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par ces dispositions, des droits et libertés que la Constitution garantit ne peut qu'être écarté.

7. D'autre part, il résulte de la combinaison des dispositions du II de l'article L. 413-10 du code de l'environnement et de l'article L. 413-11 du même code, que, comme l'a d'ailleurs relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 14 février 2025, le législateur a interdit la détention et le transport des espèces d'animaux non domestiques et les spectacles les incluant, à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi du 30 novembre 2021 précitée, soit le 1er décembre 2028, aux seuls établissements itinérants, sans prévoir une semblable interdiction s'agissant des établissements fixes. L'association requérante n'est donc pas fondée à souvenir que la volonté du législateur aurait été d'interdire les spectacles d'espèces d'animaux non domestiques, tant au sein des établissements itinérants que des établissements fixes. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté, en instituant une équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements itinérants et les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements fixes, aurait méconnu la volonté du législateur ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté aurait méconnu les dispositions du V de l'article L. 413-10, lesquelles concernent la présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques dans des établissements itinérants.

8. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article 1er de l'arrêté attaqué citées au point 4 que pour prétendre à la délivrance du certificat de capacité en application de ces dispositions, le demandeur doit justifier être déjà titulaire, d'une part, d'un certificat de capacité pour la présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'un établissement itinérant et, d'autre part, d'une autorisation d'ouverture valide. Par ailleurs, le certificat de capacité délivré dans le cadre de l'arrêté attaqué comporte les mêmes conditions que celui dont est déjà titulaire le demandeur à l'équivalence, et porte ainsi pour les mêmes espèces animales non domestiques, ou pour les mêmes spécimens, et pour la même durée. En instituant un tel mécanisme d'équivalence, destiné à faciliter la mise en œuvre des dispositions législatives issues de la loi du 30 novembre 2021 ayant modifié l'article L. 413-10 du code de l'environnement, l'arrêté a prévu des conditions de délivrance, dont il appartiendra au préfet de s'assurer qu'elles sont remplies, permettant d'attester de la compétence de celui qui sollicite la délivrance d'un certificat de capacité pour la présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'un établissement fixe. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait illégalement restreint le pouvoir d'appréciation du préfet sur les capacités du demandeur et méconnu les dispositions citées au point 3 ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, l'arrêté attaqué se borne à instituer une équivalence entre les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements itinérants et les certificats de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques au sein d'établissements fixes, mais n'a ni pour objet ni pour effet de soustraire le responsable d'un établissement fixe présentant au public des animaux vivants d'espèces non domestiques à l'obtention d'une autorisation d'ouverture, dans les conditions et selon les modalités prévues par les dispositions en vigueur. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le régime juridique applicable aux établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux d'espèces non domestiques ne peut qu'être écarté. Doit, en tout état de cause, être écarté, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive du 29 mars 1999 relative à la détention d'animaux sauvages dans un environnement zoologique, applicable aux " jardins zoologiques ", c'est-à-dire aux " établissements permanents où des animaux vivants d'espèces sauvages sont détenus en vue d'être exposés au public pendant sept jours par an ou davantage, à l'exception (...) des cirques ".

10. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons, alors que l'arrêté attaqué ne modifie nullement la règlementation applicable aux établissements présentant des animaux au public, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal en tant qu'il instituerait au profit du bénéficiaire de l'équivalence une responsabilité allégée par rapport à celle résultant des dispositions applicables ne peut qu'être écarté.

11. En sixième et dernier lieu, l'arrêté attaqué, en instituant une équivalence qui ne vaut que " pour les mêmes espèces animales non domestiques, ou pour les mêmes spécimens si cela est précisé, et pour la même durée ", n'a ni pour objet ni pour effet de permettre aux titulaires en demandant le bénéfice de pouvoir obtenir un certificat de capacité de présentation au public portant sur de nouveaux spécimens d'animaux d'espèces non domestiques. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait, dans cette mesure, illégal doit donc être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association One Voice n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association One Voice est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 8 juillet 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Magalie Café


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 487936
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2025, n° 487936
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:487936.20250708
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