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24/06/2025 | FRANCE | N°487864

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 24 juin 2025, 487864


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603903 du 23 novembre 2018, ce tribunal a constaté un non-lieu à statuer à concurrence de dégrèvements intervenus en cours d'instance, prononcé la décharge partielle des impositions et pénalités en litige et rejeté le surplus des

conclusions de sa demande.



Par un arrêt n° 19LY00169 du 1er avri...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603903 du 23 novembre 2018, ce tribunal a constaté un non-lieu à statuer à concurrence de dégrèvements intervenus en cours d'instance, prononcé la décharge partielle des impositions et pénalités en litige et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 19LY00169 du 1er avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par M. B..., annulé l'article 4 de ce jugement et prononcé la décharge des impositions et pénalités restant en litige.

Par une décision n° 452964 du 20 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Par un arrêt n° 22LY03065 du 6 juillet 2023, cette cour a, de nouveau, annulé l'article 4 du jugement du 23 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble et prononcé la décharge des impositions et pénalités restant en litige.

Par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 1er septembre 2023 et les 6 septembre et 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, Feliers, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société L'Escale a fait l'objet, l'administration fiscale a réintégré dans les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. B..., associé majoritaire et gérant de cette société, au titre des années 2010, 2011 et 2012, les revenus réputés distribués par celle-ci correspondant à ses résultats non déclarés. Par un jugement du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence de dégrèvements intervenus en cours d'instance, a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles M. B... a été assujetti et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt du 1er avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé l'article 4 de ce jugement, rejetant le surplus des conclusions de la demande de M. B..., a prononcé la décharge de la totalité des impositions et pénalités restant en litige. Par une décision du 20 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon. Par un arrêt du 6 juillet 2023, cette cour a de nouveau annulé l'article 4 du jugement du 23 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble et prononcé la décharge de ces impositions et pénalités. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation des articles 1er et 2 de cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre :

" L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".

3. Il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales citées au point précédent que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger irrégulière la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. B..., la cour administrative d'appel a relevé que si la proposition de rectification du 20 décembre 2013 relative à sa situation personnelle pouvait être regardée comme se référant, pour le calcul des bases d'imposition, aux rehaussements envisagés par l'administration fiscale dans la proposition de rectification adressée à la société L'Escale à la suite de la vérification de comptabilité de cette dernière, le ministre n'apportait, en réponse à la contestation soulevée sur ce point par M. B..., aucun élément de nature à établir que cette proposition de rectification avait été effectivement reçue par celui-ci préalablement ou, au plus tard, concomitamment à la proposition de rectification relative à sa situation personnelle qui lui a été notifiée le 24 décembre 2013. La cour en a déduit que M. B... n'avait pas été mis à même de formuler ses observations sur les rectifications qui lui étaient proposées dans le délai de trente jours prévu par les dispositions des articles L. 11, L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales.

5. En premier lieu, en estimant qu'il ne résultait pas de l'instruction, contrairement à ce que soutenait le ministre, que la proposition de rectification destinée à la société L'Escale avait été reçue par M. B... préalablement ou, au plus tard, concomitamment à la proposition de rectification relative à sa situation personnelle, la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

6. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision du 20 octobre 2022 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux que celui-ci, pour juger que la cour administrative d'appel avait dénaturé la proposition de rectification relative à la situation personnelle de M. B... en estimant qu'elle était insuffisamment motivée, a relevé que l'administration fiscale avait soutenu en appel, sans être contredite, que la proposition de rectification adressée au représentant légal de la société L'Escale avait été remise en main propre à M. B..., en cette qualité, dès le 20 décembre 2013. Saisie, après renvoi de l'affaire, d'une contestation sur ce point, la cour a pu estimer, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée en cassation par le Conseil d'Etat, qu'il ne résultait pas de l'instruction que la proposition de rectification destinée à la société L'Escale avait été reçue par M. B... préalablement ou, au plus tard, concomitamment à la proposition de rectification relative à sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, le ministre fait valoir que la proposition de rectification destinée à la société L'Escale est bien parvenue à M. B... en sa qualité de gérant de la société puisque celui-ci a présenté, en cette qualité, des observations sur cette proposition de rectification par courrier du 17 février 2014, de sorte qu'il avait nécessairement connaissance des complets motifs des rectifications concernant sa situation personnelle au plus tard à cette date, en temps utile pour présenter des observations sur ces rectifications. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et le ministre ne soutient d'ailleurs pas, que l'administration fiscale aurait informé M. B... qu'il disposait, à compter de cette date, d'un nouveau délai de trente jours pour présenter ses observations sur les rectifications le concernant à titre personnel. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que M. B..., malgré la circonstance qu'il avait disposé, au plus tard le 17 février 2014, de la proposition de rectification destinée à la société L'Escale, n'avait pas été mis à même de formuler ses observations sur les rectifications le concernant à titre personnel dans le délai de trente jours prévu par les dispositions des articles L. 11, L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'il attaque.

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mai 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 24 juin 2025.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Réda Wadjinny-Green

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 487864
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2025, n° 487864
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, FELIERS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:487864.20250624
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