La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2025 | FRANCE | N°496229

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 16 juin 2025, 496229


Vu la procédure suivante :



M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le maire de Villemoisson-sur-Orge a délivré à la société par actions simplifiée Prim'Arte un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un ensemble immobilier destiné aux seniors et personnes à mobilité réduite, d'un local médical et d'un parking. Par un jugement n° 2302877 du 23 janvier 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté c

ette demande.



Par une ordonnance n° 24VE0759 du 23 juillet 2024...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le maire de Villemoisson-sur-Orge a délivré à la société par actions simplifiée Prim'Arte un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un ensemble immobilier destiné aux seniors et personnes à mobilité réduite, d'un local médical et d'un parking. Par un jugement n° 2302877 du 23 janvier 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 24VE0759 du 23 juillet 2024, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 21 mars 2024, présenté par M. et Mme B....

Par ce pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 octobre 2024 et le 30 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Villemoisson-sur-Orge et de la société Prim'Arte la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Prim'arte ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le maire de Villemoisson-sur-Orge a délivré à la société Prim'Arte un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un ensemble immobilier destiné aux seniors et personnes à mobilité réduite, d'un local médical et d'un parking. Ils se pourvoient en cassation contre le jugement du 23 janvier 2024 par lequel ce tribunal a rejeté cette demande.

2. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords (...). / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31 (...). / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 632-2 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I ", lesquelles prévoient que cet accord peut être " le cas échéant assorti de prescriptions motivées ". L'article R. 425-1 du code de l'urbanisme prévoit, de même, que lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées.

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué avait été délivré en méconnaissance de l'obligation de recueillir l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, requis lorsqu'en l'absence de périmètre délimité existe une visibilité entre le projet et un édifice, distant de moins de cinq cent mètres, classé ou inscrit au titre des monuments historiques, le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de visibilité entre le Castel d'Orgeval, classé au titre des monuments historiques, et le projet litigieux. En jugeant, pour parvenir à cette conclusion, qu'une éventuelle visibilité existant depuis le Castel d'Orgeval ne pouvait être prise en compte dès lors que cet édifice était une propriété privée non ouverte au public, alors que celle-ci doit s'apprécier à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage, le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander, pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villemoisson-sur-Orge et de la société Prim'Arte une somme de 1 500 euros chacune à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Prim'Arte au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 23 janvier 2024 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Versailles.

Article 3 : La société Prim'Arte versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La commune de Villemoisson-sur-Orge versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Prim'Arte au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et Mme C... B..., à la commune de Villemoisson-sur-Orge et à la société par actions simplifiée Prim'Arte.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 16 juin 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Boussaroque

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 496229
Date de la décision : 16/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2025, n° 496229
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496229.20250616
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award