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16/06/2025 | FRANCE | N°488125

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 16 juin 2025, 488125


Vu la procédure suivante :



La société Electricité du Centre a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 589 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à raison du refus de lui délivrer un arrêté de prescriptions complémentaires valant règlement d'eau en vue de la remise en eau de la chute sur le ruisseau dit A... " à Vierzon (Cher), et d'enjoindre au préfet du Cher de lui délivrer un tel arrêté. Par un jugement n° 1902028 du 10 juin 2021, ce tribunal a rejeté sa demand

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Par un arrêt n° 21VE02392 du 7 juillet 2023, la cour adminis...

Vu la procédure suivante :

La société Electricité du Centre a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 589 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à raison du refus de lui délivrer un arrêté de prescriptions complémentaires valant règlement d'eau en vue de la remise en eau de la chute sur le ruisseau dit A... " à Vierzon (Cher), et d'enjoindre au préfet du Cher de lui délivrer un tel arrêté. Par un jugement n° 1902028 du 10 juin 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21VE02392 du 7 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Electricité du Centre, annulé ce jugement, retenu la responsabilité pour faute de l'Etat et renvoyé la société devant le préfet du Cher pour le calcul de la somme qui lui est due au titre de la perte de bénéfice à laquelle elle peut prétendre, pour la période courant à compter du 9 novembre 2018 jusqu'à la date de son arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre et 11 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 11 septembre 2015 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Electricité du Centre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Electricité du Centre est propriétaire du moulin de l'Abricot, implanté sur le ruisseau dit A... ". Le 15 juillet 2018, elle a porté à la connaissance du préfet du Cher un dossier en vue de la remise en eau de cet ouvrage, autorisé avant le 16 octobre 1919. Par des courriers des 3 août, 12 septembre et 5 novembre 2018, le préfet du Cher a estimé que le caractère incomplet du dossier de porter-à-connaissance faisait obstacle à l'édiction d'un arrêté de prescriptions complémentaires valant règlement d'eau. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du 10 juin 2021 du tribunal administratif d'Orléans et renvoyé la SARL Electricité du Centre devant l'Etat (préfet du Cher) pour le calcul de la somme qui lui est due au titre de la perte de bénéfice à laquelle elle peut prétendre, pour la période courant à compter du 9 novembre 2018 jusqu'à la date de son arrêt.

2. Aux termes du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. (...) " Aux termes de l'article L. 215-7 du même code : " L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux. " Aux termes de l'article R. 214-18-1 de ce code : " I. - Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / II. - Le préfet, au vu de ces éléments d'appréciation, peut prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes : / 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l'installation ou à l'ouvrage et sa consistance légale ou en reconnaître le caractère autorisé avant 1919 pour une puissance inférieure à 150 kW ; / 2° Constater la perte du droit liée à la ruine ou au changement d'affectation de l'ouvrage ou de l'installation ou constater l'absence d'autorisation avant 1919 et fixer, s'il y a lieu, les prescriptions de remise en état du site ; / 3° Modifier ou abroger le droit fondé en titre ou l'autorisation en application des dispositions du II ou du II bis de l'article L. 214-4 ; / 4° Fixer, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l'article R. 181-45 ". Aux termes de l'article R. 181-45 du même code : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires du préfet (...). Ces arrêtés peuvent imposer les mesures additionnelles que le respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 rend nécessaire ou atténuer les prescriptions initiales dont le maintien en l'état n'est plus justifié. Ces arrêtés peuvent prescrire, en particulier, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations prévues à la section 2. " Enfin, l'article 14 de l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement dispose : " Pour l'application du présent chapitre, le " dossier d'information sur les incidences " correspond (...) aux éléments d'appréciation portés à la connaissance du préfet en application de l'article R. 214-18 ou de l'article R. 214-18-1. / Le détail et la précision des informations apportées sont proportionnés aux impacts prévisibles et aux enjeux du cours d'eau, en fonction des caractéristiques du projet ou de l'ouvrage existant. / Le dossier d'information sur les incidences précise les mesures correctives prévues par le pétitionnaire au regard de la prévision d'impact. / Les dispositions du présent chapitre fixent les éléments qui doivent, a minima, figurer dans le dossier d'information sur les incidences. Elles ne présentent pas un caractère exhaustif et l'autorité administrative peut exiger des éléments complémentaires au regard de l'impact prévisible de l'opération. "

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'un porter-à-connaissance relatif à la remise en eau d'un moulin hydraulique autorisé avant le 16 octobre 1919 en application de l'article R. 214-18-1 précité, il appartient au préfet de s'assurer que les informations que comporte le dossier lui permettent d'exercer les pouvoirs de police qui lui sont confiés en vue de garantir les intérêts protégés par l'article L. 211-1 du code de l'environnement, et notamment la continuité écologique du cours d'eau sur lequel est située l'installation et le libre écoulement des eaux.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt que pour relever l'illégalité du refus du préfet d'édicter des prescriptions complémentaires motivé par l'absence d'accords au dossier des gestionnaires des ouvrages permettant l'alimentation en eau du moulin de l'Abricot, la cour a estimé que le dossier présenté pour la remise en eau du moulin permettait au préfet d'établir les prescriptions encadrant cette remise en eau, motif pris notamment de ce que les autorisations et déclarations délivrées en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement, le sont sous réserve des droits des tiers. Ce faisant, la cour a commis une erreur de droit dès lors qu'elle a elle-même relevé que l'alimentation en eau du moulin, situé sur une dérivation du canal de Berry, nécessitait la manipulation de vannes dépendant de la commune de Vierzon ce qui ne permettait pas au préfet de fixer des prescriptions complémentaires pour assurer la continuité écologique et le libre écoulement des eaux sans disposer notamment des engagements de la commune de Vierzon. Par suite, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 7 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Electricité du Centre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, et à la société Electricité du Centre.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 16 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Laëtitia Malleret

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488125
Date de la décision : 16/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2025, n° 488125
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laëtitia Malleret
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488125.20250616
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