La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2025 | FRANCE | N°494132

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 13 juin 2025, 494132


Vu la procédure suivante :



Le médecin-conseil, directeur régional du service de contrôle médical d'Auvergne-Rhône-Alpes et la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère ont chacun porté plainte contre M. B... A... devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins. Par une décision du 10 novembre 2020, la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. A... la sanction de

l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pour une durée d'un...

Vu la procédure suivante :

Le médecin-conseil, directeur régional du service de contrôle médical d'Auvergne-Rhône-Alpes et la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère ont chacun porté plainte contre M. B... A... devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins. Par une décision du 10 novembre 2020, la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. A... la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pour une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis, l'a condamné à rembourser à la CPAM de l'Isère la somme de 22 069,69 euros et a ordonné la publication de cette sanction pendant une durée de dix-huit mois par voie d'affichage dans les locaux de la CPAM de l'Isère et sur le site ameli.fr.

Par une décision du 14 mars 2024, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, sur appel de M. A..., d'une part, a annulé la décision du 10 novembre 2020 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et, d'autre part, a infligé à M. A... la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis, l'a condamné à rembourser à la CPAM de l'Isère la somme de 22 069,69 euros, et a ordonné la publication de cette sanction pendant une durée de six mois, par voie d'affichage dans les locaux de la CPAM de l'Isère.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 18 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 14 mars 2024 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge solidaire du médecin-conseil, directeur régional du service de contrôle médical d'Auvergne-Rhône-Alpes et de la CPAM de l'Isère, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision attaquée est entachée :

- d'irrégularité de la procédure faute que la parole lui ait été donnée en dernier lors de la séance publique ;

- de méconnaissance par la section des assurances sociales du CNOM de son office en ce qu'elle a statué par la voie de l'évocation alors que l'affaire n'était pas en état d'être jugée ;

- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier, faute de retenir que l'absence de communication de l'identité des patients entendus et examinés par le service du contrôle médical caractérise une atteinte aux droits de la défense ;

- d'insuffisance de motivation en ce qu'elle omet de mentionner la date à laquelle la communication du nom des patients susceptibles d'être examinés est intervenue ;

- d'erreur de droit faute de rechercher si le déroulement de la procédure d'enquête préalable a affecté la valeur probante des éléments recueillis et remis en cause leur existence matérielle ou leur qualification ;

- de méconnaissance de son office par la section des assurances sociales du CNOM et d'insuffisance de motivation en ce qu'elle ne répond pas au moyen tiré de ce que les agents de la caisse ne justifiaient pas avoir été agréés et assermentés ;

- d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation en ce qu'elle sanctionne des actes prescrits ;

- d'insuffisance de motivation en ce qu'elle ne précise pas les raisons pour lesquelles les griefs tirés de la méconnaissance des dispositions du code la sécurité sociale ont été établis ;

- d'insuffisance de motivation, d'inexacte qualification juridique des faits et d'erreur de droit en ce qu'elle retient que les griefs présenteraient le caractère d'honoraires abusifs pouvant donner lieu à remboursement.

Le pourvoi a été communiqué au médecin-conseil, directeur régional du service de contrôle médical de la région Auvergne-Rhône-Alpes et à la CPAM de l'Isère, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugo Bevort, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le médecin-conseil, directeur régional du service de contrôle médical d'Auvergne-Rhône-Alpes et la directrice de la CPAM de l'Isère ont porté plainte contre M. B... A..., médecin spécialiste, qualifié en radiologie, devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance (CDPI) du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins, respectivement le 19 janvier 2018 et le 6 décembre 2018. Par une décision du 10 novembre 2020, la section des assurances sociales de la CDPI, qui a joint les plaintes, lui a infligé la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis, l'a condamné à reverser à la CPAM de l'Isère la somme de 22 069,69 euros et a ordonné la publication de cette sanction pendant une durée de dix-huit mois par voie d'affichage dans les locaux de la CPAM de l'Isère et sur le site ameli.fr. Par une décision du 14 mars 2024, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, sur appel de M. A..., d'une part, a annulé la décision du 10 novembre 2020 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et, d'autre part, a prononcé à son encontre la même sanction, assortie d'une obligation de publication dans les seuls locaux de la CPAM de l'Isère.

2. Aux termes de l'article R. 145-21 du code de la sécurité sociale : " (...) Devant les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance (...), les intéressés peuvent comparaître personnellement et se faire assister ou représenter dans les conditions prévues à l'article R. 145-28 ". En application de l'article R. 145-38 de ce code : " Les affaires sont examinées en audience publique. Toutefois, le président peut, d'office ou à la demande d'une des parties, après avoir, le cas échéant, pris l'avis du rapporteur, interdire l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public ou lorsque le respect de la vie privée ou du secret médical le justifie. " Aux termes de l'article R. 145-41 du même code : " La décision contient le nom des parties, la qualification professionnelle du professionnel de santé objet de la plainte, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne convoquée à l'audience ont été entendues. / La décision mentionne que l'audience a été publique ou, au cas contraire, comporte le visa de l'ordonnance de huis clos. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été rendue publique. / Elle mentionne les noms du président et des assesseurs. Son dispositif mentionne le nom des parties et autorités auxquelles elle est notifiée. / Le dispositif des décisions est divisé en articles et précédé du mot : " décide ". / La minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement et le secrétaire de l'audience. " L'ensemble de ces dispositions s'applique en appel, en vertu de l'article R. 145-57 du code de la sécurité sociale.

3. Si les principes généraux du droit disciplinaire impliquent que, lors de l'audience, la personne poursuivie soit mise à même de prendre la parole en dernier, aucune des dispositions du code de la sécurité sociale mentionnées au point 2 non plus qu'aucune autre disposition ni aucun principe ne font obligation à la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins de mentionner dans sa décision que la faculté offerte au praticien poursuivi de prendre la parole en dernier lui a été rappelée lors de l'audience. Par suite, la seule absence d'une telle mention dans sa décision ne permet pas de présumer que celle-ci a été rendue de manière irrégulière faute pour le praticien mis en cause d'avoir eu la possibilité de prendre la parole en dernier. En revanche, si la juridiction du contrôle technique, ainsi qu'il lui est loisible de le faire, fait figurer une telle mention dans sa décision, cette dernière fait foi jusqu'à preuve du contraire.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que M. A... n'est pas fondé à soutenir, au seul motif que les visas de la décision qu'il attaque ne mentionnent pas qu'il lui a été proposé de prendre la parole en dernier lors de l'audience, que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins aurait irrégulièrement statué sur son appel, faute qu'il soit établi qu'il lui a été offert de prendre la parole en dernier lorsqu'il a comparu devant elle.

5. Toutefois, au nombre des règles générales de procédure figure celle suivant laquelle les décisions juridictionnelles doivent être motivées. A ce titre, il appartient à la juridiction du contrôle technique de faire apparaître dans les motifs de sa décision, en tenant compte de l'argumentation développée devant elle, les considérations de droit, telles les dispositions de la législation ou de la réglementation de sécurité sociale appliquées par elles ou celles méconnues par le praticien, et de fait, pour lesquelles elle estime, d'une part, que les faits qui sont reprochés à un praticien et dont elle est saisie sont établis et fautifs, ou à l'inverse, ne le sont pas, d'autre part, lorsqu'ils le sont, les raisons pour lesquelles tout ou partie d'entre eux, qui, dans ce dernier cas, doivent être identifiés, constituent des fautes, abus, fraudes au sens des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale et, le cas échéant, des abus d'honoraires, au sens des dispositions de l'article L. 145-2 du même code.

6. En l'espèce, et alors que les juges du fond étaient saisis d'une argumentation développée du requérant, la décision attaquée se borne à relever que, pour un certain nombre de dossiers qu'elle identifie, M. A... a soit facturé des " actes par assimilation ", soit procédé à des " cotations non conformes ", soit " pratiqué des dépassements non justifiés " et à en déduire qu'il a " dès lors (...) méconnu les dispositions (...) du code de la sécurité sociale et de la CCAM [classification commune des actes médicaux] ", les autres mentions de la décision ne permettant pas d'identifier les dispositions en cause du code de la sécurité sociale ou de la CCAM. Par ailleurs, alors qu'elle avait elle-même relevé qu'une partie des faits mentionnés par la plainte de la caisse primaire étaient atteints par la prescription instituée à l'article R. 145-22 du code de la sécurité sociale, elle n'a pas précisé quels étaient les faits qu'elle distrayait à ce titre des poursuites engagées contre le praticien. Enfin, elle a mis à la charge de M. A... le reversement de la somme de 22 069,69 euros à raison de la perception d'honoraires abusifs au sens des dispositions du 4° de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale sans préciser ceux des faits qu'elle avait retenus comme fautifs qui constituaient de tels honoraires abusifs. En statuant ainsi, elle n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a insuffisamment motivé sa décision.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 14 mars 2024 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins est annulée en tant qu'elle inflige une sanction à M. A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au médecin-conseil, directeur régional du service de contrôle médical d'Auvergne-Rhône-Alpes et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 494132
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2025, n° 494132
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hugo Bevort
Rapporteur public ?: M. Cyrille Beaufils
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494132.20250613
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award