La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2025 | FRANCE | N°495196

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 11 juin 2025, 495196


Vu la procédure suivante :



M. B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 19 avril 2024 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité lui a retiré sa carte professionnelle et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer une carte professionnelle provisoire l'autorisant à exercer ses fonctions d'agent privé de sécurité, dans un délai de sept jours.



Par une ordonnance n° 2400574 du 31 mai 2024, le juge des référés du tribuna...

Vu la procédure suivante :

M. B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 19 avril 2024 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité lui a retiré sa carte professionnelle et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer une carte professionnelle provisoire l'autorisant à exercer ses fonctions d'agent privé de sécurité, dans un délai de sept jours.

Par une ordonnance n° 2400574 du 31 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 28 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national des activités privées de sécurité demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du Conseil national des activités privées de sécurité ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 19 avril 2024, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a procédé au retrait de la carte professionnelle dont était titulaire M. D... en qualité d'agent de sécurité privée au motif que les faits de violence qui lui étaient imputés et qui avaient donné lieu à une condamnation pénale prononcée à son encontre étaient, du fait de leur gravité, de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et incompatibles avec la poursuite de ses fonctions d'agent privé de sécurité, en application du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Le CNAPS se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 mai 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, faisant droit à la demande de M. D..., a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de la décision du 19 avril 2024 jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa légalité et enjoint au directeur du CNAPS de lui délivrer une carte professionnelle provisoire l'autorisant à exercer son activité professionnelle, dans un délai de sept jours.

3. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité privée de sécurité " 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative (...) que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / (...) Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. / La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° du présent article. (...) / En cas d'urgence, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité peut retirer la carte professionnelle ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. D... a été condamné, le 2 juin 2021, par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis, sans mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire, assortie d'une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de cinq ans, pour avoir, le 14 janvier 2020, " exercé volontairement des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours, en l'espèce un jour d'interruption temporaire de travail, sur M. C... A..., avec usage d'une arme, en l'espèce un sabre à canne ". Il ressort également de l'avis d'incompatibilité émis, à l'encontre de M. D..., par le service national des enquêtes administratives de sécurité de la police nationale que l'intéressé a, lors de ce différend routier, porté deux coups de poing au visage de la victime et commis des dégâts matériels sur le véhicule à l'aide de son sabre. En énonçant que " M. D... soutient, sans être contesté, que les faits invoqués dans la décision attaquée portent sur le jet d'une bouteille d'eau et une menace par l'intermédiaire d'un sabre ", alors que le jugement, l'avis du service national des enquêtes administratives de sécurité et les écritures du CNAPS faisaient tous état des faits plus graves qui viennent d'être rappelés, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, que le CNAPS est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 4, que M. D... a été reconnu coupable de faits de violence volontaire, commis le 14 janvier 2020, lors d'un différend routier à Lamentin, impliquant l'usage d'un sabre à canne, pour lesquels il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis, assortie d'une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de cinq ans. Si M. D... fait valoir le caractère isolé de ces faits dans sa carrière de plus de vingt ans comme agent de sécurité, leur survenue en dehors du cadre professionnel, ainsi que le caractère mineur de ces infractions pénales, dont témoignerait, selon lui, l'absence d'inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, le moyen qu'il invoque, tiré de ce que le directeur du CNAPS aurait commis une erreur d'appréciation de son comportement en considérant qu'il était incompatible avec la poursuite de ses fonctions d'agent privé de sécurité et en lui retirant, pour ce motif, sa carte professionnelle, n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

8. Par suite, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. D... tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision litigieuse du 19 avril 2024 doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CNAPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 31 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le CNAPS est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des activités privées de sécurité et à M. B... D....

Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2025 où siégeaient : M. Christophe Pourreau, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 11 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Christophe Pourreau

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 495196
Date de la décision : 11/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2025, n° 495196
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495196.20250611
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award